Barrer la route aux liquidateurs du service public – Oui à la loi sur la radio et la télévision

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Écrit par Thomas Zimmermann

La votation sur la redevance pour la radio et la télévision non liée à la possession d’un récepteur a dégénéré en un débat sur le service public. Les milieux de droite réclament à grand bruit que la SSR réduise sa voilure. Un «non» le 14 juin laisserait la voie complètement libre à la représentation des intérêts commerciaux des émetteurs privés. Des chaînes de radio comme Couleur 3 seraient menacées de disparition et il faudrait payer pour un bon nombre de retransmissions – comme les matchs de la Ligue des Champions.

En ce moment, on se dispute vivement sur la qualité de la télévision suisse, essentiellement sur son offre en divertissement. L’ancien journaliste vedette de la Radio romande, Pascal Décaillet, passé depuis quelques années au privé, tire comme d’habitude à boulet rouge sur la RTS qui « produit de plus en plus d’offres n’ayant qu’un lointain rapport avec la promotion de la vie démocratique, de la culture, des arts et des sciences.» Quant au ténor de l’UDC, Jean-François Rime, il critique que l’achat «au prix fort» d’émissions étrangères «du type casting-show» soient facturées au contribuable. Mais personne, dans le camp bourgeois ne mentionne que sans l’argent de la redevance, de petits bijoux comme la série romande «Station horizon», ou l’excellente émission d’actualité satirique «26 minutes» ainsi que de nombreux téléfilms maison n’auraient jamais vu le jour. La Suisse romande n’a pas la taille critique pour lever de tels financements.

Des programmes radio sont aussi dans la ligne de mire

Quand on argumente de la sorte pour redimensionner la SSR, on oublie alors que la radio en fait aussi partie. Reconnue pour sa fiabilité, la Radio suisse romande reste la plus écoutée de ce côté-ci de la Sarine. Tous les matins, elle transmet à un large public les dernières infos, dans la salle de bain, la voiture, au bureau ou à l’écurie. C’est elle aussi qui fournit aux amateurs de culture de la musique classique pendant toute la journée ou des musiques actuelles aux plus jeunes, sans coupures publicitaires. La Radio romande décrypte autant l’actualité que les nouveaux médias («Médialogues») ou l’histoire («Histoire vivante»). La qualité de la radio est rarement remise en question, ni en Suisse romande, ni au Tessin, ni en Suisse alémanique. Pourtant, ces émissions sont aussi dans la ligne de mire. Le conseiller national PLR Christian Wasserfallen remet ainsi ouvertement en question la raison d’être de la troisième chaîne de radio suisse alémanique SFR3 dans la presse dominicale. Selon lui, la SSR devrait s’abstenir quand des chaînes de radio et de télévision privées peuvent produire le même type de programmes avec une qualité suffisante. La SSR devrait se limiter à l’information. Dans une telle logique, Couleur 3, avec un taux d’audience inférieur à SRF3, devrait également disparaître.

En Suisse alémanique particulièrement, les critiques de la SSR oublient souvent que nous vivons dans un pays multilingue. Le  marché médiatique suisse alémanique est déjà en lui-même minuscule par rapport aux marchés de nos voisins. Avec ses 4,5 millions d’habitants, il représente seulement la moitié du marché autrichien. Le marché allemand est 20 fois plus grand. Sans parler que l’on ne peut comparer le Tessin avec l’Italie ou la Suisse romande avec la France. De plus, avec la redevance, il faut desservir trois régions linguistiques avec un programme complet et la quatrième région avec un programme réduit. Ce ne sont que des offres comparables qui permettent de contribuer substantiellement à la cohésion nationale. Et rien que par leur taille, les chaînes de télévision de la SSR ne  jouent pas dans la même ligue que les chaînes publiques des pays voisins. Une bonne télévision est chère, surtout si elle propose des programmes d’information de qualité destinés à un large public. C’est de ce fait une illusion que de croire qu’une pure chaîne d’information dont le budget aurait été restreint en conséquence puisse produire des émissions d’information d’une meilleure qualité qu’à l’heure actuelle.

Les chaînes privées veulent une plus grande part du gâteau publicitaire

En chœur avec Christian Wasserfallen, la conseillère nationale UDC Nathalie Rickli, la représentante la plus active des intérêts des médias privés au Parlement, ainsi que de nombreux alliés de l’UDC et du PLR demandent que la SSR se concentre sur l’information. Pour la simple et bonne raison: ce n’est qu’ainsi que la voie sera libre pour que les émetteurs privés puissent s’octroyer une part plus importante du gâteau (publicitaire). 

Ils exigent que la SSR montre la plus grande retenue dans les domaines particulièrement lucratifs pour les chaînes privées : dans le divertissement – ou en gros, dans le sport. Les matchs intéressants de la Ligue des champions peuvent être diffusés sur les chaînes privées, estime Christian Wasserfallen. Allons voir chez nos voisins du Nord ce que cela signifie concrètement : en Suisse, on peut regarder gratuitement tous les matchs des équipes suisses dans la Ligue des champions et l’Europa League. En Allemagne, les matchs de la Ligue des champions sont surtout diffusés par Sky TV dans des fenêtres cryptées, donc payantes. Un abonnement « sport » avec la Ligue des champions et les matchs de la Bundesliga coûte plus de 60 francs par mois, donc bien plus que la redevance pour la radio et la télévision actuellement ainsi qu’à l’avenir.

Oui à la LRTV: une pierre au rempart contre la berlusconisation

Selon le concept médiatique des politiciens de droite, si le public veut voir des films et des séries, il devra toujours plus se rabattre sur les chaînes payantes. Avec ce qu’on appelle la télévision en libre accès, les consommateurs et consommatrices devraient se contenter des programmes de divertissement des chaînes privées et accepter bien plus de télévision médiocre que la RTS n’en propose actuellement. On ouvrirait ainsi grand la porte à la berlusconisation du paysage médiatique suisse. Blocher et consorts sont déjà dans les starting-blocks pour s’implanter dans le marché de la radio et de la télévision, après avoir pris possession de la Basler Zeitung et de la Weltwoche en Suisse alémanique. 

Toute personne qui veut éviter cela doit déposer un «oui» dans l’urne. Nous pouvons ainsi barrer la route au concept médiatique des politiciens de droite, remettre à leur place les défenseurs des intérêts des médias privés et créer de meilleures conditions pour le prochain débat sur la place du service public dans les médias électroniques.

Encadré

La révision de la loi sur la radio et la télévision crée, à l’ère d’Internet, les conditions pour que le financement attribué à la radio et à la télévision de service public ne tarisse pas un jour ou l’autre. Car les gens consomment de plus en plus la TV et la radio sur Internet et croient que tout est gratuit puisqu’ils n’ont plus de poste de télévision ou de radio. Il est aussi juste que tout le monde doive payer. Car les contenus de la RTS sont disponibles partout et il n’existe en Suisse quasiment personne qui ne consomme jamais de produits de la SSR. Les bénéficiaires de prestations complémentaires de l’AVS et de l’AI sont exemptés de la redevance. Pour tous les autres ménages, la redevance va baisser, elle passera de 462 francs aujourd’hui à 400 francs. De nombreuses PME en profiteront aussi, les restaurants et bars en particulier. Que le président de l’USAM, Jean-François Rime, monte en première ligne pour combattre cette nouvelle réglementation est donc difficilement compréhensible et montre en fait surtout que les candidats PLR et UDC à l’élection au Conseil national qui luttent contre cette révision défendent moins les intérêts de leurs associations que leur propres intérêts électoraux et l’idéologie de démantèlement de l’Etat prônée par la droite.

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