Qu’est-ce qui rend l’initiative sur le service public si dangereuse ?

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Écrit par Dore Heim, secrétaire dirigeante de l’USS, responsable des services publics/fq

Trop de pièges !

De nombreux pièges, mais aucune sécurité en contrepartie. C'est ce qui caractérise l'initiative dite " En faveur du service public ". Une initiative qui offre une grande marge de manœuvre au Parlement. Le calcul est vite fait.

L'écho médiatique suscité par l'initiative sur le service public est énorme. Tous les autres objets de la votation de dimanche sont loin derrière. Et pourtant, peu de choses ont été clarifiées à ce jour à son sujet. Les interprétations de l'interdiction de faire des bénéfices et de procéder à des subventionnements croisés restent fortement divergentes. Également celles des spécialistes. Il n'y a qu'un point sur lequel tout le monde est d'accord, initiant(e)s et adversaires de l'initiative, monde de la science et Administration fédérale : il appartiendra au Parlement de définir ce que concerne le service universel (les " prestations de base "). Les initiant(e)s veulent manifestement une définition de ce dernier pour les infrastructures des transports, de poste et des télécommunications, ou alors ils veulent, de manière plus précise, une définition du mandat de service universel donné aux CFF, à la Poste et à Swisscom. Ils ne cessent en effet de prétendre qu'une telle définition n'existerait pas. Ce qui est fondamentalement faux, car, aujourd'hui déjà, les lois spéciales destinées aux entreprises d'infrastructure règlent par le menu ce qu'est le service universel.

Ne tentons pas le Parlement

Mais ici aussi, l'initiative n'offre qu'une formulation vague. C'est pourquoi on pourrait imaginer que le Parlement redéfinisse le service universel à la population comme concernant l'ensemble des " biens et services répondant à (des) besoins usuels ", pour citer le Conseil fédéral. Mais sans doute pas vraiment. Sans doute, le Parlement va-t-il se limiter à passer au peigne fin les lois spéciales ainsi que la concession de service universel de Swisscom et à les adapter.

La tentation sera grande, pour le Parlement, de donner au service universel une définition aussi étroite possible. D'une part, c'est ce que la droite a toujours essayé d'obtenir et, de l'autre, avec son interdiction de faire des bénéfices et de procéder à des subventionnements croisés, l'initiative affecterait ensuite le moins possible les entreprises liées à la Confédération. Mais définir de manière restrictive le service universel, cela ne va pas dans la direction voulue par les syndicats. Cela reviendrait en effet à tous égards à desservir la population. En effet, la logique du Parlement serait certainement la suivante : tout ce qui ne fait pas partie du service universel ainsi défini ne sera pas non plus réglementé ni contrôlé. C'est le marché qui s'imposera alors, avec la libre fixation des prix.

Beaucoup de pièges et aucune sécurité

Cela, c'est sûr que nous n'en voulons pas ! Nous sommes pour une définition large du service universel. De toute façon, le service universel devrait au minimum être défini de manière aussi large qu'aujourd'hui. Mais la question de l'interprétation de l'interdiction de faire des bénéfices se posera alors avec une très grande virulence pour la Poste. En effet, celle-ci fait des bénéfices avec l'acheminement des paquets (chacun sait que le commerce en ligne explose) et elle fait bel et bien des bénéfices aussi avec les envois de lettres en nombre et le trafic des paiements. Mais elle ne verse nullement ces bénéfices dans la caisse de la Confédération. Au contraire, elle finance avec eux entre autres le réseau déficitaire des offices de poste. On est alors à tout le moins en droit de présumer que l'interdiction de faire des bénéfices ne favoriserait pas le subventionnement croisé...

On peut tourner et retourner cela comme on voudra, l'initiative contient de nombreux pièges, mais n'offre en contrepartie aucune sécurité. Et il n'y a pas vraiment lieu de se réjouir lorsque, butés, les initiant(e)s annoncent qu'ils saisiraient sans délai le référendum si le Parlement ne mettait pas l'initiative en œuvre comme ils l'entendent. Nous serions alors impliqués durant les années à venir dans un continuel combat défensif. On peut engager ses forces plus intelligemment, par exemple pour améliorer les conditions de travail dans les entreprises concernées ! Car c'est cela qui renforce le plus concrètement le service public ! Ensuite, le postier ou la postière ne devra effectivement plus courir (pour prendre un exemple tant prisé par les initiants).

Votation du 5 juin : les recommandations de l'USS
  • Initiative " En faveur du service public " : NON
  • Initiative " Pour un financement équitable des transports " (" Vache à lait ") : NON
  • Initiative " Pour un revenu de base inconditionnel " : NON
  • Modification de la loi sur l'asile : OUI
  • Modification de la loi sur la procréation médicalement assistée (diagnostic préimplantatoire) : pas de recommandation

Responsable à l'USS

Reto Wyss

Secrétaire central

031 377 01 11

reto.wyss(at)sgb.ch
Reto Wyss
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