Photo panoramique de Zurich avec des grues

 

Loyers excessifs, pénurie de logements

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Écrit par Reto Wyss

Il est grand temps de relancer la construction de logements d’utilité publique

Les locataires sont confrontés depuis longtemps déjà à des loyers excessifs et une pénurie de logements aiguë partout dans le pays. Malgré l’urgence politique, c’est pourtant l’immobilisme qui règne depuis des années tant au niveau fédéral que dans la plupart des cantons. Pas besoin d’être un expert pour savoir ce qu’il faut faire pour remédier à la fois à la rareté des logements et aux loyers trop élevés : s’engager beaucoup plus résolument en faveur de la construction de logements d’utilité publique à but non lucratif.

Au vu de la flambée des loyers et de la tension sur le marché locatif, il faut de toute urgence relancer la construction de logements d’utilité publique. À l’échelle suisse, ceux-ci représentent actuellement une part infime du marché. À peine 4 % des logements occupés appartiennent à des maîtres d’ouvrage d’utilité publique (coopératives). Or selon l’article 108 de la Constitution fédérale, la Confédération doit encourager non seulement l’abaissement des coûts du logement, mais aussi la construction de logements d’utilité publique. Ce mandat constitutionnel a pris forme il y a plus de vingt ans avec l’adoption de la loi sur le logement (LOG).

Cette loi prévoit des instruments de soutien direct et indirect. Si les premiers n’ont toujours pas été mis en œuvre à ce jour, les seconds restent largement marginaux depuis leur introduction. Parmi eux figure notamment le Fonds de roulement (FdR), qui accorde aux maîtres d’ouvrage d’utilité publique des prêts à taux préférentiels au titre d’aide initiale pour la construction, la rénovation ou l’acquisition d’immeubles, ainsi que l’achat de terrains constructibles. Autre instrument, la Centrale d’émission pour la construction de logements (CCL) permet aux maîtres d’ouvrage de logements d’utilité publique d’accéder à des capitaux à long terme à des conditions avantageuses grâce à un système de cautionnements. Ce dispositif permet au bout du compte de proposer des loyers plus abordables.

Entre 2004 et 2024, le FdR a encouragé la réalisation de près de 30 000 logements. De son côté, la CCL soutenait, fin 2024, plus de 38 000 unités réparties dans un peu plus de 1000 ensembles immobiliers à travers toute la Suisse. À première vue, ces chiffres peuvent paraître considérables. Mais à l’échelle du parc immobilier suisse, qui compte près de cinq millions de logements, ils ne représentent guère plus qu’une goutte d’eau dans l’océan. Il faut aussi garder à l’esprit que la Confédération, les cantons et les communes ont drastiquement réduit leur soutien financier au logement d’utilité publique à partir de la seconde moitié des années 1990. La construction de logements abordables s’est brutalement effondrée, ce qui explique la pénurie actuelle. Au cours des quelque trente dernières années, si la construction de logements d’utilité publique avait été soutenue au même niveau que dans les années 1980 et la première moitié des années 1990, on compterait aujourd’hui environ 30 000 logements à loyer modéré supplémentaires sur le marché. Avec à peine 37 000 unités locatives vacantes, cet apport ferait une réelle différence.

Les erreurs du passé ont été partiellement corrigées ces dernières années. Les villes, en particulier Genève et Zurich, se sont remises à agir plus activement, comme le montrent les chiffres des statistiques financières. Au niveau fédéral également, on note quelques améliorations ponctuelles, par exemple l’assouplissement des conditions d’octroi des prêts du FdR pour l’année en cours. Un constat s’impose malgré tout : ces mesures ne suffisent clairement pas. Et les décisions nécessaires doivent maintenant être prises sans délai. Ainsi, le Conseil fédéral a décidé d’augmenter de 150 millions de francs la dotation du FdR pour les années 2030 à 2034, dans le cadre de ses mesures d’accompagnement de l’initiative « Pas de Suisse à 10 millions ». Le Parlement doit maintenant en débattre sans attendre. Et surtout, il doit prévoir une hausse bien plus ambitieuse. Par ailleurs, les taux d’intérêt appliqués aux prêts du FdR doivent impérativement diminuer. Le conseiller fédéral Parmelin pourrait le faire dès demain, en usant de sa compétence d’édicter des ordonnances. Le crédit d’engagement actuel servant à cautionner les activités d’emprunt de la CCL expire à la fin de 2027. Mais selon la centrale, les moyens encore disponibles sont loin de suffire pour couvrir les besoins actuels. Il faut donc de toute urgence que le Conseil fédéral augmente significativement les moyens alloués à cet instrument. 

Compte tenu du retard pris en matière de logements à loyers modérés, l’ensemble de ces mesures reste insuffisant pour enrayer la pénurie et faire baisser les loyers. En plus des outils de soutien indirects, il faut donc activer sans plus tarder la mise en œuvre d’instruments de promotion directs, tels que prêts fédéraux à taux zéro, cautionnements de la Confédération et participations au capital. Comme évoqué plus haut, ces instruments sont prévus de longue date dans la loi sur le logement, et donc prêts à être appliqués : il ne reste plus qu’à les mettre en œuvre ! Il est grand temps que le Parlement et le Conseil fédéral, de même que les cantons assument enfin leurs responsabilités. Souhaité par le lobby immobilier, l’attentisme n’est en réalité plus une option depuis longtemps.
 

Responsable à l'USS

Reto Wyss

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