Le projet soumis à cette dernière recèle, c’est la majorité de la commission qui l’a voulu ainsi, de nombreuses erreurs fondamentales. Premièrement, il veut soumettre les services postaux au marché intégralement libéralisé une année déjà après l’entrée en vigueur de la révision totale des deux lois sur la poste et sur l’organisation de la Poste. Deuxièmement, propriété aujourd’hui de la Confédération, la Poste sera transformée en une société anonyme régie par une loi spéciale et PostFinance en une société anonyme privée. Troisièmement, le réseau d’offices de poste qui couvre tout le pays sera ravalé au rang d’un ensemble lâche de « points d’accès ». Et, quatrièmement, l’obligation de conclure une convention collective de travail (CCT) pour la Poste ne sera plus qu’un mandat, non impératif, de négocier. Cela, afin d’ajuster les conditions de travail de la Poste, qui ont toujours été décentes, à celles, précaires et non soumises à une CCT, qu’appliquent les concurrents privés de la Poste. Ces quatre erreurs fondamentales sont la conséquence commune à toute libéralisation d’infrastructures publiques : concurrence inutile dans une infrastructure monopolistique qui fonctionne bien, privatisation de services lucratifs, dégradation de la qualité des services fournis et des conditions de travail ; cela, afin d’économiser les coûts induits par la libéralisation.
Pour les syndicats, il est clair que sans obligation de conclure une CCT pour la Poste et sans réalisation d’une telle CCT pour toute la branche, cette révision déclenchera une pression inacceptable sur les salaires et l’emploi. Un tel recul est intolérable. Le Parlement doit réagir. Les promesses faite par le Conseil fédéral avant la votation sur la libre circulation avec l’UE ne doivent pas être oubliées !
La qualité de la fourniture des services est, elle aussi, importante. En renonçant au monopole résiduel pour les lettres de moins de 50 grammes, on ne peut plus garantir le service universel. Les expériences faites à l’étranger et les études consacrées à cette problématique sont univoques à ce sujet : nous devrons payer plus cher pour une fourniture de services de moindre qualité. Le projet de réforme de la Poste veut parer à ce risque au moyen de taxes, c’est-à-dire inscrire dans la loi une mesure chère et source de bureaucratie. Maintenir ce monopole serait plus simple et moins cher. Il n’y a aucune raison, sauf purement idéologique, de reprendre une politique également contestée au sein de l’UE. De toute façon, l’Union syndicale suisse (USS) combattra véhémentement cela.
Les sondages montrent que la population n’attend rien d’une libéralisation et est satisfaite de sa Poste, qui est dotée des technologies les plus modernes. En peu de temps, le Syndicat de la Communication a réuni 160 000 signatures pour une pétition contre les fermetures d’offices de poste. La forte tendance à privatiser, qui caractérise aussi ce projet, n’est, elle non plus, pas du tout appréciée. La victoire du référendum contre la loi sur le marché de l’électricité en 2002 a montré qu’une politique des infrastructures au détriment du peuple n’est pas possible en Suisse. Le Conseil d’État et, ensuite, le Conseil national ne devraient pas l’oublier.