Même Zurich dit non

  • Protection de la santé et sécurité au travail
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Écrit par Jean Christophe Schwaab

Prolongation des heures d’ouverture des commerces

Les partisans d’une société sans garde-fou aucun s’attaquent sans discontinuer à l’interdiction de principe du travail de nuit et du travail du dimanche. Mais, ces derniers temps, leur courage doit en avoir pris un coup. En effet, même les Zurichois(es) ont mis un carton rouge aux dérégulateurs des heures d’ouverture des commerces. Mais les Chambres fédérales ont-elles bien compris le message, elles qui doivent traiter actuellement de propositions semblables ?

 

Ces dernières années, plusieurs des tentatives de libéraliser les horaires de travail sont venues de Zurich. Ainsi, c’est pour légaliser a posteriori le centre commercial « shopville », sis sous la gare centrale de Zurich, qu’avait été déposée l’initiative Hegetschwiler (votée en 2005), qui demandait la libéralisation du travail dominical dans toutes les grandes gares. Plus récemment, c’est parce que quelques échoppes de stations-service zurichoises se sont vu interdire d’ouvrir la nuit par le Tribunal fédéral (qui a, comme la loi l’exige, donné la priorité à la santé et à la vie familiale des travailleurs et travailleuses concernés) que l’initiative parlementaire Lüscher a été lancée. Son but est de répondre aux attentes d’une petite minorité de consommateurs et consommatrices impatients en permettant à ces échoppes d’ouvrir 24 heures sur 24. Et il y a encore la motion « Hutter », du nom d’un conseiller national libéral-radical zurichois, qui veut que les cantons puissent fixer leurs horaires d’ouverture sans tenir compte du droit fédéral sur la protection des travailleurs et travailleuses, ou encore la proposition du Grand conseil zurichois, qui entend faire passer à 200m2 la surface des magasins pouvant ouvrir n’importe quand. À chaque fois, on a l’impression que c’est la « grande ville moderne » qui veut faire tomber des législations « obsolètes » et « contraires aux intérêts des consommateurs et consommatrices ». On en serait presque à une lutte des « urbains visionnaires » contre les « bouseux conservateurs ».

Le 17 juin, les Zurichois(es) ont fait mentir ce cliché de la manière la plus éclatante qui soit, en rejetant massivement l’initiative du Parti libéral-radical « Le client est roi ». Cette initiative souhaitait libéraliser complètement les horaires de travail de tous les commerces (et, par ricochet, des branches à leur service : nettoyage, logistique, sécurité, etc.). Lors de la campagne qui a précédé ce scrutin, tant les mauvaises conditions de travail qui règnent dans la branche (bas salaires, pratiquement pas de CCT, risques de braquage) que la qualité de vie (nuisances pour les voisins des « shops ») ont été mises en avant par les syndicats, qui ont aussi insisté sur la nécessité, pour la société, de bénéficier de plages de repos communes à toute la population. Le peuple s’est rangé de leur côté à plus de 70 % des voix !

Le même jour, les électeurs et électrices lucernois ont aussi refusé de prolonger les horaires des commerces. Même si la modification avait l’air anodine (une heure de plus par semaine seulement, le samedi), près de 55 % des électeurs et électrices l’ont refusée. Les syndicats ont montré qu’il ne s’agissait en effet que de l’avant-goût d’une initiative des jeunes libéraux-radicaux au contenu similaire à celui de l’initiative « Le client est roi », qui sera soumise au vote populaire cet automne.

Tirer les leçons des résultats des votations ?

Cette nette double-défaite des partisans du « 24 heures sur 24 » indique que, contrairement à ce que d’aucuns voudraient nous faire accroire, les citoyen(ne)s-consommateurs/consommatrices tiennent, eux aussi, à la santé des salarié(e)s et à la qualité de vie qu’une prolongation des horaires des magasins ne manquerait pas de dégrader, comme nous l’avons déjà montré. Et ces résultats sont de très bon augure avant un éventuel référendum contre le travail de nuit et du dimanche dans les échoppes de stations-service.

La Commission des redevances et de l’économie du Conseil des États (CER-E) a déjà tiré les leçons de ces scrutins en rejetant, le 26 juin, la motion Hutter. Et pour ce qui est de l’initiative parlementaire Lüscher, la même commission a montré qu’elle était consciente du problème. En effet, elle ne l’accepte que sous une forme atténuée, ce qui, comparé à la décision du Conseil national, est un progrès. Par rapport à cette dernière, la solution adoptée par la CER-E entraînerait plus de travail de nuit, mais pas plus de travail du dimanche. Toutefois, au vu de l’état d’esprit évident de la population sur ces questions, cette initiative doit être, elle ausisi, rejetée dans sa totalité.

Dans sa grande majorité, le peuple est satisfait des actuelles heures d’ouverture des commerces. C’est pourquoi l’Union syndicale suisse (USS) espère que la Chambre des cantons rejettera l’initiative parlementaire Lüscher. Aux yeux de l’USS en effet, il est clair que, pour des raisons sociales et de santé, le travail de nuit et le travail du dimanche doivent rester des exceptions. Et, si nécessaire, elle combattra par la voie référendaire toute banalisation de ces formes de travail.

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

031 377 01 17

luca.cirigliano(at)sgb.ch
Luca Cirigliano
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