Solution du délai menacée ?

  • Santé
  • Égalité des sexes
Articles
Écrit par Christina Werder, secrétaire centrale de l’USS/fq

Pas question de retourner dans le passé !

L’initiative populaire « Financer l’avortement est une affaire privée » lancée par les milieux conservateurs, si elle n’entend certes pas interdire les avortements, veut donc en faire une « affaire privée ». Ceux-ci seraient sortis du catalogue des prestations de l’assurance de base obligatoire et les femmes devraient y aller de leur poche. Cela va à l’encontre de leur dignité et représente un retour dans un passé conflictuel et douloureux pour elles.

Le 17 avril 2013, le Conseil national sera la première Chambre à s’occuper de l’initiative populaire « Financer l’avortement est une affaire privée – Alléger l’assurance-maladie en radiant les coûts de l’interruption de grossesse de l’assurance de base ». Celle-ci demande que le remboursement des frais d’avortement par l’assurance-maladie obligatoire soit supprimé. En d’autres termes, les femmes devraient à l’avenir payer de leur poche les frais d’une interruption de grossesse. Cette initiative remet ainsi en question une solution en vigueur depuis des années et choisie par le biais d’une votation populaire. Son acceptation signifierait un retour inacceptable dans le passé. Il faut donc lui dire « non ». Le « non » de la Commission féminine de l’USS et de 53 autres organisations nationales de femmes a été décidé depuis longtemps. Le Conseil fédéral et la commission compétente du Conseil national recommandent également le rejet de cette initiative. Seule une minorité de quatre hommes de l’UDC propose au Conseil national son acceptation.

Pas d’hésitation, c’est « non » !

L’impunité garantie dans le cadre d’un délai clairement défini et la reprise des coûts par les caisses-maladie sont des éléments indissociables de la solution appliquée actuellement en matière d’avortement. Si ces coûts n’étaient plus couverts par les caisses-maladies, il y aurait de très forts risques que les femmes qui veulent se faire avorter se retrouvent placées dans des situations indignes. Un retour intolérable dans le temps ! Qui plus est, la qualité de ces interventions ne serait plus garantie ; d’où des effets dommageables sur la santé des femmes et des coûts supplémentaires pour l’assurance obligatoire des soins

Le siècle dernier, une interruption de grossesses était punissable, sauf s’il y avait, après examen médical, un danger pour la vie de la mère ou d’atteinte grave à sa santé, et qu’il n’était pas possible d’y parer d’une manière acceptable pour elle (indication médicale).

Ne rouvrons pas de vieilles plaies !

La discussion sur la façon de réglementer l’interruption de grossesse a connu plusieurs épisodes. L’initiative populaire « concernant la décriminalisation de l’avortement », qui avait abouti en 1971, fut finalement retirée au profit de l’initiative, lancée en 1975, pour la solution du délai. Le contre-projet du Conseil fédéral à cette initiative recommandait une version élargie de l’indication incluant l’indication sociale en plus de l’indication médicale. En mai 1978, il fut rejeté dans les urnes, ainsi que, en 1977, l’initiative populaire « pour la solution du délai ».

Pendant la session parlementaire d’été 1978, quatre initiatives parlementaires et autant d’initiatives cantonales furent déposées. L’une d’entre elles demandait une solution fédérale en matière d’interruption de grossesse non punissable. Les initiatives cantonales avaient pour but de donner aux cantons la possibilité d’introduire la solution du délai. Aucune de ces interventions ne trouvèrent de majorité aux Chambres fédérales.

En 1980, l’initiative populaire « Droit à la vie » aboutit, mais échoua cinq ans plus tard devant le peuple. L’initiative populaire « pour la mère et l’enfant – pour la protection de l’enfant à naître et pour l’aide à sa mère dans la détresse » fut également rejetée en votation par 81,8 % de non, le 2 juin 2002. Le même jour, 79,2 % de citoyen(ne)s acceptèrent par contre la réglementation en vigueur aujourd’hui, qui se base sur l’initiative parlementaire de l’ancienne conseillère nationale socialiste Barbara Hearing. Cette initiative parlementaire demandait que l’interruption de grossesses fasse l’objet d’une nouvelle réglementation, via l’introduction d’une solution du délai.

Les dispositions légales acceptées par le peuple et entrées en vigueur le 1er octobre 2002 stipulent qu’une interruption de grossesse – en plus des cas où elle s’impose à cause du risque d’atteintes graves à la santé de la mère – est non punissable si elle a lieu dans les douze premières semaines suivant le début des dernières règles ; cela, sur demande faite par écrit de la femme enceinte. Simultanément, la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) fut adaptée en conséquence, de manière à ce que l’assurance obligatoire des soins prenne à sa charge les coûts d’un avortement non punissable. Cette solution est tout à fait entrée dans les mœurs et elle a fait ses preuves. C’est pourquoi il n’y a strictement aucune raison de la remettre en question aujourd’hui.

Responsable à l'USS

Reto Wyss

Secrétaire central

031 377 01 11

reto.wyss(at)sgb.ch
Reto Wyss
Top