Enfin une obligation de conclure un plan social !

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Écrit par Jean Christophe Schwaab

Le Conseil fédéral a publié son message concernant la révision de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite (LP). Certains de ses aspects revêtent une importance cruciale pour les intérêts des travailleurs et travailleuses.

Plus de reprise automatique des contrats de travail

Lors d’un assainissement, l’entreprise repreneuse aura désormais le choix de reprendre ou non les contrats de travail de l’entreprise à assainir. L’Union syndicale suisse (USS) rejette cette proposition de délier les repreneurs d’une entreprise en faillite de leur obligation de reprendre tels quels tous les contrats de travail. Il n’est pas acceptable que l’assainissement d’une entreprise se fasse sur le dos de son personnel. Lors d’un assainissement, c’est en effet le maintien des emplois qui doit figurer au premier plan. Or, la flexibilité du droit suisse du travail, en particulier la grande liberté de licencier, donne déjà une marge de manœuvre suffisante aux employeurs. La suppression de cette protection reviendrait à reporter le coût des assainissements d’entreprises sur l’assurance-chômage.

L’affirmation selon laquelle l’obligation, pour le nouvel employeur, de reprendre tous les contrats de travail rendrait les reprises plus difficiles, respectivement selon laquelle sa suppression les rendrait plus efficaces, ne repose sur aucune preuve empirique. À notre connaissance, il n’existe aucun cas où l’acquéreur potentiel d’une entreprise en faillite y aurait renoncé à cause de l’obligation de reprendre les contrats de travail aux mêmes conditions. En revanche, les pseudo-assainissements, dont l’objectif réel est plutôt de licencier du personnel, sont une réalité.

Obligation de conclure un plan social pour les entreprises d’au moins 250 salarié(e)s

En contrepartie à la suppression de l’obligation de reprendre tous les contrats de travail, le Conseil fédéral propose d’introduire une obligation de conclure un plan social. Ce progrès social était nécessaire depuis longtemps, tant la protection des salarié(e)s contre les effets négatifs des licenciements collectifs a accumulé de retard par rapport aux pays voisins. L’USS a revendiqué à maintes reprises une telle mesure. Il faut cependant regretter que cette obligation ne soit valable que pour les entreprises d’au moins 250 salarié(e)s (0,37% des entreprises privées, occupant près de 39% des salarié(e)s). L’USS demandera donc que ce seuil soit abaissé à 100 salarié(e)s, afin qu’un plus grand nombre de travailleurs et travailleuses (environ un sur deux) bénéficie d’une atténuation des conséquences de licenciements collectifs.

Selon le projet, l’obligation de négocier un plan social est donnée lorsque l’employeur procède au licenciement collectif d’au moins 30 travailleurs/travailleuses sur une durée de 30 jours. Ces licenciements doivent avoir lieu pour des raisons non inhérentes à leur personne. L’employeur doit négocier avec le ou les syndicats parties à la CCT s’il y en a une, la représentation du personnel ou, à défaut, directement avec ce dernier. Si la négociation du plan social n’aboutit pas, un tribunal arbitral arrête un plan social obligatoire, lequel ne devra pas mettre en danger l’existence de l’entreprise.

Malheureusement, le projet prévoit que l’obligation de négocier un plan social ne s’appliquera pas en cas de faillite ou de sursis concordataire. Le Conseil fédéral justifie cette mesure par sa crainte que le remboursement des créanciers, respectivement l’assainissement, soit rendu impossible par un plan social trop généreux. Il prétend également que de telles procédures « surchargeraient » les autorités de poursuites et faillites. Ces arguments ne sont pas pertinents. En effet, soustraire faillite et assainissement de l’obligation de plan social revient à affaiblir encore plus la situation des travailleurs et travailleuses, qui ne bénéficient déjà plus du transfert automatique de leurs contrats de travail au repreneur. Pour ceux dont les contrats ne seront pas repris, il faut des mesures de compensation. En outre, il est tout à fait possible de négocier un plan social qui n’empêche pas l’assainissement.

Soustraire faillite et assainissement à l’obligation de plan social désavantagerait en outre les travailleurs et travailleuses qui n’ont pas pu obtenir un tel plan lors de négociations « libres » et créerait une incitation à ne plus négocier de plan social du tout lorsque la faillite menace, puisque ce ne serait pas obligatoire. Enfin, l’argument de la surcharge des autorités ne tient pas la route : il suffirait de renforcer lesdites autorités, ce qui est d’autant plus nécessaire que le nombre de faillites a augmenté.

Suppression du privilège pour les créances de TVA

Lors d’une faillite, l’ordre de remboursement des créances dépend de leur nature. Elles sont réparties en trois classes et, tant que toutes les créances d’une classe n’ont pas été remboursées, celles des autres classes ne peuvent l’être. Les créances de TVA ont été nouvellement colloquées en deuxième classe. C’était une erreur, car accorder un privilège à une catégorie de créances supplémentaires réduit les chances des autres créances de cette classe (dont font notamment parties la plupart des cotisations aux assurances sociales) de se voir remboursées. L’USS soutient donc cette proposition.

Éviter les faillites en chaîne abusives

Du point de vue de l’USS, il s’agit enfin de profiter de cette révision de la LP pour introduire une norme jugulant le phénomène des faillites en chaînes, qui sont toujours plus fréquentes, notamment dans le bâtiment et les arts et métiers. Souvent, des employeurs peu scrupuleux se déclarent en faillite pour éviter de devoir verser à leurs salarié(e)s les arriérés de salaire et de cotisations sociales, puis recréent aussitôt une autre entreprise active dans la même branche et y emploient souvent le même personnel, mais sous une autre raison sociale. À son tour, cette nouvelle entreprise fera rapidement faillite pour les mêmes raisons, et ainsi de suite... Pour mettre un terme à ces pratiques, l’USS propose qu’un employeur failli dont les dettes d’une ancienne entreprise n’ont pas été toutes remboursées ne puisse être à nouveau inscrit au registre du commerce en tant qu’organe d’une société de personne pendant 5 ans après la faillite. Cette règle a fait ses preuves en Belgique. Une nouvelle disposition pénale punissant les faillites abusives à répétition devrait également être étudiée.

 

Responsable à l'USS

Luca Cirigliano

Secrétaire central

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Luca Cirigliano
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