La sortie du nucléaire doit être pilotée

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Écrit par Rolf Zimmermann

Fukushima montre que, dans des cas extrêmes, la technologie nucléaire n’est pas maîtrisable. C’est pourquoi une sortie du nucléaire s’impose. Elle nécessitera que l’approvisionnement en électricité fasse l’objet d’un contrôle démocratique public. Il faut donc arrêter d’expérimenter des libéralisations et autres privatisations.

Depuis plus de trois semaines, les travailleurs et travailleuses, les ingénieur(e)s et les sapeurs-pompiers et sapeuses-pompières essaient vainement d’endiguer la catastrophe de Fukushima. Les contremesures sans cesse improvisées depuis le premier jour montrent que personne ne maîtrise plus rien. La technologie nucléaire est si complexe et dangereuse que dans des cas extrêmes, les scénarios imaginés échouent et que les spécialistes apparaissent désespérément impuissants. Désormais, il est clair que le cœur des réacteurs japonais est en train de fondre, c’est-à-dire que l’on devrait passer à une nouvelle étape, celle d’un accident maximal théorique. Depuis plusieurs jours, l’être humain et son environnement sur plus de 40 kilomètres autour de la centrale subissent des radiations d’un niveau mortel, alors que la contamination de l’océan Pacifique par de l’iode radioactif s’étend aussi. L’eau servant à refroidir les réacteurs qui s’écoule dans l’océan représente une dose d’irradiation de 1000 millisieverts par heure, c’est-à-dire des milliers de fois la dose annuelle admise. De quoi frapper mortellement du « syndrome d’irradiation aiguë » les individus qui lui sont exposés.

Cette situation apocalyptique montre la face grimaçante d’une technologie nucléaire qui tient l’être humain dans le plus pur mépris. Tout cela fait en effet clairement apparaître en quoi elle s’avère irresponsable. Aujourd’hui, avec un œil sur les futures élections fédérales, des partis de droite – jusque-là généreusement financés par le lobby atomique ! – prônent également la sortie du nucléaire. Mais les professions de foi à bon marché ne suffisent plus. Il faut, une fois pour toutes, appliquer une politique contraignante.

Les piliers de la sortie du nucléaire

La politique énergétique défendue par les syndicats demandait avant tout, ces dernières années, un approvisionnement public et sûr en électricité, à des prix stables. Nous sommes parvenus à contrer la libéralisation de ce marché et, parallèlement, avons soutenu et développé des conceptions prévoyant un approvisionnement durable. On y voit que la sortie du nucléaire est possible si l’on se donne des objectifs politiques clairs. De plus, un tel changement de cap créera plus d’emplois, des emplois plus sûrs et plus innovants qu’avec la voie erronée suivie jusqu’à ce jour. Les principaux axes à cet effet sont :

 

  • Il faut, en premier lieu, exploiter entièrement le potentiel d’efficience énergétique. selon les principes de la société à 2000 watts. En matière d’isolation des bâtiments, des économies de 50 à 80 % sont possibles ; elles sont de 70 % pour les moteurs et les appareils. Mais la liberté de choix, qui a toujours eu cours, n’est plus de mise. Des exigences et des interdictions s’imposent désormais, par exemple contre les innombrables et inutiles mises en veille d’appareils.
  • L’avenir appartient aux nouvelles énergies renouvelables. L’énergie éolienne est déjà concurrentielle, mais provient principalement de la Mer du Nord où les conditions sont idéales. Dans quelques années, l’énergie solaire sera globalement rentable, et pas seulement pour la production d’eau chaude comme c’est déjà le cas aujourd’hui.
  • La future production d’énergies renouvelables devra être plus décentralisée que maintenant. C’est pourquoi, nous devrons miser à court et moyen terme, dans les régions d’habitat disséminé, sur des installations de couplage chaleur-force (CCF) de grande efficacité, produisant à la fois de la chaleur et de l’électricité. Dans les régions à forte densité de population, il faudra par contre mettre de manière efficiente à profit le surplus de chaleur à disposition (usines de traitement des ordures ménagères, centrales de cogénération).
  • La nouvelle politique énergétique qui mènera à la sortie du nucléaire nécessitera aussi une meilleure efficience en matière de réseau, tant pour le transport transfrontalier de l’électricité que pour l’utilisation de l’électricité produite de manière décentralisée. Les maîtres-mots sont ici : des réseaux de distribution intelligents (« smart grid ») pour une distribution optimale de la production d’électricité et, pour les liaisons internationales, des systèmes de transmission d’électricité en courant continu haute tension (HVDC).

Un pilotage politique contraignant est nécessaire

La sortie du nucléaire, que presque tout le monde demande dorénavant, nécessite – de manière continue durant des décennies – une production et un approvisionnement en électricité qui soient bien planifiés, gérés de manière systématique, économes en ressources et, cependant, d’un prix abordable. Des dispositions politiques non impératives ne permettront naturellement pas d’y parvenir. Il faut ici un pilotage contraignant. Le rôle des centrales électriques devra être redéfini, de la production décentralisée à l’utilisation économique de l’électricité. Des modèles basés sur la coopération et soumis à un pilotage politique de conception démocratique s’y prêteront mieux que la concurrence axée sur la maximisation des profits. Les expérimentations tentées ces dernières années avec des libéralisations et des privatisations ont largement échoué. Elles ont définitivement fait leur temps.

 

Responsable à l'USS

Reto Wyss

Secrétaire central

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Reto Wyss
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