Faits et chiffres démentent un partenariat social idéalisé

  • Salaires et CCT
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Écrit par Ewald Ackermann

Nouveau Dossier (94) de l’USS

En Suisse, le « partenariat social » sert parfois aussi à embellir certains prêches dominicaux. Un nouveau Dossier de l’USS montre comment et où le partenariat social ne fonctionne pas dans notre pays.

« Le système de formation des salaires en Suisse est basé sur un partenariat social fort et responsable.[…] L’excellent fonctionnement du partenariat social constitue un atout majeur de la place économique suisse […] Le système en vigueur en Suisse, qui laisse les partenaires sociaux fixer les salaires minimums, permet d’équilibrer la distribution des salaires. » À ces trois phrases, qui entonnent le cantique du partenariat social, on pourrait en ajouter sans peine plusieurs dizaines de même tabac, toutes tirées d’un seul et unique document. Mais celui-ci n’est pas une brochure commémorant et idéalisant l’histoire suisse du partenariat social. Il s’agit du message du Conseil fédéral concernant l’initiative syndicale sur les salaires minimums.

Dans son message, le gouvernement indique certes le nombre des personnes protégées par une convention collective de travail (CCT) prévoyant un salaire minimum (2012 : 1 289 600), mais pour savoir que cela ne représente que 36 % des salarié(e)s du pays, à nous de faire le calcul nous-mêmes. Et l’on voit ainsi que pour 64 % des salarié(e)s, c’est le patron qui fixe tout seul le salaire…

Tel est le point de départ de ce nouveau Dossier de l’USS. On y trouve, bien classés par branche, les noms des employeurs qui refusent le partenariat social, ce qui nous donne un tour d’horizon du paysage patronal qui, sitôt oubliées les pratiques des débuts de l’industrialisation, se caractérise aujourd’hui par l’idéologie du « seul maître à bord » (de l’entreprise s’entend).

Dans la branche textile, tant Calida que Forster Rohner ne veulent pas conclure une CCT. Chez les éditeurs, le président Hanspeter Lebrument se refuse depuis 2004 à signer une nouvelle CCT. Dans l’industrie des machines, des noms très connus comme André Kudelski, von Roll, Stöcklin SA et Jacquet Technology sont sortis de la CCT. Et dans l’industrie des denrées alimentaires, des firmes de renommée comme Emmi, Kambly, HUG et une partie des entreprises qui produisent pour Nestlé font la sourde oreille quand on leur parle CCT. L’ASTAG, l’Association suisse des transports routiers et surtout son président, Adrian Amstutz, veulent que les chauffeurs de camion qui transportent des matériaux sur les chantiers échappent à l’extension de la convention nationale du secteur principal de la construction. Dans l’horticulture, la majorité des patrons ne veulent rien savoir d’une CCT, tout comme Manor, Aldi, Denner, C&A, H&M, Spar, Dosenbach/Ochsner et de nombreux autres dans le commerce de détail. Conséquence : ce sont bien moins de la moitié des 320 000 employé(e)s du commerce de détail qui sont protégés par une CCT. Des banques réputées (dont Vontobel et J.P. Morgan SA) adoptent la même attitude de refus que l’Union suisse des paysans : pas question de CCT. Enfin, dans le secteur de la santé, lorsque le personnel s’engage pour que la CCT en vigueur soit maintenue, une entreprise comme Genolier les licencie sans hésitation.

Le nouveau Dossier de l’USS parle de tous ces exemples et de bien d’autres encore. Il montre ainsi que si la vision gouvernementale du partenariat social en Suisse est édénique, c’est pour mieux endormir les citoyens et les citoyennes.

A. Rieger et E. Ackermann, Le semi-partenariat social en Suisse. Salaires minimums : le mensonge délibéré du Conseil fédéral, Dossier N° 94, USS, septembre 2013.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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