Le Conseil national doit enfin présenter des solutions équitables aux victimes de l’amiante

  • Suisse
  • Protection de la santé et sécurité au travail
  • Assurance-accidents
Articles
Écrit par Luca Cirigliano

Nouvelle ronde dans la révision du droit de prescription

Selon toutes prévisions, le Conseil national traitera lors de sa prochaine session de la réforme du Code des obligations (CO). Il s’agit aussi, dans cette réforme, de légiférer correctement pour les victimes de l’amiante. Leurs demandes ne doivent plus être prescrites avant même que la maladie ne se déclare, comme c’est souvent le cas au bout de 40 ans ou plus après l’exposition aux fibres d’amiante. La législation doit en tenir compte.

La Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) l’a signalé clairement : le droit de prescription suisse de dix ans ne correspond pas aux standards modernes sur les risques pour la santé. Les maladies dues à l’amiante le montrent de façon éclatante. Le fait que les réclamations qui y sont liées soient déjà prescrites avant même que la maladie ne se déclare empêche systématiquement tout droit à faire valoir des prétentions. Cela contrevient à l’article 6 de la Convention des droits de l’homme, selon la CrEDH. Le Tribunal fédéral s’est rallié à cet avis en révisant son jugement dans son arrêt 4F_15/2014 du 11 novembre 2015. Il a jugé que les prétentions des familles de victimes de l’amiante décédées devaient être examinées malgré que l’instance précédente ait estimé qu’il y avait prescription. 

Mais cela ne suffit pourtant pas. Il faut aussi que la loi soit modifiée afin qu’elle corresponde au jugement de la CrEDH et que la sécurité du droit et l’égalité de traitement devant la loi soit valable pour tous ! Les deux chambres du Parlement se sont penchées sur les adaptations à faire du CO.

Conseil des États : ce n’est qu’un pas dans la bonne direction

Le projet, tel qu’adopté par la chambre haute en second conseil, prévoit des solutions trop peu différenciées pour les victimes de l’amiante. La commission des affaires juridiques du Conseil des États avait pour sa part encore décidé d’instaurer un délai de prescription absolu de trente ans pour tous les dommages corporels ainsi qu’un régime spécial provisoire pour les maladies dues à l’amiante. Mais le plénum est de nouveau revenu en arrière. Il a décidé que le délai de prescription ne serait que de dix ans au lieu de trente pour les dommages corporels. L’USS est d’avis que le délai ne doit courir qu’à partir du moment où la maladie se déclare, une solution nota bene qui serait déjà possible avec la législation actuelle.

Toujours est-il que le Conseil des États prévoit pour les maladies dues à l’amiante un délai supplémentaire d'un an à partir de l’entrée en vigueur pour les cas où le délai de prescription aurait déjà été dépassé selon la nouvelle législation ou les prétentions en justice auraient déjà été rejetées à cause de la prescription.

L’USS soutient cette règlementation de transition parce qu’elle va dans la bonne direction et reprend la jurisprudence de la CrEDH ainsi que du Tribunal fédéral. Le Conseil national doit reprendre cet élément qui est le minimum absolu envers les victimes de l’amiante. L’USS appuie en outre le Conseil des États dans sa décision de rendre subsidiaire ce régime spécial provisoire, à savoir qu’il ne serait appliqué que si aucun fonds ne fournit des indemnités. Autrement dit : si un fonds qui assure une indemnisation adéquate des dommages corporels dus à l’amiante existe au moment où une demande de dommages et intérêts ou d'indemnité est déposée, cette règlementation de transition n’est plus valable.

La table ronde doit agir

Les acteurs de la table ronde sur l’amiante dirigée par l’ancien conseiller fédéral Moritz Leuenberger sont donc invités à agir dans ce sens. Ils doivent veiller à ce que, conformément aux propositions du Conseil des États, un fonds soit constitué pour apporter des prestations appropriées tout d’abord aux victimes et à leurs familles qui ne sont pas couvertes par la loi sur l’assurance-accidents, mais aussi, pour celles qui le sont.  

Un tel fonds est aussi dans l‘intérêt des anciens employeurs et des assurances : ils évitent ainsi de longs et couteux procès. Et on pourrait ainsi éviter beaucoup de souffrance aux victimes et à leurs familles qui pourront bénéficier des prestations du fonds sans formalités excessives. 

Faire courir le délai à partir du moment où la maladie se déclare

On se doit d’exiger de la part du Tribunal fédéral qu’il établisse sa jurisprudence en respectant les droits humains et fasse courir le début du délai de prescription à partir du moment où le dommage est constaté, à savoir où la maladie se déclare. Cela serait déjà possible avec la législation en vigueur. C’est aussi ce que demande entre les lignes le jugement de la CrEDH.

Le Conseil national doit maintenant lors de ses prochaines délibérations trouver des solutions pour le droit de prescription qui ne fasse pas l’impasse sur les souffrances des personnes concernées.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
Top