Pierre-Yves Maillard au Congrès d'Unia 2025

Photo : © Manu Friederich pour Unia

 

Nous sommes le véritable contre-poison.

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Discours de Pierre-Yves Maillard au Congrès d'Unia 2025 à Brigue

Chères et chers collègues,

J’aimerais d’abord vous remercier et vous féliciter d’avoir choisi le Valais pour ce Congrès d’Unia. Le Valais est une terre ouvrière et syndicale. D’abord, c’est une région syndicale Unia qui chaque année augmente le nombre de ses membres. Elle montre que c’est possible ! Tous les arguments qu’on entend sur l’individualisme grandissant, les nombreux projets politiques à mener, la baisse du nombre d’emplois dans nos secteurs classiques, tout cela existe aussi en Valais, mais cette région augmente ses effectifs et elle le fait alors qu’une forte concurrence des syndicats chrétiens existe. Cela doit nous inspirer partout en Suisse. 

Ensuite le Valais a été une terre ouvrière par la construction des barrages, des ponts et tunnels qui ont marqué le développement économique de la Suisse. Ces grands chantiers ont été menés à bien parce que des ouvriers de notre pays, mais aussi et surtout des ouvriers venus chez nous pour travailler y ont sacrifié souvent leur santé, leur vie de famille et parfois leur vie. En cette année 2025, nous pensons aux 86 travailleurs et aux 2 travailleuses qui ont perdu la vie sur le chantier du barrage de Mattmark le 30 août 1965. Ont été ensevelis sous ces tonnes de glaces et de roches, 56 Italiens, 23 Suisses, 4 Espagnols, 2 Allemands, 2 Autrichiens et 1 apatride. Nous rendons hommages à ces victimes du travail, comme à celles du chantier de Malley dans le canton de Vaud de juillet 2024 et tous les trop nombreux morts au travail.

Ces événements montrent aussi à quel point nos infrastructures suisses existentielles ont été construites avec et grâce à l’immigration. A ceux qui perdent la mémoire, on devra rappeler cette histoire, lors de la prochaine votation sur l’initiative de l’UDC sur la Suisse à dix millions. 

Depuis plus de cinquante ans, nous votons régulièrement sur cette question de l’immigration et de l’asile. Le principal parti de droite en Suisse en a fait son principal thème de campagne. Depuis des décennies, la politique suisse ou le peuple acceptent des mesures qui vont dans le sens de ce parti. Et qu’est-ce que cela change ? A part durcir la vie des personnes qui viennent chez nous, à peu près rien. La Suisse connaît depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, une longue phase d’expansion économique. Et cela entraîne de l’immigration. On peut le tourner dans tous les sens, l’immigration n’est rien d’autre que la conséquence de la croissance économique. 

Celles et ceux qui veulent vraiment une baisse de l’immigration devraient donc voter pour une récession, soit plus de chômage, moins de recettes pour l’AVS et pour nos services publics, donc plus de pauvreté et d’austérité. C’est l’un des résultats possibles de cette initiative. Mais pour éviter cela, si cette initiative passe, les ultralibéraux de l’UDC feront venir les travailleurs étrangers illégalement pour mieux les exploiter ou ils créeront des permis de séjour au rabais, sur le mode des saisonniers. Que l’on remette en place des contingents, des statuts précaires, cela ne change qu’une chose : les travailleurs viennent chez nous tout aussi nombreux, mais ils ont moins de droits et sont donc davantage exploités, ce qui augmente encore la concurrence avec les travailleurs qui vivent déjà en Suisse.
Ce qu’il faut faire c’est donc limiter cette concurrence et mieux protéger les salaires. C’est la stratégie syndicale. C’est celle que nous avons appliquée dans les négociations avec l’Europe.

Chères et chers collègues, nous avons été et nous restons intransigeants dans cette négociation. Nous avons fait échec au premier projet d’accord cadre qui aurait fragilisé l’ensemble de notre dispositif de protection des salaires. Nous nous continuons à nous battre contre l’accord sur l’électricité qui nous entraine vers une libéralisation complète de ce secteur vital, alors que cette libéralisation a échoué partout. 

Mais dans l’accord de stabilisation de la libre-circulation, contrairement à l’accord-cadre, la seconde négociation a apporté quelques améliorations. Le nouveau projet nous permet de décider nous-mêmes le nombre des contrôles des salaires et de continuer à opérer avec des commissions paritaires pour les contrôles et les sanctions. Par contre, le délai d’annonce est réduit et la caution est fortement affaiblie. C’est la raison pour laquelle, nous avons demandé des mesures de compensation. Nous avons obtenu du Conseil fédéral 14 mesures qui améliorent l’information et la mise en œuvre des contrôles et qui garantissent que les sanctions soient mieux appliquées. Et nous avons obtenu enfin une mesure, la 14ème, qui protège mieux les représentants du personnel contre le licenciement.

Je le dis ici avec clarté. Les partis et milieux économiques qui veulent ces accords doivent accepter ces 14 mesures. S’ils en affaiblissent une seule, alors c’est qu’ils démontrent que ces accords à leurs yeux n’ont pas beaucoup de valeur. Car aucune de ces mesures ne fait de mal aux entreprises qui fontcorrectement leur travail et respectent nos lois. Economiquement, elles ne coûtent presque rien. Donc les refuser ou les contester, c’est en fait refuser ces nouveaux accords avec l’Europe. Dans ces conditions, si même les employeurs signalent la faible valeur qu’ils accordent à ces accords, ils ne devront pas s’étonner si à notre tour nous nous y opposons en cas d’attaque contre l’une ou l’autre des mesures proposées par le Conseil fédéral.

Nous sommes prêts à nous engager pour une économie prospère en Suisse. Nous l’avons fait dans le passé, lors du développement des accords bilatéraux, contre l’initiative de rattrapage de l’UDC, pendant la période Covid et récemment lors de l’adoption des taxes douanières. 

Mais nous voulons que cette prospérité profite à toutes et tous. Une économie qui fait travailler les gens avec toujours plus d’intensité et qui leur laisse moins d’argent sur leur compte à la fin de l’année, c’est une économie qui n’a pas d’avenir. Et c’est ce qui se passe chez nous en Suisse. La hausse des loyers, la hausse des primes d’assurance-maladie et la stagnation des salaires sont un poison lent qui détruit la confiance de la population dans notre modèle économique et démocratique. 

Nous, les syndicats de ce pays, nous sommes le véritable contre-poison. Nous avons déjà apporté un remède concret avec la 13ème rente AVS qui sera versée pour la première fois en décembre 2026. Nous sommes le meilleur remède quand nous obtenons des améliorations dans la CCT Coop comme Unia vient de le faire. Les maçons qui luttent avec courage et exemplarité pour améliorer leurs conditions de travail et leurs salaires sont la meilleure thérapie économique et démocratique qu’il faut à notre pays. Et c’est le cas de toutes vos luttes et négociations pour obtenir un peu plus de cette richesse que l’on crée.

Tous les Trump de ce temps, toutes les extrêmes droites autoritaires ne sont que des remèdes de charlatans. Ils ne servent qu’à préserver encore pour un temps les privilèges des milliardaires. D’ailleurs, ils sont tous soit milliardaires eux-mêmes, soit financés par les milliardaires. C’est la même soupe ultralibérale saupoudrée de xénophobie et de démagogie. 

Nous sommes l’alternative, nous l’avons toujours été. Nous améliorons la vie de celles et ceux qui doivent travailler pour vivre. 

Alors bon congrès à vous toutes et tous. Renforcez-vous, renforcez-nous, nous avons une grande responsabilité. Notre démocratie a besoin de notre force pour survivre et se développer.

Merci pour votre attention
 

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Co-direction du secrétariat et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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