Protection des salarié-e-s : Guy Parmelin devra tenir ses engagements

  • Protection de la santé et sécurité au travail
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Écrit par Luca Cirigliano, Marilia Mendes Agostinho

Conférence annuelle de l’OIT : coronavirus et protection contre le licenciement

Le président de la Confédération Guy Parmelin a inauguré le 7 juin à Genève la 109e Conférence internationale du Travail 2021, plus haute instance de l’Organisation internationale du Travail (OIT), l’agence de l’ONU qui traite des questions relatives au travail dans le monde. Lors de son allocution, le conseiller fédéral s’est engagé à améliorer la protection des travailleurs et travailleuses en Suisse.

Nous prenons au mot Monsieur Parmelin : la Suisse n’a en effet toujours pas mis en œuvre les recommandations de l’OIT concernant l’amélioration de la protection contre les licenciements contraires aux droits fondamentaux. La médiation mise en route en 2019 sur mandat du Conseil fédéral et sous la présidence de Franz Steinegger n’a donné encore aucun résultat.

Le Conseil fédéral s’est engagé vis-à-vis des partenaires sociaux et de l’OIT à proposer, au plus tard en 2022, une révision de la loi conforme aux exigences du droit international (conventions de l’OIT, CEDH). La pression est forte sur le gouvernement suisse : si rien ne se passe, la Suisse se retrouvera à nouveau dans le viseur de la commission de l’application des normes de l’OIT (la plus haute juridiction du travail de l’ONU).

Autre sujet abordé lors de la grande réunion annuelle : la protection de la santé comme faisant partie intégrante de la protection des salarié-e-s. En Suisse, les gens travaillent beaucoup trop, trop longtemps et de manière trop irrégulière. La réglementation du temps de travail y est unilatéralement favorable aux employeurs, et le droit du travail suisse n’est plus – et depuis fort longtemps – un modèle en matière de protection contre l’épuisement professionnel ou contre l’effacement des limites entre temps libre et temps de travail. De plus, nous faisons face actuellement à des phénomènes tels que la multiplication du télétravail, mais aussi à des initiatives parlementaires extrêmes qui veulent de fait supprimer la protection de la santé au travail. Dans ce contexte, nous prenons de nouveau Monsieur Parmelin et le Conseil fédéral au mot : la Suisse a besoin de plus de protection de la santé au travail, pas de moins.

COVID-19 au cœur des débats : plus de protection, moins de précarité

La crise du coronavirus a mis en lumière les défaillances criantes dans le monde du travail en matière de sécurité au travail et de protection de la santé. Les rapports de l’OIT sur ce sujet en témoignent clairement.

Pour de nombreuses personnes, le lieu de travail est l’endroit où elles ont été infectées par le virus. Souvent, la protection la plus élémentaire faisait et fait toujours défaut, aussi en Suisse, comme l’ont constaté de nombreux salarié-e-s. Et ça coince encore trop souvent dans l’application de la protection de la santé en Suisse : le nombre d’inspecteurs et d’inspectrices, et donc la densité des inspections, est trop faible pour garantir efficacement le respect des dispositions de la loi sur le travail.

La Suisse n’a pas encore signé la Convention n° 155 de l’OIT sur la protection de la santé. De plus, la loi sur le travail ne vaut même pas pour tous les salarié-e-s : l’agriculture ou le travail domestique par exemple en sont exclus. Il est donc impératif que la conférence de l’OIT de l’année prochaine désigne la sécurité et la santé au travail comme des droits fondamentaux sur le lieu de travail. Il est tout aussi urgent que la Suisse augmente la fréquence des inspections dans le domaine de la protection de la santé ainsi que leur financement.

La pandémie a mis au jour la « brutalité insupportable des inégalités multiples et grandissantes dans nos sociétés, qui trouvent souvent leur origine dans le monde du travail », a souligné à cette occasion le directeur général de l’OIT Guy Ryder. Pour lutter contre ce phénomène, il faut des emplois sûrs avec des salaires équitables et une sécurité sociale complète. La crise du COVID-19 doit servir d’opportunité pour créer un monde du travail avec une bonne protection de la santé, avec de l’égalité et sans conditions de travail précaires. La Suisse a encore beaucoup à faire pour y parvenir.

Les femmes et les migrant-e-s sont les plus durement touchés

Au début de la crise sanitaire, la précarité et la pauvreté en Suisse sont devenues visibles pour tout le monde. On a vu se former de longues files d’attente pour la distribution de colis alimentaires dans des villes riches comme Genève et Zurich, une vision complètement inusitée. L’État a alors pris rapidement des mesures pour contenir les pires conséquences de la lutte contre pandémie. Il a mis en place des structures tripartites pour gérer au mieux cette crise et a toujours consulté au préalable les partenaires sociaux, en particulier les syndicats. Cet effort a été reconnu lors de la conférence de l’OIT.

Malgré ces mesures importantes, de nombreuses personnes sont passées entre les mailles du filet social. Les « travailleurs et travailleuses pauvres », c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas eu droit au chômage partiel ou à un salaire, comme le personnel de nettoyage sur appel dans les ménages privés, ont été contraints de se rendre aux distributions de nourriture.

Aujourd’hui encore, on y voit des migrant-e-s sans permis de séjour ; ou avec un permis, mais sans aucun droit à l’assurance chômage ou à l’aide sociale ; ou encore des personnes qui n’osent pas demander l’aide sociale de peur de perdre leur droit de résidence. Le droit à l’assistance en cas de besoin est un droit fondamental en Suisse. Mais les migrant-e-s qui font usage de ce droit peuvent perdre leur permis de séjour pour cette raison. C’est inacceptable.

Les femmes, et surtout les femmes migrantes, sont les plus durement touchées, comme en témoignent les rapports de l’OIT. Pourtant, leur travail est d’une valeur inestimable, en particulier dans les professions essentielles, comme par exemple celles des soins. Elles assurent l’approvisionnement de base de la société et le fonctionnement du système de santé. Et leur travail ne s’arrête pas là : arrivées à la maison, beaucoup d’entre elles doivent encore s’occuper des enfants et même assumer des tâches scolaires lorsque les écoles et les jardins d’enfants sont fermés. Il s’agit d’une charge énorme, en particulier pour les femmes migrantes, qui ne sont souvent pas en mesure d’aider leurs enfants parce qu’elles ne maîtrisent pas la langue scolaire ou ne disposent pas de connaissances numériques suffisantes.

La Conférence de l’OIT l’a bien montré : des améliorations s’imposent dans tous ces domaines. Aussi – surtout ! – dans ce pays riche qu’est la Suisse, où les différences salariales sont particulièrement choquantes et les outils de contrôles trop faibles.

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

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