Discrimination salariale sous couvert de franc fort - Salaires vs euro : 1 à 0 !

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Écrit par Jean Christophe Schwaab

Récemment, plusieurs entreprises ont voulu reporter sur leurs salarié(e)s les effets de la surévaluation du franc par rapport à l’euro. Plusieurs méthodes ont été tentées : augmentation du temps de travail sans compensation, indexation automatique des salaires au cours de la monnaie ou versement du salaire en euros. L’entreprise Stöcklin de Bâle-Campagne s’y est essayée. Apparemment, c’est raté !

Certaines des entreprises qui ont été tentées d’emprunter cette voie ne s’en sont prises qu’à leurs frontaliers et frontalières. Elles pensaient sans doute que cela passerait mieux auprès de la population… Selon elles en effet, la main-d’œuvre frontalière ne voit pas son pouvoir d’achat diminuer si elle touche un salaire indexé à la baisse ou versé en euros. Or, cette argumentation est fallacieuse pour trois raisons.

Valeur du travail, niveau de l’euro et pression sur les salaires

Tout d’abord, quel que soit le taux de change franc/euro, la valeur du travail des frontaliers et frontalières reste la même que celle de leurs collègues résidant en Suisse. Il n’y a donc pas de raison de baisser leurs salaires. Ensuite, lorsque l’euro était au plus haut par rapport au franc et que le pouvoir d’achat de la main-d’œuvre frontalière en souffrait, personne n’a ne serait-ce qu’évoqué une hausse de leurs salaires pour suivre l’évolution du taux de change. Enfin, s’il était possible de baisser la rémunération des seuls frontaliers et frontalières, les personnes résidant en Suisse seraient confrontées à une forte pression sur leurs propres salaires. Elles n’auraient alors pas d’autre choix que de céder à la sous-enchère ou de perdre leur emploi.

Une pratique illégale

L’USS a toujours affirmé que ces pratiques soi-disant destinées à contrer la cherté du franc sont illégales, car elles reportent le risque économique sur les salarié(e)s, ce qui est interdit par le droit du contrat de travail. En outre, lorsqu’elles discriminent la main-d’œuvre frontalière ou issue de l’Union européenne (UE), elles violent l’Accord sur la libre circulation des personnes. Un tribunal bâlois vient de donner raison à la grande confédération syndicale.

L’entreprise Stöcklin à Aesch (BL) avait licencié ses frontaliers qui refusaient une baisse de leur salaire de 6 % liée au cours de l’euro. Le tribunal de district d’Arlesheim a considéré que ces congés-modification étaient abusifs. Il soutient ainsi l’argumentation de l’USS comme quoi il est interdit de discriminer les travailleurs et travailleuses ressortissants de l’UE, même de manière indirecte comme c’est le cas ici. Plusieurs professeurs de droit, dont la professeure Epiney de l’Université de Fribourg et le professeur Geiser de l’Université de Saint-Gall ont également défendu ce point de vue. Seules certaines organisations patronales bâloises ont protesté, en se fondant sur une interprétation pour le moins douteuse de la doctrine et de la jurisprudence, pourtant évidentes, liées à l’Accord sur la libre circulation des personnes, que propose le professeur Stöckli de l’Université de Bâle.

Le cas Stöcklin ira très probablement en appel. Mais comme d’autres procédures judiciaires sont pendantes dans des cas similaires, il ne reste qu’à espérer que les autres tribunaux s’inspireront de cette jurisprudence aussi louable que raisonnable.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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Daniel Lampart
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