Une deuxième mouture tout aussi inacceptable que la première

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Écrit par Colette Nova

Lors de sa session d’hiver, le Conseil national va à nouveau s’occuper de la 11e révision de l’AVS. En l’état, cette deuxième mouture est assez semblable à la première, qui avait été violemment rejetée par les citoyen(ne)s en mai 2004.

Les « pièces de résistance » de ce projet sont les suivantes : dégradation du mécanisme d’adaptation des rentes, relèvement à 65 ans de l’âge de la retraite des femmes et, probablement, absence d’encadrement social de la retraite anticipée. Les différences subsistant entre les deux Chambres concernent ce dernier point et l’adaptation des rentes.

Retraite anticipée : le petit jeu tactique de la droite

Dans une première étape, le Conseil national a rejeté toute mesure destinée à amortir les conséquences sociales de la retraite anticipée. Par contre, le Conseil des États a proposé d’échelonner les réductions de la rente en fonction du revenu AVS déterminant. Mais le montant prévu à cet effet (400 millions) est très maigre. On devrait donc répartir très peu d’argent entre beaucoup de personnes avec, pour résultat, que seuls les taux de réduction des assuré(e)s dont le revenu AVS leur donne aujourd’hui droit à des prestations complémentaires apparaîtraient acceptables. Ce serait toutefois largement inefficace parce que l’on ne ferait que remplacer des prestations complémentaires par l’AVS et qu’ainsi, pratiquement aucune personne ne pourrait profiter d’une retraite anticipée « subventionnée », même si sa santé et/ou d’autres raisons la contraignent de quitter avant l’heure le monde du travail. Le projet des État prévoit aussi l’interdiction d’exporter cette mesure, ce qui ne serait guère applicable.

La majorité de la commission du National propose de consacrer 1,15 milliard de francs à l’amortissement des conséquences sociales d’une retraite anticipée. 66 % des hommes et 90 % des femmes pourraient en bénéficier. Cette somme correspond aux économies (à moyen terme) induites par le relèvement de l’âge de la retraite des femmes. Or, cette décision ne reflète pas un brusque changement d’opinion dans la bonne direction, mais est uniquement une manoeuvre tactique. Étant donné la proposition de la minorité de la commission - qui reprend, sous une forme légèrement modifiée, la proposition minimale des États, nombre de membres de la droite ont sciemment soutenu une proposition plus ambitieuse de la socialiste Christine Goll. Cela, afin d’assurer, en fin de compte, le succès d’une proposition ne prévoyant aucun amortissement social. La majorité du National va donc probablement confirmer son attitude négative sur cette question et, tout à la fin des débats parlementaires, il n’y aura sans doute aucun amortissement des conséquences sociales d’une retraite anticipée. On reviendrait alors, sur ce point, à la même situation qu’il y a quelques années en arrière.

Adaptation des rentes : une perte de pouvoir d’achat programmée

À première vue, on pourrait penser qu’il faudra très longtemps pour que le niveau du Fonds passe au-dessous de ces 70 %, c’est-à-dire pour que le rythme d’adaptation des rentes ralentisse. Mais ce ne sera pas le cas. Premièrement en effet, l’AVS va devoir verser, en 2011, 5 milliards de francs à l’AI à titre de capital de départ. Deuxièmement, les « contributions qui proviennent de versements uniques et extraordinaires » ne doivent pas être prises en considération dans le calcul du niveau du Fonds. Il s’agit en l’occurrence des quelque 7 milliards que l’AVS a reçus récemment au titre du tiers de l’or excédentaire de la Banque nationale suisse revenant la Confédération. Au total, le niveau du Fonds, qui détermine l’adaptation des rentes, serait au moins inférieur de 12 milliards (5 + 7 milliards) à ce qu’il est aujourd’hui, 5 milliards – ce qui est le comble de la perfidie - étant même déduits à deux reprises ou ignorés (la première fois au titre de « versement unique » et la seconde en tant que versement à l’AI). Résultat : le niveau du Fonds AVS serait probablement déjà inférieur à 70 % au moment de l’entrée en vigueur de la révision (ou juste après). Le rythme bisannuel d’adaptation des rentes en vigueur disparaîtrait immédiatement aux oubliettes et vraisemblablement pour toujours. Cette réglementation est donc en tous les cas, y compris dans la version du Conseil national, pire que le dispositif prévu par la première mouture de la 11e révision de l’AVS rejetée en 2004 (adaptation fixe tous les 3 ans). Par conséquent, cette réglementation est même de toute façon – aussi sous la forme choisie par le National –pire que celle de la première mouture de la 11e révision de l’AVS (adaptation fixe tous les 3 ans) rejetée dans les urnes.

Rentes AVS transformées en argent de poche ?

La deuxième différence entre les Chambres est encore plus explosive. Les États veulent supprimer toute adaptation des rentes si le niveau du Fonds est inférieur à 45 % des dépenses d’une année. Toutefois, la commission du National maintient que cette adaptation doit avoir lieu même si le niveau du Fonds est inférieur à ce niveau. Or, celui-ci pourrait aussi - vu d’aujourd’hui - être plus rapidement atteint qu’il n’apparaît. Premièrement, le niveau déterminant pour le calcul serait de toute façon inférieur au niveau réel à cause de la « tromperie comptable » déjà mentionné et le transfert de capital à l’AI. Deuxièmement, le Parlement a la possibilité de faire nettement baisser volontairement le niveau du Fonds, par exemple en « se servant » de l’AVS pour éponger les dettes de l’AI. La tentation est grande, car ces dettes seront toujours là. Or, les conséquences de tels agissements seraient graves pour les retraité(e)s. Même dans le cas d’une inflation faible, les rentes de l’AVS perdent énormément de leur valeur au fil des décennies. Or, les actuelles rentes ne permettent déjà pas de « couvrir les besoins vitaux », malgré la teneur claire du mandat inscrit dans la constitution fédérale. 

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

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