Offensive « 24 heures sur 24 » contre le personnel des commerces

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Écrit par Luca Cirigliano, secrétaire central de l’USS/fq

Le profit rapide devrait à nouveau passer avant la santé des gens !

Les représentant(e)s au Parlement fédéral des intérêts de l’Union pétrolière, des chaînes de grands magasins et des centres commerciaux n’ont pas pu s’en empêcher lors de la dernière session des Chambres : nouvelles coupes à la hache dans la protection de la santé des travailleurs et travailleuses et priorité aux profits rapides face aux intérêts de toute la société. En cherchant à empêcher le peuple et les cantons de dire leur mot sur les heures d’ouverture des commerces, de nombreux politicien(ne)s de droite ont une nouvelle fois montré qu’elle était leur conception douteuse de la démocratie.

En adoptant en votation finale l’initiative parlementaire Lüscher, les Chambres fédérales ont donné une nouvelle dimension à la dérégulation des horaires de travail. Dans les échoppes des stations-service situées sur les « grands axes routiers », il deviendrait ainsi possible de faire des achats 24 heures sur 24, même le dimanche ! Le samedi à 3 heures ou le dimanche à 4 heures, ces échoppes pourraient rester toujours ouvertes, qu’elles se trouvent sur des grands axes routiers cantonaux, sur des routes principales de villages et de villes déjà bien fréquentées ou sur des aires d’autoroute. Jamais, aucun jour de repos. La législation sur le travail en deviendrait caduque.

Aujourd’hui les échoppes de stations-service, demain…

Des études montrent que le travail de nuit rend malade et entraîne pour la société des coûts énormes à cause de l’épuisement professionnel et des dépressions supplémentaires dont il est à l’origine. Tous, nous serons appelés à passer à la caisse. Mais le Parlement fédéral et les patrons (Union pétrolière, exploitants d’échoppes de stations-service) s’en moquent. Aujourd’hui déjà, les conditions de travail dans ces échoppes sont parmi les plus mauvaises de la branche (bas salaires, compensation insuffisante du travail de nuit). Simultanément, les patrons ont toujours refusé obstinément toute convention collective de travail (CCT), ce qui ne dérange pas les politicien(ne)s de droite. Que l’Union pétrolière ait maintenant créé à toute vitesse – il y a quelques mois, en septembre 2012 !!![1] – une « filiale » à fonction d’organisation patronale[2] et mis en garde le syndicat contre le lancement d’un référendum qui « menacerait » les négociations constitue une tentative de manipulation inappropriée, une astuce de marketing mesquine.

Les exploitants d’échoppes de stations-service ont pour fonction de servir de fer de lance de la dérégulation des heures d’ouverture des commerces ; en raison du champ d’application peu clair de la nouvelle disposition, le travail de nuit et du dimanche pourra se répandre dans le pays en échappant à tout contrôle. Les autres commerçant(e)s de détail demandent déjà les mêmes droits que les échoppes de stations-service. Avec l’admission des ouvertures 24 heures sur 24 pour celles-ci, ce n’est plus qu’une question de temps jusqu’à ce que nous assistions à une libéralisation au plan national. Les expériences faites à l’étranger (États-Unis, Grande-Bretagne) montrent que la dérégulation des heures de travail dans le commerce de détail conduit immanquablement à une dérégulation ultérieure dans d’autres branches…[3]

C’est pourquoi les syndicats, les Églises, les médecins du travail, des partis politiques et nombre d’autres acteurs ont saisi le référendum contre la journée de travail de 24 heures dans les échoppes des stations-service. Le peuple comprendra l’astuce de l’Union pétrolière et des grands exploitants d’échoppes et l’enverra par le fond (des urnes).

Interventions parlementaires Abate et Lombardi : par voie d’ordonnance,…

Elle est sournoise, l’attaque sournoise des deux conseillers aux États tessinois Abate et Lombardi (président de la Chambre des cantons de son état et à ce titre, gardien à proprement parler de la démocratie, avec les présidents du Conseil national et de la Confédération). Comme la plupart des tentatives de déréguler les heures d’ouverture des commerces au niveau cantonal ont échoué, ils veulent en effet imposer d’en haut aux cantons une prolongation de ces heures d’ouverture et des ventes dominicales. Que le Conseil des États, « chambre de réflexion » et des cantons, fasse partie des premiers coupables de ce péché contre le fédéralisme laisse un arrière-goût particulièrement amer.

La proposition Abate adoptée par le Conseil des États introduirait par une simple modification d’ordonnance (échappant à tout référendum !) des ventes durant tout le dimanche dans des parties potentiellement vastes du pays : le nouveau paragraphe de loi élastique aurait, de par sa définition nébuleuse des « réalités touristiques », des conséquences graves pour la vie sociale dans notre pays et pour la santé des salarié(e)s ainsi que pour les conditions de travail dans la vente. Ce serait les femmes, qui représentent les trois quarts environ du personnel du commerce de détail, les plus touchées.

… la souveraineté démocratique et cantonale jetée par-dessus bord ?

La motion Lombardi vise à unifier et prolonger la durée d’ouverture des commerces dans tous les cantons. Le personnel du commerce de détail en serait la victime. Et ce dernier n’en deviendrait pas financièrement sain. Augmenter le chiffre d’affaire ne passe pas par une prolongation des heures d’ouverture des commerces, mais par un franc moins cher !

Ici aussi, les syndicats vont s’engager, dans le cadre d’une alliance élargie (Églises, ONG, partis) pour le maintien du dimanche comme jour général de repos et de détente. Ici aussi, ils combattront le diktat de la prolongation des heures d’ouverture en soirée.


[1]http://www.arbeitgeber.ch/fr/actualite/echos-des-membres/7800-lassociation-des-exploitants-de-stations-service-de-suisse-a-ete-fondeefrs29

[2] Le copinage entre le lobby du pétrole et les exploitants d’échoppes de stations-service passe aussi par des personnes : le premier président de l’Association des exploitants de shops de stations-service (AESS) est Walter Eberle, qui a dirigé Coop Mineraloel SA jusqu’en 2009…

[3] Voir à ce sujet le Dossier N° 82 de l’USS : http://www.uss.ch/themes/travail/droit-du-travail/article/details/dossier-82-consommer-24-heures-sur-24-cest-travailler-24-heures-sur-24/

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

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