Avec AVS seulement on doit calculer exactement

Photo : © banabana-san / istockphoto.com

 

Prestations de l’aide sociale et prestations complémentaires doivent échapper à l’impôt

  • Suisse
  • Politique sociale
  • Prestations complémentaires
Articles
Écrit par Doris Bianchi, secrétaire dirigeante de l’USS/fq

Session d’été du Parlement fédéral II

S’il en va comme le veut le Conseil des États, les personnes handicapées et celles en fin de droit devront payer des impôts sur les prestations de l’aide sociale et les prestations complémentaires (PC) qu’elles reçoivent. Espérons que le Conseil national corrige cette décision, ce qui semble être possible.

En décembre 2014, le Conseil des États a adopté une motion de sa Commission de l’économie et des redevances (CER), qui demande que les prestations d’assistance et les PC soient totalement assujetties à l’impôt sur le revenu, afin de garantir l’égalité de traitement et que le minimum vital bénéficie d’allègements fiscaux. L’idée derrière cette intervention était de motiver les personnes âgées, handicapées ou en fin de droit à chercher une activité lucrative.

La CER du Conseil national a toutefois vu que ces mesures n’inciteraient pas les personnes concernées à chercher un emploi, mais leur poseraient davantage de problèmes financiers et seraient à l’origine d’un transfert absurde et bureaucratique de ressources fiscales. C’est pourquoi elle propose au Conseil national de rejeter cette motion.

Les prestations de l’aide sociale sont versées pour remédier à une situation financière critique. Les PC servent à couvrir les besoins vitaux lorsqu’une rente du 1er pilier (AVS/AI) est perçue. Les unes comme les autres sont exonérées de l’impôt. L’exonération fiscale de ces prestations publiques d’assistance est motivée par des raisons de politique sociale. Les moyens financiers octroyés pour remédier à une situation financière critique ou couvrir les besoins vitaux doivent profiter dans leur intégralité aux personnes dans le besoin, sinon le but des prestations serait contourné, car une prestation d’assistance destinée à couvrir les besoins vitaux qui diminuerait à cause de la charge fiscale supportée ne garantirait précisément plus cette couverture. C’est aussi conforme au principe constitutionnel de l’imposition selon la capacité économique. La personne qui n’a que le minimum vital n’a pas de capacité économique imposable.

En même temps, le régime fiscal suisse ne prévoit aucun droit à une exonération du minimum vital réalisé à travers le revenu de l’activité lucrative. L’exonération fiscale du minimum vital est une mesure importante de lutte contre la pauvreté. Cela fait longtemps que l’USS la demande. Alors qu’au niveau fédéral, les revenus qui ne permettent que la couverture des besoins vitaux ne sont dans les faits pas soumis à l’impôt fédéral direct grâce à la structure des barèmes et aux déductions possibles, la législation des cantons est différente. Dans nombre d’entre eux, l’assujettissement à l’impôt s’applique clairement déjà au-dessous du minimum vital.

Toutefois, l’autonomie financière des cantons pose des limites très étroites à la Confédération en matière de législation fiscale. Une définition du minimum vital ou la façon d’appliquer l’exonération seraient déjà des ingérences dans cette autonomie. On doit s’attendre à ce qu’ils s’y opposent. Une prescription formelle faite au moyen d’un principe ne modifierait guère le statu quo. Les cantons seraient toujours libres de définir eux-mêmes le minimum vital et de le fixer au-dessous des limites donnant droit à l’aide sociale et aux PC.

Comme il est manifeste que ni les montants versés par l’aide sociale ni les PC ne seront relevés pour que les impôts supplémentaires puissent être acquittés, et que le minimum vital ne sera pas exonéré de l’impôt dans les cantons, l’imposition des prestations d’assistance fera finalement baisser le niveau du minimum vital dans l’aide sociale et les PC.

Ainsi, la situation déjà précaire des bénéficiaires de l’aide sociale et des PC se dégraderait encore plus. En contrepartie, on générerait de modestes recettes fiscales supplémentaires qui seraient en contradiction avec le principe de l’imposition en fonction de la capacité économique. Une situation grotesque, vu l’imposition très avantageuse pratiquée par de nombreux cantons pour les revenus très élevés. L’État prendrait aux plus pauvres de sorte qu’ils aient encore moins pour vivre et, parallèlement, elle allégerait la charge fiscale des plus riches de sorte qu’ils puissent vivre encore mieux.

La mesure ne donnerait pas non plus d’impulsion à l’emploi des personnes aidées. L’écrasante majorité des bénéficiaires de PC n’a, en raison d’un âge élevé ou d’une invalidité totale, absolument aucun potentiel d’activité lucrative et, pour les bénéficiaires de l’aide sociale, il faut en premier lieu, pour qu’ils exercent une activité lucrative, qu’il y ait des possibilités d’emploi.

Ces arguments sont clairs comme de l’eau de roche. Ils doivent donc convaincre le Conseil national. On ne gagnera rien à assujettir les prestations d’assistances à l’impôt. Au contraire, on y perdra. Les plus pauvres de ce pays seraient frappés de plein fouet. Pas question d’imposer les prestations destinées à garantir la couverture des besoins vitaux !.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
Top