Pour les deux tiers des entreprises, la situation est bonne — 80 à 120 francs d’augmentation de salaire, c’est nécessaire, possible et pertinent

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Écrit par Ewald Ackermann

Les fédérations de l’USS revendiquent pour 2010 des augmentations de salaire de 80 à 120 francs, ou d’environ 1,5 à 2 %. Cela n’a rien d’exagéré, car en Suisse, deux tiers des salarié(e)s travaillent dans des entreprises qui, en 2009, ont réalisé de bons résultats ou au moins des résultats satisfaisants. L’augmentation des salaires contribuera à soutenir le marché intérieur. Les baisses de salaires sont inacceptables.

120 francs pour le bâtiment, autant ou presque autant dans les arts et métiers, 100 francs à la Migros et probablement la même chose à la Coop, 100 francs aussi dans les transports routiers privés : voilà les revendications concrètes présentées par le coprésident d’Unia Andreas Rieger lors de la conférence de presse de l’USS du 20 août. Les requêtes du Syndicat de la Communication vont dans la même direction, comme l’a détaillé le président central Alain Carrupt ; dans le secteur des télécoms comme à la Poste, le syndicat réclame 2 % d’augmentation de salaire. Et Judith Bucher, du ssp, a demandé au moins 1,5 à 2 % pour les annuités et les promotions du personnel des services publics.

Nécessaire et supportable

L’économie peut-elle le supporter ? ont demandé les journalistes. Oui, elle le peut, et dans la majorité des cas sans problème aucun. Car, contrairement au sombre tableau que l’on dresse, de nombreuses branches se portent très bien en Suisse, a répondu l’économiste en chef de l’USS, Daniel Lampart, qui mentionna nommément les secteurs des transports et des communications, du bâtiment, du commerce, des administrations publiques, de la santé et de l’éducation, ainsi qu’une partie de l’industrie (industrie alimentaire et des boissons, industrie pharmaceutique) et le secteur financier (banques cantonales, Raiffeisen, Credit Suisse). Ces entreprises occupent environ les deux tiers de tous les salarié(e)s du pays. Pour refuser d’augmenter les salaires réels, les entreprises de ces branches et secteurs devront — selon le président de l’USS Paul Rechsteiner — invoquer de bien mauvaises excuses.

Il est évident que les salaires en hausse sont le carburant dont a besoin le moteur du marché intérieur. Les augmentations de 2009, obtenues lors des négociations de 2008, ont assuré le maintien du pouvoir d’achat de la majorité des salarié(e)s et ainsi, le fonctionnement d’un marché intérieur encore robuste. Il en va exactement de même pour l’actuel cycle de négociations salariales, qui portera ses fruits durant une année 2010 qui s’annonce menaçante. Inversons le raisonnement : sans une augmentation des salaires, l’année prochaine risque de voir le marché intérieur s’affaisser, entraînant ainsi une croissance encore plus forte du chômage, qui sera de toute façon déjà marquée.

Les baisses de salaire : un poison 

Les syndicats prennent en compte les problèmes que connaissent certains secteurs de l’industrie. Pour les entreprises qui se portent bien, Unia revendique un montant fixe de 100 francs et plus (respectivement entre 1,5 et 2,5 %). Dans les entreprises où les commandes ont reculé, mais qui se sont « fait du gras » avec les super-bénéfices de ces dernières années, cette revendication est ramenée entre 80 et 100 francs. Et dans les entreprises qui vont mal et qui, de ce fait, veulent baisser les salaires ? Unanimement, les syndicats refusent ces baisses : « Il s’agit d’un poison pour la conjoncture, car elles anéantissent le pouvoir d’achat. Elles sont également fatales à la motivation des employés. Enfin, elles pénalisent doublement les travailleurs concernés : d’abord par la réduction de salaire, ensuite par la baisse liée des allocations de l’assurance-chômage et des autres assurances sociales. » (Andi Rieger). Et Daniel Lampart de préciser : ce qui fait défaut à ces entreprises, c’est la demande, et la baisse des salaires n’y remédie en rien. Pour que la demande reprenne, il faut au contraire des mesures internationales de soutien à la conjoncture. Donc, des hausses de salaire dans tous les pays.

Déprécier le franc — réduire le prix de l’électricité

Si certaines entreprises d’exportation ont des problèmes de coûts, ceux-ci doivent être résolus via une dépréciation du franc suisse. Une dépréciation de 3 petits centimes aurait, pour elles, un effet sur les coûts similaire à une réduction des salaires de 10 %. Et cela leur rendrait service à toutes. Une réduction du prix de l’électricité est aussi nécessaire à ces entreprises. Le gouvernement et le parlement doivent revenir sur l’ouverture du marché de l’électricité qui, dans de nombreuses firmes, a provoqué une hausse allant jusqu’à 20 % de son prix.

Compenser complètement l’augmentation des primes des caisses-maladie

En 2010, les pertes de pouvoir d’achat pourraient aussi provenir d'ailleurs : du côté de l’explosion des primes des caisses-maladie et de l’augmentation de la taxe saur le CO2. C’est prioritairement la Confédération qui est concernée, puisqu’elle pourrait agir par un subventionnement des primes égal à leur augmentation et par une rétrocession immédiate de la taxe sur le CO2. Une lueur d’espoir est apparue à ce propos, la commission du Conseil national compétente proposant cette rétrocession immédiate, ainsi que la prolongation du chômage partiel à 24 mois — une exigence avancée par les syndicats dès les premières manifestations de la crise, le chômage partiel pouvant être considéré comme une solution de rechange, nettement plus sociale, aux baisses de salaires.

D’autres revendications dans les négociations salariales

Dans l’industrie comme dans le secteur tertiaire, Unia continue d’accorder une grande importance à l’égalité salariale entre femmes et hommes. Les femmes doivent percevoir des augmentations de salaire spécifiques et les salaires dans les entreprises doivent être systématiquement analysés sous l’angle de la discrimination.

Le ssp, la CNPC (Communauté de négociation du personnel de la Confédération) et le SEV, en ce qui concerne les entreprises de transports concessionnaires, demandent en plus des augmentations de salaire, des réductions du temps de travail ou un allongement de la durée des vacances.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
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