Nouveau tour de vis dans la lutte contre le dumping salarial à Genève

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Écrit par Anne Rubin, service de la communication de l'USS

Sous-traitance et dumping salarial dans les marchés publics : la Ville de Genève instaure des règles plus strictes, des sanctions dissuasives et un fonds de responsabilité solidaire.

Le canton et la Ville de Genève prennent décidément le problème de la sous-enchère salariale à bras le corps. Après le net renforcement des contrôles sur le plan cantonal, c’est au tour de la Municipalité d’instaurer des règles plus strictes pour les marchés publics : interdiction de la sous-traitance en cascade, amendes allant jusqu’à 10% du contrat et introduction d’un fonds de responsabilité solidaire pour indemniser les salarié-e-s qui n’auraient pas été payés correctement.

Alors qu’un nouveau cas d’abus vient de défrayer la chronique à Genève – un patron ponctionnait jusqu’à 2500 francs par mois de salaire à des ouvriers polonais pour les loger à plusieurs dans un studio – la ville de Genève emboîte le pas au canton dans sa lutte contre la sous-enchère salariale. Elle introduit une clause contractuelle dans ses appels d’offre qui permet de limiter au maximum les sous-traitances en cascades, source de nombreux cas de dumping salarial. Cette clause est le fruit d’un accord négocié entre syndicats et patrons genevois.

Sous-traitance en cascade prohibée

Le projet genevois va beaucoup plus loin que la récente législation fédérale sur la responsabilité solidaire qui ne prévoit pas que l’adjudicataire principal puisse être tenu pour responsable des salaires non payés par ses sous-traitants. L’accord genevois est en grande partie l’œuvre des syndicats qui se battent depuis des années pour « une réelle responsabilité solidaire ». Il introduit des normes strictes et impératives : les adjudicateurs de travaux publics devront contrôler pendant toute la durée des travaux que leurs sous-traitants respectent les conventions collectives de travail en vigueur, qu’elles paient les salaires et les assurances sociales. Interdiction est aussi faite à un sous-traitant de sous-traiter plus loin : c’est totalement inédit en Suisse. Les amendes pouvant aller jusqu’à 10% du contrat d’adjudication devraient aussi être extrêmement dissuasives.

Création par la Municipalité d’un fonds de responsabilité solidaire

Quand une entreprise a été convaincue de sous-enchère salariale, c’est habituellement la croix et la bannière pour les salarié-e-s, souvent étrangers et ne connaissant pas le système légal, de récupérer leur créance devant les tribunaux. En outre, les procédures prennent des années ou n’aboutissent carrément pas, si l’entreprise a disparu dans la nature. Le nouveau fonds de responsabilité solidaire doté de 300 000 francs que la Ville de Genève a créé fin janvier soutiendra ainsi les travailleurs lésés. Ce sera à la Ville de récupérer les arriérés de salaire, non plus aux travailleurs.  

« Avec la mise en place du Fonds de responsabilité solidaire, le renforcement des contrôles et le durcissement des sanctions, une collectivité publique se dote pour la première fois en Suisse d’instruments efficaces pour lutter contre la sous-enchère sur les chantiers publics », note Alessandro Pelizzari, secrétaire régional d’Unia Genève. La Municipalité a en outre voté un crédit de 300 000 francs pour doter deux postes de contrôleurs des chantiers. Ils viennent  s’ajouter à la nouvelle brigade de contrôleurs paritaires que le canton a mis en place fin 2015 avec les partenaires sociaux.

Volonté politique de protéger le marché du travail

Toutes les mesures prises dans la ville du bout du Lac, mais aussi à Bâle et peut-être bientôt à Zurich (votation le 28 février sur l’initiative Stop dumping) montrent qu’il est possible de renforcer les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes. Il faut toutefois que la volonté politique d’empoigner les problèmes soit présente. Plutôt que de se contenter de crier au loup et de faire le jeu de l’UDC.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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