Les droits internationaux doivent être garantis !

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Écrit par Vasco Pedrina

Le 9 juin dernier, l’Union syndicale suisse (USS) a protesté par une action symbolique devant le siège genevois de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Le Conseil fédéral refuse en effet de légiférer pour protéger comme il se doit les représentant(e)s syndicaux contre les licenciements abusifs.

Un peu d’histoire : en 2003, l’USS a déposé une plainte contre la Confédération devant le Comité de la liberté syndicale du Bureau international du Travail (BIT). Elle portait sur le fait que la législation suisse ne protège pas assez les travailleurs et travailleuses contre les licenciements antisyndicaux, alors que la Suisse a ratifié en 1999 la convention 98 de l’OIT sur la liberté syndicale, une convention qui prévoit pareille protection. Dans sa plainte, l’USS y exigeait aussi que les licenciements antisyndicaux soient annulés et pas uniquement indemnisés par le versement d’au maximum six mois de salaire (dans la réalité, il s’agit la plupart du temps de deux ou trois mois).

En 2004, le Comité de la liberté syndicale a accepté cette plainte et prié la Suisse de mettre sa législation en conformité avec les normes internationales du travail. Mais le Conseil fédéral a refusé d’obtempérer, se fondant sur le refus des patrons qui, pour leur part, n’estiment pas nécessaire d’agir. En 2006, l’USS a soumis à une nouvelle reprise au même comité du BIT plusieurs cas récents de travailleurs syndiqués licenciés à cause de leur engagement syndical. Et le comité du BIT a à nouveau prié la Suisse de mettre sa législation en conformité avec la convention 98, lui suggérant cette fois de s’inspirer de la loi sur l’égalité entre femmes et hommes, qui prévoit l’annulation d’un licenciement reconnu abusif. Mais une nouvelle fois, le Conseil fédéral a refusé d’agir.

Cette situation est d’autant plus inacceptable que, dans le contexte de la crise mondiale actuelle, qui laisse des traces de plus en plus profondes dans notre pays, un nombre croissant d’employeurs remettent en cause les règles du partenariat social et portent atteinte aux droits syndicaux en se livrant en particulier aux licenciements de nos délégué(e)s syndicaux, voire de représentant(e)s du personnel.

Pour preuve, ce qui s’est passé ces derniers mois :

 

  • en février 2009, une vendeuse a été licenciée à Genève pour des motifs purement antisyndicaux par le grand Magasin Manor. Bien que la « Chambre des relations collectives de travail CRTC », un office de conciliation, ait demandé sa réintégration, la direction de Manor ne semble pas vouloir du tout faire marche arrière.
  • À la fin avril 2009, la grande fabrique de machines textiles, Karl Mayer AG a licencié, après 39 ans de bons et loyaux services, un militant syndicaliste monteur de profession qui, durant de très nombreuses années, a présidé la commission d’entreprise. Lui aussi avait fait part à un journaliste des problèmes survenus en temps de crise dans son entreprise en restructuration !
  • À la mi-mai 2009, dans le cadre d’un plan de restructuration de deux des plus grands journaux suisses alémanique, le « Tages-Anzeiger » et le « Bund », deux journalistes sont licenciés. Tous les deux sont présidents de leur commission d’entreprise respective...

Il est plus que temps que les autorités changent d’attitude. Le président du groupe des travailleurs et vice-président de la Confédération internationale du Travail de 2009, Sir Roy Trotman, a également lancé un appel dans ce sens à l’attention du gouvernement suisse. Mais si rien ne change, l’USS veillera à ce que la Suisse soit à nouveau mise en accusation lors de la Conférence internationale du Travail de 2010. Ces dernières années, parmi les pays qui se sont retrouvés sur le banc des accusés, on trouvait la Birmanie, la Chine ou le Bélarus… La liberté syndicale implique nécessairement une protection spéciale des représentant(e)s syndicaux contre les licenciements abusifs. Comme l’interdiction du travail des enfants ou du travail forcé, elle fait partie des normes fondamentales du travail, que la Suisse est, elle aussi, tenue de respecter.

Encadré - Un témoignage personnel

Pour cette action syndicale devant le siège de l’OIT, Daniel Suter, président de la commission du personnel du « Tages-Anzeiger », qui a été licencié en 2009, a présenté son témoignage. À ses yeux son licenciement dans le cadre d’un licenciement collectif représente de toute évidence une attaque contre la commission du personnel à la création de laquelle il avait participé en son temps. Une commission que, dès le départ, il s’agissait de dégoûter de s’opposer à des licenciements collectifs. Ce que Daniel Suter commente en ces termes : « Aussi longtemps que le législateur n’empêchera pas ces congés abusifs - les employeurs coupables […] devant […] être condamnés […] aussi à la réintégration des personnes abusivement licenciées - la protection des représentant(e)s des travailleurs restera une illusion. »

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

031 377 01 17

luca.cirigliano(at)sgb.ch
Luca Cirigliano
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