Le mauvais signal de la commission du Conseil des États

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Écrit par Rolf Zimmermann

Si la toute dernière décision de la commission du Conseil des États en faveur d’un retour du nucléaire par la petite porte ne corrige peut-être que symboliquement celle de sortir du nucléaire prise par le Conseil national, elle n’en est pas moins un signal totalement déplacé. Au lieu de mener une politique centrée sur la sécurité de l’approvisionnement en électricité, elle répand l’insécurité au sein de la population par ses options irréalistes.

Manifestement, les millions dépensés par economiesuisse et le lobby du nucléaire ont servi. L’étonnante décision prise à l’unanimité par la commission du Conseil des États constitue un brusque retour dans une ère atomique que l’on croyait dépassée. Elle vise, malgré la sortie du nucléaire demandée dans tous les sondages et par la majorité des citoyen(ne)s, à faire revenir par la fenêtre une technologie nucléaire qui serait certes plus sûre, mais qui reste inconnue à ce jour. Il est en soi naturel que l’on ait des options concernant une évolution encore à venir. Et les lois peuvent être adaptées en tout temps. C’est d’ailleurs précisément pour cela que la proposition de la commission est inutile et donne un mauvais signal. Elle répand de l’insécurité là où la sécurité devrait être la règle. De fait, alors que le représentant radical du lobby du nucléaire, Rolf Schweiger, estime la nouvelle option technologique imaginable pour dans 10 à 15 ans déjà, la Verte libérale Verena Diener parle de 2050 au plus tôt. Autrement dit, la foire d’empoigne politique et son cortège de dogmes pourraient reprendre, en lieu et place du développement de conceptions claires. Cela, nous n’en voulons pas.

Après Fukushima, nous avons en effet besoin que la Confédération applique une stratégie qui soit claire, ce que la commission du Conseil des États ne conteste d’ailleurs pas. Mais en raison de ces options qui permettent au nucléaire de revenir par la petite porte, cette clarté s’en trouve désormais relativisée. C’est une mauvaise chose pour les investissements qui seraient nécessaires pour financer des solutions de rechange durables au nucléaire. Il semble que l’on soit d’accord pour dire qu’après la catastrophe japonaise et ses précédents tout aussi catastrophiques de Tchernobyl et Harrisburg, l’actuelle technologie atomique apparaît comme définitivement non maîtrisable et représente un danger pour l’humanité. Cela signifie qu’il faut se concentrer totalement, aux plans politique et économique, sur des solutions de rechange. La stratégie suisse en matière d’énergie, d’approvisionnement en électricité, doit par conséquent être réaliste et ne pas s’enliser dans des options vaseuses. Elle doit viser un approvisionnement garanti sur le long terme, ce qui veut dire investir d’abord dans des appareils plus efficients quant à leur consommation d’énergie. Et ses effets seront les plus rapides si elle investit simultanément dans des énergies renouvelables, comme le soleil et le vent, ce qui implique également le passage à un approvisionnement plus décentralisé. Le développement parallèle d’installations de couplage chaleur-force serait ici la méthode qui déploierait le plus rapidement des effets. La sortie du nucléaire créera ainsi un grand nombre d’emplois d’avenir.

Mais tout cela nécessite des objectifs politiques et légaux clairs ainsi que des mandats de prestations impératifs pour les entreprises publiques d’approvisionnement en électricité. Pour ces dernières, la sortie du nucléaire représente une importante opportunité. La sécurité de l’approvisionnement recevra une nouvelle base. Avec son option d’un « retour du nucléaire par la fenêtre », le monde politique crée au contraire de l’insécurité. Economiesuisse et le lobby du nucléaire, de même que la commission du Conseil des États qui les a suivis sur cette question, rendent un mauvais service à la population et à l’économie en signant de la sorte un chèque sans provision. Le Conseil des États et surtout le Conseil fédéral ainsi que le Conseil national ont la possibilité de rétablir la clarté et la sécurité qui s’imposent dans ce domaine.

Responsable à l'USS

Reto Wyss

Secrétaire central

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Reto Wyss
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