Une crise de la solidarité

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Écrit par Paul Rechsteiner

Après la votation sur la révision de l’assurance-chômage : Un commentaire de Paul Rechsteiner, président de l’USS

Même si le résultat de cette votation est nettement meilleur que ce que prédisaient les sondages d’opinion – ils nous avaient annoncé une défaite à deux contre un -, il n’y a pas là de quoi se réjouir. Face à 58 % de « oui » en Suisse alémanique (seules les villes, et surtout Bâle, n’entrent pas dans ce tableau), on trouve 58 % de « non » en Suisse latine. Ce qui donne finalement 53 % de votes favorables à la révision.

Ce résultat soulève toutefois des questions qui dépassent ce seul scrutin. Que veut dire le fait que le « oui » le plus fort au démantèlement des prestations vient du canton d’Appenzell Rhodes-Intérieures, un « paradis » où le chômage est le plus bas de toute la Suisse. Et que l’ampleur du « oui » au projet de révision reflète largement le taux de chômage ? Donc, que ce projet a été rejeté d’autant plus nettement par une région que son taux de chômage était élevé ? Ainsi, à l’inverse, là où ce taux est comparativement bas, comme en Suisse centrale, c’est le « oui » qui a dominé.

Il est évident qu’en Suisse alémanique, beaucoup de personnes ne parviennent pas à s’imaginer tomber un jour au chômage, crise économique ou pas. Que l’attitude face à un démantèlement de prestations d’une assurance sociale importante – un démantèlement qui aura des conséquences brutales pour des dizaines de milliers de personnes -  dépende fortement de ce que les gens se sentent plus ou moins concernés, semble évident au premier au coup d’œil. À y regarder de plus près, ces liens d’intérêts étroits soulèvent des questions fondamentales. Une assurance sociale a pour but de couvrir les risques fondamentaux qui menacent tout le monde ; cela, même si, seule une minorité sera réellement concernée. Celles et ceux que le risque, le « cas d’assurance», ne concerne pas peuvent s’estimer heureux. Ils, ou elles, s’en sortent toujours mieux que les autres pour qui le risque ses concrétise. L’assurance sociale, qui repose sur le principe de la solidarité, est non seulement sociale, mais aussi rationnelle et judicieuse du point de vue économique.

Ce principe élémentaire de la solidarité, la base de toute assurance sociale, est violé si seuls les intérêts personnels comptent finalement. Cette situation est particulièrement explosive avec la votation sur l’assurance-chômage, parce qu’on risque de voir les parties latines du pays, qui ont refusé en bloc ce démantèlement, dominées par une Suisse alémanique économiquement plus forte. La cohésion du pays repose sur le principe de la solidarité des assurances sociales et des pouvoirs publics. L’arrogance manifestée par la présidente de la Confédération, à l’occasion de la révision de l’assurance-chômage, à l’égard des régions économiquement plus faibles est un mauvais signal à cet égard.

La Suisse vit une crise de la solidarité dont il faut débattre. La prochaine votation sur l’initiative pour des impôts équitables du Parti socialiste en sera une première occasion.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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