Sous-enchère salariale couverte par l’État : illégale et dangereuse pour la paix sociale

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Écrit par Paul Rechsteiner, président de l’Union syndicale suisse

Paul Rechsteiner: Grève à l’hôpital de la Providence

 

Si, n’importe où dans ce pays, une commune veut construire une école, il va de soi que le maître couvreur qui aura pour mandat d’en construire la toiture devra respecter la convention collective de travail (CCT) de sa branche. Si le canton de Berne veut mettre au concours la ligne de bus que, Mesdames et Messieurs les journalistes, vous avez peut-être empruntée pour venir ici, l’entreprise soumissionnaire, qu’elle s’appelle Bernmobil, CarPostal ou Dysli devra respecter la CCT des bus bernois.

Quand l’État achète une prestation, il le fait avec l’argent des contribuables. L’État n’a pas le droit de se servir de cet argent que nous autres, travailleurs et travailleuses, avons payé sous forme d’impôts, pour faire pression sur nos salaires. Il n’a pas le droit de pratiquer la sous-enchère salariale, mais doit acheter des biens et des prestations aux seuls soumissionnaires qui respectent les lois ainsi que les conditions de travail et les salaires en usage dans la localité et la branche.

Telle est l’idée fondamentale des lois sur les marchés publics. En 1994, la Suisse a signé l’accord de l’OMC, l’Organisation mondiale du commerce, sur les marchés publics, sur la base duquel les accords bilatéraux ont été conclus avec l’Union européenne, et en particulier celui qui concerne les marchés publics. Tous les cantons ont pris les mesures pour s’adapter à cette ouverture du marché et conclu un Accord intercantonal sur les marchés publics, ainsi que transféré les nouvelles dispositions dans leur droit cantonal respectif. Celui de Neuchâtel aussi (voir annexe).

Ce qui s’applique aux marchés publics doit aussi s’appliquer aux mandats de prestations et au versement de subventions. Si un canton place un hôpital sur sa liste des hôpitaux et lui verse même des subventions, cet hôpital est tenu de respecter la CCT cantonale de la branche. C’est précisément ce que stipule l’arrêté neuchâtelois fixant les conditions à remplir pour figurer sur la liste hospitalière cantonale. Le canton de Neuchâtel connaît une CCT intitulée « Santé 21 », qui s’applique aux acteurs publics et privés de la santé du canton, à tous les hôpitaux et EMS, et même aux soins à domicile.

Aujourd’hui, une entreprise privée à but lucratif veut s’emparer d’un de ces hôpitaux. GENOLIER (Genolier Swiss Medical Network) entend acheter l’hôpital de la Providence. Sur ordre de Genolier, ce dernier a déjà dénoncé la CCT « Santé 21 », afin de permettre une baisse des salaires et un démantèlement des conditions de travail. Genolier demande en plus que le canton de Neuchâtel verse de nouvelles subventions à l’hôpital de la Providence, ce que le Conseil d’État veut manifestement faire. Contrairement à ce qui figure dans l’arrêté déjà cité, il veut maintenir l’hôpital de la Providence sur cette liste, même si Genolier fait passer les salaires au-dessous de ce que prévoit la CCT.

Ignorer la CCT, baisser les salaires, demander des subventions supplémentaires et pouvoir ainsi verser de juteux bénéfices aux actionnaires privés de Genolier SA, telle doit être la santé demain selon cette dernière. Après l’achat de plusieurs cliniques dans les cantons de Genève, de Vaud et du Tessin, Genolier étend son emprise désormais aussi dans le canton de Neuchâtel. Jusqu’à maintenant, le gouvernement neuchâtelois ne s’est pas montré en mesure de remettre à sa place cette entreprise. Il semble disposé à ignorer ses propres lois ainsi que l’Accord intercantonal sur les marchés publics. C’est indécent. En lutte contre la politique antisociale de Genolier, le personnel de l’hôpital de la Providence s’est mis en grève. L’Union syndicale suisse (USS), tout le mouvement syndical du pays se déclarent solidaires avec lui.

Communique USS

 

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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Daniel Lampart
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