La protection contre les licenciements n’est pas conforme au droit international

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Écrit par Luca Cirigliano, secrétaire central USS

Une étude mandatée par la Confédération débouche sur des conclusions claires

C’est désormais officiel : la protection contre les licenciements qu’offre le droit suisse ne remplit ni les exigences de l’OIT, ni celles de la CEDH. Une étude de l’Université de Neuchâtel confirme l’USS dans sa position. Il faut urgemment de meilleures lois!

Sous la pression de l‘USS et de ses fédérations, le Département fédéral de justice et police et le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) ont mandaté le Centre d’étude des relations de travail de l’Université de Neuchâtel pour réaliser une étude. Celle-ci devait analyser la protection contre les licenciements des salarié-e-s, plus particulièrement de leurs représentant-e-s et vérifier si le droit suisse était en conformité avec le droit international. L’étude est maintenant publique et livre un constat dévastateur : la protection contre le licenciement qu’offre le droit suisse ne remplit ni les prescriptions de l’Organisation internationale du travail (OIT), ni celles de la Convention européenne des droits humains (CEDH). Cette expertise conforte ainsi l’USS dans ses revendications : les lois suisses doivent être urgemment réformées !

Tout a commencé par la plainte de l’USS

Il y a déjà quelques années, l’USS a déposé une plainte auprès de l‘OIT contre le manque de protection contre le licenciement pour les militant-e-s, les membres des commissions du personnel ainsi que des conseils de fondation. La plainte a été admise par l’OIT. Mais il ne s’est pas passé grand-chose quant à des améliorations légales concrètes. Toutes les propositions d’améliorations sont jusqu’à présent retournées dans les tiroirs sous la pression des employeurs et de la droite.  

Pour rappel : en Suisse, la liberté de licencier est quasiment illimitée. Les employeurs peuvent signifier leur congé à des employé-e-s à discrétion, également à ceux qui leur sont désagréables parce qu’ils s’engagent pour les droits de leurs collègues. Si les personnes licenciées portent plainte, les employeurs peuvent compter devoir payer au maximum 6 mois de salaire. La plupart des tribunaux se contentent même de seulement trois mois, un montant ridiculement bas. Aucune réintégration n’est prévue par le Code des obligations (CO), même si le tribunal a reconnu que le licenciement était abusif !

Suite à la plainte de l’USS, l’OIT a relevé que cela n’était pas conforme aux conventions de droit international que la Suisse a ratifiées et auxquelles elle est soumise. Cette pratique contrevient surtout aux Conventions 87 et 98 de l’OIT sur la protection de la liberté syndicale.

Il faut agir urgemment

Les employeurs et le Conseil fédéral auraient-ils jusqu’à présent mis en doute le constat de l’OIT ? L’étude neuchâteloise, mandatée par la Confédération sous la pression de l’USS et suite à la recommandation de l’OIT, n’arrive pas seulement à la même conclusion, elle va même encore plus loin sur le plan juridique : le CO, constate l’étude, de par son manque de protection contre les licenciements des représentant-e-s du personnel et des salarié-e-s qui s’engagent syndicalement ne contrevient pas qu’aux exigences légales de l’OIT, il viole aussi celles de la CEDH. Les auteurs de l’étude neuchâteloise, les professeurs en droit Jean-Philippe Dunand et Pascal Mahon ainsi que leurs co-auteurs, mettent en garde : si la Suisse ne modifie pas bientôt sa législation, elle sera tôt ou tard condamnée pour violation de son devoir de protection par la Cour de justice européenne.

Les mêmes auteurs livreront au plus tard à l’automne 2016 un rapport sur la deuxième partie de leur mandat d’étude : une étude spécifique sur la protection contre le licenciement abusif de travailleuses et travailleurs qui sont en grève. On peut là aussi facilement prévoir son résultat : le fait qu’en Suisse, il n’y a pas de protection spécifique ou suffisante pour les travailleuses et les travailleurs qui se saisissent de mesures de lutte légitimes, comme la grève, est notoirement connu. Parmi un grand nombre de cas, il est ici fait référence à l’exemple de la clinique privée « La Providence » appartenant au Groupe Genolier où les employé-e-s qui avaient fait grève pour de meilleures conditions de travail et de soin ont été licenciés avec effet immédiat – dans le pire des cas, Genolier ne risque pas plus que le paiement de quelques mois de salaire.  

Les revendications de l’USS à l‘ordre du jour

L’USS s’engage pour une amélioration de la protection contre les licenciements et a jusqu’ici toujours participé aux discussions de manière constructive. Malheureusement, les employeurs ont jusqu’à présent bloqué toute solution au problème, aidés en cela par le Conseil fédéral et la majorité de droite du Parlement. Tenu compte du résultat dévastateur de l’étude, le Conseil fédéral et le Parlement doivent enfin agir et adapter le CO au droit international. Et les employeurs doivent aussi enfin accepter une amélioration de la protection contre les licenciements dans le droit suisse.

L’USS exige donc que le Conseil fédéral élabore des propositions pour une meilleure protection des représentant-e-s syndicaux pour enfin mettre le droit suisse en conformité avec le droit international. Le droit à la réintégration de personnes abusivement licenciées doit notamment faire partie de ce projet. Car seule la réintégration représente une sanction efficace et dissuasive pour l’employeur qui foule aux pieds la démocratie et le partenariat social en procédant à des licenciements antisyndicaux. On ne rachète pas des violations de droits fondamentaux avec l’équivalent de quelques mois de salaire, somme dérisoire que la plupart des employeurs peuvent payer avec la caisse pour les frais de port.

Des solutions impliquant le droit à la réintégration existent déjà dans le droit du personnel de la Confédération et dans la loi sur l’égalité. L’USS exige que ces bons exemples tirés du droit suisse soient aussi introduits dans le CO.

Colloque juridique de l’USS

L’USS organise le 13 novembre à Berne un colloque juridique bilingue (français/allemand) sur les exigences du droit international dans le droit suisse, en matière de protection contre les licenciements abusifs plus particulièrement. Les personnes intéressées peuvent s’inscrire par courriel.

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

031 377 01 17

luca.cirigliano(at)sgb.ch
Luca Cirigliano
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