Télétravail : le Conseil fédéral ne veut pas agir

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Écrit par Luca Cirigliano

Il faut légiférer sur la protection de la santé et sur le règlement des frais

Le rapport du Conseil fédéral sur le télétravail dénombre beaucoup de problèmes, mais ne propose pas de solution. Pour l’USS, il est par contre clair qu’il faut légiférer sur les aspects problématiques du télétravail.

Est-ce que l’employeur peut installer son logiciel espion sur l’ordinateur personnel de ses employé(e)s quand ils travaillent à la maison ? Est-ce qu’un employé de banque qui travaille à domicile avec un wifi mal sécurisé chez lui est pénalement responsable du vol de données de clients ? Est-ce que l’employeur est responsable si ses employé(e)s souffrent d’épuisement professionnel parce qu’ils ont télétravaillé jour et nuit pour atteindre des objectifs impossibles ? Le télétravail pose ce type de questions juridiques et bien d’autres encore.

Le Conseil fédéral reconnaît dans son rapport publié à mi-novembre que les dispositions du Code des obligations, des lois sur le travail et sur l’assurance-accident sont fondamentalement applicables au télétravail. Mais cela ne s’appliquerait pas pour le contrôle de la sécurité au travail et la protection de la santé ainsi que pour beaucoup de dispositions de détail des ordonnances. Celles-ci ne s’appliquent que dans une organisation classique du travail où l’aménagement des lieux de travail incombe à l’employeur (p. ex. l’ergonomie du poste de travail, la sécurité des appareils, etc.).

La santé : également à protéger quand on travaille à domicile

Le rapport estime que c’est aussi de la responsabilité de l’employeur que d’aménager le poste de télétravail de manière appropriée. Les temps de repos et de pause doivent aussi être respectés. Mais comment ? Le plus simple serait de résumer dans un seul cadre juridique toutes les dispositions sur la sécurité au travail et la santé concernant le télétravail. Le Conseil fédéral accorde aussi qu’il faudrait promulguer des mesures spécifiques pour les concrétiser, surtout en ce qui concerne le respect de la sécurité au travail et de la protection de la santé.

Actuellement déjà, des dispositions spéciales pour le travail artisanal traditionnel à domicile sont inscrites dans la loi sur le travail à domicile (LTrD). C’est un paradoxe. En effet, il existe un cadre juridique pour une forme de travail qui n’existe presque plus, alors que le télétravail ne dispose pas de cadre juridique en vigueur pour les cas d’espèce bien que le nombre de personnes concernées ait fortement augmenté ces dernières années. On pourrait donc facilement adapter la LTrD au télétravail moderne.

L’USS demande donc que le Conseil fédéral concrétise les dispositions nécessaires dans la LTrD et la modifie en conséquence.

Les frais: pas d’économies sur le dos des employé(e)s

Il est aussi urgent de donner un cadre juridique aux questions touchant le matériel, les frais et la protection des données. Les prescriptions existantes soulèvent des questions du fait que les employé(e)s qui font du télétravail doivent fournir leurs prestations dans deux voire même plusieurs lieux.

Souvent, les frais pour le matériel de travail sont reportés sur l’employé(e). Et c’est surtout l’utilisation d’appareils privés pour le travail qui peut être problématique puisque l’art. 327 al. 2 CO prévoit que les frais peuvent être mis à la charge de l’employé(e). Cette disposition n’était pourtant pas destinée à l’informatique moderne mais à l’utilisation de véhicules d’entreprise à titre privé. Selon l’interprétation que l’on fait de l’art. 327a al. 1 du CO, les employé(e)s doivent financer eux-mêmes les frais occasionnés par le télétravail. Car sans disposition à cet égard dans une CCT ou un contrat de travail, l’employeur peut se contenter de financer le poste de travail dans ses locaux. Il n’est pourtant pas acceptable que les employeurs reportent les coûts des infrastructures sur les employé(e)s.

Les seules CCT ne suffisent pas

Les syndicats de l’USS ont à la dernière AD décidé d’inclure aux négociations conventionnelles les questions liées au télétravail. Cela vaut pour les questions du volontariat, de l’isolation sociale, mais aussi pour des questions concrètes comme le temps de travail, la protection de la liberté et du temps de récupération, l’interdiction du travail de nuit. La question des frais occasionnés par les appareils devra aussi être toujours plus réglée par les CCT.

Il y aura tout de même des lacunes : presque 50 % des travailleurs et travailleuses en Suisse ne bénéficient pas d’une CCT. Il faut établir un cadre juridique pour ces personnes. Il est donc incompréhensible que le Conseil fédéral reconnaisse qu’il faille agir dans le domaine du télétravail mais n’assume pas sa responsabilité de législateur et d’auteur d’ordonnances.

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

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