L’argent n’est pas tout, mais il a son importance

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Écrit par Peter Lauener

Pour une campagne politique, quelle influence les moyens financiers engagés exercent-ils sur le résultat de la votation ? La question est simple, pas la réponse. Pour gagner dans les urnes, il faut certes un sujet convaincant et un message « qui prend ». Mais il est clair qu’il est aussi nécessaire d’affecter suffisamment d’argent à la campagne de votation.

Le 14 novembre dernier, les opposants à l’initiative pour des impôts équitables ont placé pour plus de 155 000 francs d’annonces dans sept journaux seulement. Ainsi, ils ont dépensé, sur un seul dimanche, plus de la moitié du budget des partisans de l’initiative. Mais il ne s’agit là que d’un « instantané » de cette campagne pour le « non » qui a coûté plusieurs millions de francs.

L’initiative aurait échoué parce que mauvaise et la campagne menée à coups de millions contre elle ne serait pour rien dans le « non » du peuple, nous disent les opposants. Car « le peuple ne se laisse pas acheter. »

Il est vrai que ce sont les citoyennes et les citoyens qui décident de leur vote. Mais pour le faire, ils ont besoin d’informations nécessaires pour pouvoir trancher. Une démocratie qui fonctionne doit garantir que les deux parties en présence puissent convenablement communiquer leurs arguments à la population

Il est également vrai qu’un porte-monnaie mieux garni ne permet pas obligatoirement de gagner une votation. On l’a vu par exemple lors du scrutin sur les baisses des rentes du deuxième pilier au printemps dernier. Avec la gauche, les syndicats firent mordre la poussière à ce projet en menant de nombreuses activités à la base qui compensèrent quelque peu l’inégalité des « armes » aux mains des uns et des autres. Toutefois, nombre d’experts s’accordent à dire qu’une campagne onéreuse peut faire pencher la balance si les deux camps sont de force presque égale.

Il y a de quoi se poser des questions lorsque l’on lit que la rédaction du Tages-Anzeiger a manifestement été contrainte par les étages supérieurs de l’éditeur de publier non seulement un commentaire « pour », mais aussi un commentaire « contre » l’initiative pour des impôts équitables. Ou encore : pendant la campagne sur la réforme II de l’imposition des entreprises, selon le syndicat comedia, le milliardaire UDC Walter Frey, a massivement fait pression, allant jusqu’à menacer le Blick d’un boycott des annonces ; cela, parce que la présentation de cette réforme ne lui avait pas plu. Quant à l’UBS, elle a probablement refusé de publier durant un certain temps des annonces dans la Sonntag pour cause d’article (lui) déplaisant.

Avec un volume global d’annonces annuel de plus d’un quart de milliard de francs, les banques, les assurances et les entreprises pharmaceutiques sont des clients sérieux des médias. Comment s’étonner que cela puisse leur donner envie d’obtenir plus que les seuls espaces publicitaires acheté ?

Absence de transparence

Une autre question épineuse, concernant le financement des campagnes de votations, est la fréquente absence de transparence quant aux sources de financement. Par son argent, le donateur veut contribuer à ce que ses intérêts propres s’imposent. C’est pourquoi son identité est importante pour pouvoir comprendre ce qui se passe. Economiesuisse et l’UDC peuvent se payer les plus grandes campagnes de votations en Suisse. Economiesuisse est  principalement financée par les banques, les assurances et les entreprises pharmaceutiques. Mais ni cette organisation faîtière de l’économie ni ses principaux bailleurs de fonds n’apparaissent comme responsables du matériel destiné à leurs campagnes. Que l’on s’imagine une affiche appelant à réduire les prestations destinées aux chômeurs et chômeuses sur laquelle aurait figuré un logo de l’UBS ! Mais peut-être que cette transparence aurait apporté aux défenseurs du « non » les quelques petits pour-cent qui leur auraient été nécessaires pour rejeter la révision de l’assurance-chômage.

 

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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Daniel Lampart
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