Oui aux soins intégrés, mais pas comme ça !

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Écrit par Christina Werder, SGB-Zentralsekretärin

L’Union syndicale suisse (USS) estime que le projet concernant les réseaux de soins inté-grés « managed care » tel qu’il sera soumis au Conseil national lors de la session d’été est totalement insuffisant. Les assuré(e)s risquent en effet de voir leur quote-part passer à 20 % et les personnes de conditions modestes pourraient ne plus pouvoir choisir leur médecin. Mais ce n’est pas tout…

Selon ce projet en effet, les caisses-maladie décideront avec quels réseaux de soins intégrés et à quelles conditions elles concluront des contrats. Elles ne seront donc pas obligées d’en conclure avec tous les réseaux, mais devront uniquement créer une offre de soins intégrés. Cela signifie qu’elles piloteront la demande et que l’obligation de contracter sera assouplie dans l’assurance de base.

Le diktat des caisses

Les réseaux de soins intégrés devront obligatoirement assumer une coresponsabilité budgétaire. Ce qui favorisera un rationnement camouflé et créera des incitations à fournir des prestations insuffisantes ; cela, parce que, quelles que soient les prestations servies ou ordonnées, les réseaux ne recevront que le montant figurant au contrat. Les réflexions de caractère économique gagneront ainsi en importance, le rapport entre médecin et patient(e) se compliquera (« Me fera-t-on encore tout ce dont j’ai besoin ? ») et des conflits surgiront entre les différents fournisseurs de prestations des réseaux. On courra en particulier le risque que des prestations de soins et thérapeutiques, comme de physiothérapie ou d’ergothérapie, soient dévalorisées au profit des prestations fournies par les médecins, car le pouvoir de prescription et la responsabilité budgétaire reviennent au médecin.

Les caisses-maladie seront contraintes de faire tout au plus une offre de soins intégrés à leurs assuré(e)s. Si cette offre ne convient plus à un(e) assuré(e), il/elle devra changer de caisse ou payer plus de sa poche et s’acquitter d’une quote-part de 20 %. Les caisses lieront les assuré(e)s au réseau de soins intégrés au moyen de contrats, léonins, d’une durée pouvant aller jusqu’à trois ans. Les obstacles à franchir pour sortir avant terme de tels contrats seront élevés et pourront coûter cher : en cas de modifications importantes des conditions d’assurance ou de hausse des primes supérieure à la hausse moyenne des primes du canton, l’assuré(e) pourra changer de caisse, mais pas de forme d’assurance. Ce n’est qu’en payant une prime de sortie contractuellement convenue que l’assuré(e) pourra changer et de caisse et de forme d’assurance avant l’arrivée à terme de la durée contractuelle. Comme la loi ne plafonne pas cette prime de sortie, les caisses pourront en fixer librement le montant. L’obligation faite aux caisses de proposer une telle offre étant minimale, les assuré(e)s – surtout à la campagne – auront, le cas échéant, une liberté très limitée à cet égard, mais aucune garantie de trouver un réseau de soins intégrés dans leur proche environnement. La loi ne définissant pas de rayon d’activité pour les réseaux ceux-ci  pourront être très vastes.

Vers une médecine à deux vitesses

Un autre problème concerne les malades chroniques qui dépendent d’une assistance médicale continue en soins et thérapies. Si l’équipe qui fournit le traitement et les soins depuis des années n’appartient pas au réseau responsable, le ou la patient(e) devra se faire soigner en dehors du réseau et donc s’acquitter d’une quote-part de 20 %.

La hausse à 20 % de la quote-part sans plafonnement légal (l’actuel plafond de Fr. 700.- n’est fixé qu’au niveau d’une ordonnance), entraînera des frais très importants pour les assuré(e)s qui ne voudront pas s’exposer aux contrats léonins d’une durée de trois ans proposés par les caisses, ni restreindre leur liberté de choix. Une quote-part de 20 %, cela pourra représenter jusqu’à 1400 francs par an. Pour un couple, cela signifierait qu’il aurait à payer de lui-même 3400 francs (2 x 1400.- de quote-part plus 2 x 300.- de franchise). Il faudra en outre payer des primes des caisses-maladie représentant plusieurs milliers de francs par an. Cela signifie que, pour nombre d’assuré(e)s, l’adhésion à un réseau de soins intégrés ne se fera de facto pas volontairement. Des raisons financières les y « contraindront ». Cela ne reviendrait à rien d’autre qu’à introduire une médecine à deux vitesses.

Le projet concernant les réseaux de soins intégrés mis sur rail n’est pas une profession de foi en faveur de ces derniers. Il semble bien plus propre à déprécier les soins intégrés pour en faire une médecine bon marché.

 

Responsable à l'USS

Reto Wyss

Secrétaire central

031 377 01 11

reto.wyss(at)sgb.ch
Reto Wyss
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