Thomas Piketty : « Votre initiative pour un impôt sur les successions est très pertinente. »

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« Je soutiens bien sûr à 100% votre initiative. »

L'économiste désormais réputé mondialement Thomas Piketty a défrayé la chronique en 2013 avec la parution de son ouvrage " Capital au XXIe siècle ", l'ouvrage peut-être le plus important de la décennie selon le prix Nobel d'économie Paul Krugman, selon qui " Nous ne parlerons plus jamais de richesse et d'inégalité de la même manière. " " Capital au XXIe siècle " est notamment consacré au retour des inégalités de patrimoine. Thomas Piketty a accepté de répondre à quelques questions en rapport avec l'initiative populaire pour un impôt sur les successions.

USS: En Suisse, une initiative populaire sur laquelle nous voterons le 14 juin, demande l'introduction d'un impôt national sur les successions à partir de 2 millions et prévoit des conditions avantageuses pour les entreprises ainsi que l'exonération des exploitations agricoles. Qu'en pensez-vous ?

Thomas Piketty: Je soutiens bien sûr à 100% votre initiative, que je trouve très pertinente et très bien présentée. Il n'y a vraiment aucune raison que quelqu'un qui gagne 100 000 ou 500 000 francs suisses paie de lourds impôts, alors que celui qui reçoit un héritage de 5 ou 10 millions de francs suisses ne paie rien ! Cela devrait être partout ainsi, car c'est une question de justice devant le fisc. Dans des pays aux traditions politiques aussi différentes que l'Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon, les États-Unis ou la France, il existe toujours un impôt national sur les successions.

Le taux de l'impôt sur les successions demandé pour la Suisse serait de 20 % pour les fortunes supérieures à 2 millions. Ses adversaires clament que c'est beaucoup trop. Est-ce vraiment trop ?

Pas du tout. Les taux appliqués aux plus hauts patrimoines sont compris entre 30 % et 50 % dans les cinq pays que je viens de citer. Et cela, quelle que soit la couleur politique des gouvernements. Merkel en Allemagne, Cameron au Royaume-Uni, Abe au Japon ne sont pas particulièrement à gauche: et pourtant ils maintiennent des taux élevés sur les plus hautes successions, plus élevés encore que celui de votre projet pour la Suisse. Dans ces pays, cet impôt préserve bien sûr les patrimoines modestes et moyens, qui doivent être encouragés et non taxés. C'est également ce que fait votre projet. Au Japon, le gouvernement de centre-droit vient même de relever à 55 % le taux le plus élevé de l'impôt successoral.

Toujours selon les adversaires de cet impôt, certains pays n'imposent pas les successions. Qu'en est-il dans les faits ?

C'est vrai qu'il existe des pays sans impôt successoral, comme l'Italie depuis Berlusconi. Mais est-ce que Berlusconi est vraiment l'exemple à suivre pour la Suisse ?

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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Daniel Lampart
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