Si elle n’est pas déjà morte, c’est devant le peuple qu’elle mourra

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Écrit par Ewald Ackermann

Cette fois, l’Association suisse d’assurances (ASA) avait poussé le bouchon un peu trop loin. En effet, si elle a réussi à faire honorer sa « liste de mariage » par la commission du Conseil national, elle a aussi provoqué la création d’une alliance inhabituelle qui, avec son « Non, pas comme ça ! », vient sans doute de donner l’estocade à la révision de la loi sur l’assurance-accidents (LAA).

Si l’Union suisse des arts et métiers (USAM) et l’Union syndicale suisse (USS) ainsi que la Société suisse des entrepreneurs (SSE) et le syndicat Unia demandent ensemble le renvoi au Conseil fédéral du projet de révision de la LAA – sinon, ils saisiront ensemble le référendum -, c’est très certainement qu’une offensive brutale a été lancée contre les intérêts communs des partenaires sociaux.

Et c’est bien le cas. Concernant cette révision, l’ASA était parvenue, jusqu’au stade de la commission parlementaire chargée de l’examen préalable pour le Conseil national, à couper massivement dans l’actuelle assurance-accidents et, de ce fait, à s’attaquer à la SUVA (CNA), une institution gérée par les partenaires sociaux. D’une part, l’ASA a obtenu que le gain maximal assuré soit abaissé de 126 000 francs à environ 100 000. Conséquence : une augmentation de 2 % des primes de l’assurance de base. En effet, la baisse des recettes de celle-ci serait plus élevée que les économies réalisées dans les prestations. Tant les employeur(e)s que les travailleurs et travailleuses verraient ainsi leur charge s’alourdir. Simultanément, une nouvelle charge s’imposerait : des assurances complémentaires pour les cadres.

D’un autre côté, les assureurs privés ont réussi à faire passer le degré d’invalidité minimal de 10 à 20 %. Conséquence : en particulier, les travailleurs et travailleuses manuels dont le salaire est diminué de moins de 20 % suite à un accident ne seraient plus couverts par l’assurance (voir notre exemple ci-contre).

Pour sa part, l’affaiblissement de la SUVA aurait eu pour effet que le vaste programme de prévention des accidents mis en œuvre par elle serait menacé.

À l’occasion d’une conférence de presse commune, le 31 août, les partenaires sociaux ont clairement fait savoir qu’ils n’accepteraient pas de céder à cette offensive culottée dirigée contre une assurance sociale. Ils estiment que le projet de révision doit être retourné à son expéditeur, le Conseil fédéral. Sinon, les arts et métiers saisiront le référendum avec les syndicats. L’offensive des assureurs est absurde. C’est en effet uniquement à cause de leur cupidité qu’il faudrait inutilement dégrader une assurance dont le financement est le meilleur qui soit et dont le fonctionnement s’avère excellent.

La gauche et les vert(e)s du Parlement ont toujours rejeté cette révision. Dans les groupes parlementaires de la droite, les cartes ont ainsi été redistribuées avant les débats aux Chambres. Et l’ASA a laissé entendre qu’elle n’aurait jamais voulu aller aussi loin. Bref, on peut partir de l’idée que la raison sociale s’imposera et que cet objet prendra la bonne direction, celle de la corbeille à papier.

Que signifie un degré d’invalidité de 20 % ?

Jacques (39 ans) est menuisier. Son salaire annuel se monte à 72 000 francs. Un jour, il se blesse lourdement au travail en se coupant le poignet avec une scie sur table. La guérison se fait attendre et, finalement, le poignet doit être renforcé. Jacques est alors contraint d’exercer une activité physiquement moins difficile, mais moins bien payée. Il en résulte pour lui une perte de salaire de 19 % due à cet accident (Fr. 13 680.- par an), qui est couverte aujourd’hui par l’assurance-accidents via une rente. Calculé jusqu’à l’âge de 65 ans, le dommage se monte à environ 260 000 francs.

Selon la volonté de la commission, Jacques ne toucherait plus de rente du tout, mais devrait demander à l’assurance responsabilité de son employeur la compensation de sa perte de salaire. Conséquence probable : une longue et pénible dispute juridique entre Jacques et son employeur ; cela, au détriment d’une rapide réinsertion sur le lieu de travail.

 

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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Daniel Lampart
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