Plan social obligatoire en Suisse depuis le 1er janvier 2014

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Écrit par Luca Cirigliano, secrétaire central de l’USS/fq

Les prédateurs peuvent passer leur chemin

Jusqu’à ce jour, c’est surtout en Suisse qu’avait lieu la majorité des licenciements collectifs dans les entreprises multinationales ou contrôlées par des « hedge funds » – ces prédateurs financiers comme on les appelle – avec succursales dans plusieurs pays. Et pourquoi donc ? Parce que nos dispositions sur les restructurations et les licenciements en cas d’« assainissement » d’une entreprise étaient faiblardes et faciles à tourner en raison d’une jurisprudence laxiste. Mais cela va changer. En effet, le nouveau droit de l’assainissement va mettre fin au « paradis suisse » des tueurs d’emplois.

Suite à la révision totale du droit de l’assainissement, l’obligation d’un plan social sera introduite en Suisse dès le 1er janvier 2014. Une mesure à mettre au crédit des syndicats, du Parti socialiste et des Verts qui se sont battus avec détermination, notamment au Conseil national. Les dispositions en question se trouvent à l’article 335h-k du Code des obligations (CO).

Assainissements facilités

Le droit révisé de l’assainissement prévoit d’importantes nouveautés qui faciliteront l’assainissement d’entreprises en difficultés. Celles –ci auront désormais droit à une « pause pour souffler », à savoir qu’en cas de problèmes financiers elles bénéficieront d’un sursis provisoire sans devoir obligatoirement entrer dans une procédure de faillite, respectivement conclure un concordat. Pendant cette pause d’au maximum quatre mois, des mesures concrètes devront être prises pour assainir l’entreprise, par exemple de nouvelles négociations des baux à loyer ou la vente de parties de l’entreprise.

Ces modifications de contrat pour cause d’assainissement seront juridiquement plus simples. Ce sera aussi le cas lors de la reprise des contrats de travail, par exemple si des parties de l’entreprise sont transférées à un nouveau propriétaire dans le cadre de mesures engagées. Tous les contrats de travail, respectivement les dettes qui en découlent, ne devront plus être repris solidairement. Dans les faits, cela ne changera pas grand-chose en raison de la jurisprudence favorable aux employeurs des tribunaux, c’est-à-dire du droit suisse de résiliation. En contrepartie, une concession a été faite pour les salarié(e)s, soit l’introduction de l’obligation de négocier un plan social en cas de licenciement collectif, et de l’appliquer.

Concrètement, qu’est-ce que l’obligation de négocier un plan social ?

Quels employeurs sont concernés par l’obligation de négocier un plan social en cas de licenciement collectif ? Malheureusement pas tous. Pour que cette obligation s’applique, il faut que l’entreprise compte plus de 250 employé(e)s et veut en licencier au moins 30. Si aucun plan social n’est convenu, un tribunal arbitral doit être saisi pour en élaborer un. Que les entreprises de moins de 250 employé(e)s ne soient pas touchées par l’obligation d’un plan social doit être considéré comme une occasion manquée.

Mais que doit contenir un plan social ? Et qui le négocie ? Les plans sociaux ont pour but d’empêcher ou d’atténuer, pour les personnes concernées, les conséquences négatives d’un licenciement. Cela peut se faire par l’offre d’un autre emploi dans l’entreprise, un reclassement externe (donc le financement de formations externes, de cours, de formations continues) ou par la retraite anticipée. Ce sont les parties qui négocient ce que contiendra le plan social. S’il y a une convention collective de travail (CCT), ces parties sont les partenaires sociaux, sinon une représentation des salarié(e)s comme la commission du personnel. L’obligation ne s’applique pas seulement à la négociation d’un plan social, mais aussi à sa conclusion. Si un employeur refuse de négocier, il sera tenu de fournir des dommages-intérêts. Tous les licenciements sont alors à considérer comme abusifs, ce qui, à son tour, implique une indemnisation au sens de l’article 336a du CO pouvant se monter à six mois de salaire. L’employeur peut aussi être puni selon l’article 292 du Code pénal (« insoumission à une décision de l’autorité »). Il faut encore souligner que le plan social n’est considéré comme tel que si toutes les parties sont d’accord ! Si ce n’est pas le cas, par exemple parce que le syndicat juge les mesures de l’employeur trop faibles, c’est à un tribunal arbitral de trancher et d’élaborer un plan social, qui sera obligatoire.

Tribunal arbitral

Il appartient aux parties, respectivement aux partenaires sociaux, de désigner qui pourra être saisi comme tribunal arbitral. La CCT pourra par exemple le prévoir. Mais on pourra aussi choisir une instance cantonale ou fédérale ou, par exemple, un tribunal arbitral privé. Les coûts, si tant est qu’il y en ait, devront être supportés par qui pourra se le permettre ; cela, afin de ne pas rendre dès le départ la procédure d’arbitrage impossible. Ce qui serait un abus de droit ! Ce devrait donc être normalement à l’employeur d’assumer ces frais, notamment si, en l’absence de partenaires sociaux, la commission du personnel accepte une procédure privée ad hoc.

Des assainissements durables désormais possibles

On voit que cette réforme comporte des avantages. Il faut notamment s’attendre à ce que l’obligation du plan social, qui inclut une obligation de négocier, et la participation des partenaires sociaux et des salarié(e)s permettront de trouver des solutions d’assainissement durables et originales. Il ne sera à l’avenir plus guère possible de procéder à des coupes claires dans le personnel. Désormais, le savoir-faire de toutes les parties contribuera au sauvetage des entreprises. Les travailleurs et travailleuses, les communes où se trouvent les entreprises et les employeurs tournés vers la durabilité en profiteront...

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

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