Il faut en finir avec l’introduction antidémocratique du travail du dimanche !

  • Droit du travail
  • Suisse
Articles
Écrit par Luca Cirigliano

Pas besoin d’une « Lex Foxtown »

Le SECO veut manifestement introduire les ventes du dimanche généralisées au moyen d’une ordonnance et contourner ainsi le peuple et les cantons. Cette façon de procéder reflète la pression exercée par un lobby fort relativement à l’exploitation du centre d’achats « Foxtown » à Mendrisio. Les syndicats combattent cet objectif, également au plan juridique. Un avis de droit de l’Université de Neuchâtel leur donne d’ailleurs raison.

La motion Abate acceptée par les Chambres fédérales entend autoriser la vente dominicale de produits de luxe dans les régions frontalières et touristiques. C'est là, à nouveau, un grand pas vers la généralisation des ventes du dimanche. Le Conseil fédéral, respectivement le SECO, veut désormais fixer ces modifications uniquement dans une ordonnance et non dans la loi. Ce qui va empêcher tout contrôle via la démocratie directe et toute opposition des cantons, alors que ce sont eux qui sont à proprement parler responsables de ces questions.

L’État de droit en prendrait un coup

En 2012 déjà, l’USS avait critiqué ce projet en soulignant qu’une réforme aussi importante n’avait pas à se faire via une ordonnance, mais nécessitait que l’on modifie la loi sur le travail (LTr). Aujourd’hui, cette position est entièrement confirmée par l’avis de droit de l’Université de Neuchâtel (cf. Pascal Mahon, Jean-Philippe Dunand, Avis de droit, Projet de modification de l’art. 24 OLT 2, Neuchâtel 23.12.2013).

La critique émise à l’encontre de la procédure du SECO dans cet avis de droit de deux des spécialistes les plus connus du droit du travail de Suisse, notamment l’absence d’adaptation préalable de la LTr relativement à la notion de tourisme, ne doit pas rester lettre morte ! La balle est donc dans le camp du SECO, qui doit prendre contact avec les partenaires sociaux, et notamment les syndicats.

Le travail du dimanche rend malade

En effet, les déréglementations proposées du travail dominical auraient de graves conséquences pour la santé et la vie sociale des travailleurs et travailleuses concernés. Le dimanche, comme jour de repos généralisé permet d’abord de vivre avec sa famille et de récupérer, ce qui est important. La situation est d’autant plus grave que les propositions de réforme du SECO ne prévoient absolument aucune mesure de compensation. C’est inacceptable dans une branche déjà précaire comme le commerce de détail où de nombreux employeurs refusent toujours de chercher des solutions à travers une convention collective de travail.

Qu’est-ce que le luxe ?

Les propositions du SECO se singularisent aussi par un grand nombre d’imprécisions. L’exécution de l’ordonnance s’apparenterait à une loterie.

Il est ainsi demandé que seuls des produits de luxe puissent être vendus dans les centres d’achats. Mais qu’est-ce qu’un produit de luxe ? Une Swatch ou seulement une Rolex ? Un chocolat « normal » ou un chocolat de chocolatier ? Une chemise d’armailli « made in Switzerland » ou un t-shirt de marque très cher « made in China » ? Un parfum ? Mais lequel alors ?

En outre, l’ordonnance révisée demanderait que les centres d’achats réalisent leur chiffre d’affaire d’abord avec une clientèle internationale, donc pas suisse. Mais comment contrôler cela ? Devrait-on introduire une « obligation de passeport » afin de savoir qui est un client international ou pas ? Devrait-on tenir un registre des clients ? Devrait-on contrôler à la fin de chaque année si les prescriptions ont été observées ? Et que se passerait-il si des infractions étaient constatées, etc. ?

Plus l’on se penche sur l’application de la motion Abate proposée par le SECO, plus il apparaît que la solution surencombrée qui nous est présentée n’est pas assez mûre. Elle se révèle être, à proprement parler, une « Lex Foxtown », et n’être donc que dans le seul intérêt du centre d’achats tessinois du même nom. Mais on ne peut pas, par le biais d’une réforme express, sortir de l’embarras le centre d’achats Foxtown entré dans l’illégalité grâce à une « autorisation spéciale », à savoir celle de pouvoir rester ouvert le dimanche, et mépriser ainsi à ce point les intérêts des employé(e)s, des cantons et des consommateurs et consommatrices.

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

031 377 01 17

luca.cirigliano(at)sgb.ch
Luca Cirigliano
Top