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Écrit par Doris Bianchi

Prévoyance vieillesse 2020 : Redresser la barre

En matière de Prévoyance vieillesse 2020, il existe de profondes divergences de vue entre un Conseil des Etats pragmatique et un Conseil national à l'idéologie obstinée. Mais quelle route doit prendre le navire pour éviter le naufrage ?

Le Conseil national et le Conseil des Etats ont déjà pris deux décisions cruciales : le relèvement de l'âge de la retraite des femmes à 65 ans, et l'abaissement du taux de conversion minimum de 6,8 % à 6 %. Au moins, les deux chambres appellent de leurs vœux une compensation des pertes de rentes causées par cette diminution.

Qui sait compter mise sur l'AVS

Le Conseil des Etats veut rétablir l'équilibre par un supplément de 70 francs pour les futurs bénéficiaires de l'AVS et un relèvement à 155 % du plafond AVS des couples. En outre, il souhaite une prévoyance professionnelle obligatoire légèrement renforcée et la préservation des acquis pour la génération transitoire. Quant au Conseil national, il entend compenser la perte uniquement dans le deuxième pilier. S'il n'en tenait qu'à lui, la totalité du salaire brut serait assurée à la prévoyance professionnelle à partir d'un salaire annuel de 21 500.-. Or ce projet concocté par l'Union patronale coûte cher puisque selon l'Office fédéral des assurances sociales, son prix atteindrait les 4,5 milliards de francs en 2030. Par contre, la proposition du Conseil des Etats reviendrait à moins de 3 milliards de francs.

Boomerang pour les gagne-petit

Verser davantage au deuxième pilier serait difficile notamment pour les personnes à faible revenu. Un exemple : Agnès, 30 ans, salaire mensuel de 3000, assure aujourd'hui 11 325 Fr. au deuxième pilier. A l'avenir, pour le Conseil national, la somme assurée s'élèverait à 36 000.-. Aujourd'hui, Agnès verse 33.- par mois de bonifications de vieillesse - ce seraient 135.- à l'avenir, soit plus de 100.- supplémentaires. L'entreprise serait, elle aussi, appelée à débourser ce montant additionnel. Cela va faire mal au portefeuille.

Conclusion : Les salaires nets baisseraient et il deviendrait encore plus compliqué pour les personnes aux bas revenus de subvenir à leurs besoins essentiels. Dans bien des cas, les succès remportés par les campagnes syndicales pour le salaire minimum seraient anéantis en moins de deux. De plus, l'on peut s'attendre à ce que de nombreuses entreprises proposent des emplois à temps partiel pour moins de 21 150.- (le seuil d'entrée LPP) afin d'échapper à l'explosion des cotisations.

De son côté, le Conseil des Etats entend financer le supplément AVS par une augmentation des pourcentages salariaux de 0.15 % chacun. Avec ce modèle, Agnès et son entreprise ne devraient plus payer que 4,5 francs additionnels par mois chacune.

Mais pour les salaires moyens aussi, le modèle du Conseil des Etats s'avère beaucoup plus rentable. Prenons l'exemple de Manuel, 30 ans, salaire annuel 70 000.-. Avec la solution du Conseil des Etats, il devrait payer 472.- de plus par an, mais avec celle du Conseil national 3229.-. Les chiffres parlent d'eux-mêmes... Et expliquent pourquoi l'Union suisse des arts et métiers ne veut rien savoir de la proposition de la grande Chambre.

Pas d'automatisme pour la retraite à 67 ans

L'automatisme décidé par le Conseil national pour la retraite à 67 ans n'a rien à faire dans ce projet. La grande Chambre est résolue à refuser à l'AVS les ressources supplémentaires nécessaires et supportables, et à la prendre à la gorge pour imposer un relèvement de l'âge de la retraite. Et cela à une époque où il n'est guère d'entreprise qui souhaite employer un salarié de plus de 65 ans. Cet automatisme technocratique doit disparaître, même s'il est réglé par un autre projet, soumis au peuple lors d'une autre votation.

Taxe sur la valeur ajoutée : pas de chantage par la petite porte

L'USS ne l'a jamais nié : Les baby-boomers partent à la retraite et cela a un coût, au moins provisoire. C'est pourquoi une augmentation de la TVA de 1 % est nécessaire. Le Conseil des Etats en a décidé ainsi. Pour sa part, le Conseil national est favorable à 0,6 %. Son intention est claire : pousser l'AVS au déficit afin d'imposer la retraite à 67 ans.

Revenir à la raison, revoir sa position

Compenser les diminutions des rentes décidées dans le deuxième pilier par un supplément AVS, enterrer la retraite à 67 ans, assurer un financement suffisant de l'AVS : telles sont, en résumé, les trois clés qui garantissent un certain équilibre au projet. Le Conseil national veut que nous payions davantage pour les mêmes prestations de vieillesse, et qu'en plus nous travaillions plus longtemps. Revenir à la raison et revoir sa position, ce serait faire preuve de discernement et d'intelligence pratique. Il n'est pas encore trop tard...

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

Première secrétaire adjointe

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Gabriela Medici
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