Mis à part quelques idéologues, personne ne veut relever l’âge de la retraite

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Écrit par Ewald Ackermann, service de la communication de l’USS/fq

Départ à la retraite et démographie : une nouvelle étude

L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) vient de publier une étude sur le départ à la retraite et la démographie[1]. Une étude dont l’interprétation des résultatse ne va pas de soi. De fait, dès le départ, deux problèmes avaient été posés (financement à long terme des assurances sociales et pénurie de main-d’œuvre spécialisée) de même que leur solution (les personnes âgées doivent travailler plus longtemps). En effet, lorsque l’on sait dès le départ à quelle conclusion on va, voire doit, aboutir, l’interprétation des résultats de l’étude relève d’une quasi-manipulation.

Le Conseil fédéral, à tout le moins son chef d’alors, le conseiller fédéral Didier Burkhalter, estime que, pour relever les défis de la prévoyance vieillesse et de la politique du marché du travail, l’orientation fondamentale à suivre consiste à maintenir la population âgée plus longtemps dans le monde du travail. Bref, les vieux doivent travailler plus longtemps ! Il y aura moins de rentes à payer et les employeurs auront assez de personnel.

Les employeurs « réels » ne veulent pas de relèvement de l’âge de la retraite

Il y a toutefois un hic : les employeurs ne veulent pas de cette solution, même si leurs organisations faîtières la demandent. Ainsi, 60 % des entreprises interrogées n’ont pas engagé, ces trois dernières années, d’employé(e)s de plus de 58 ans. Seuls 13 % d’entre elles pensent qu’il est  judicieux de travailler au-delà de l’âge ordinaire de la retraite. Pour 32 % par contre, c’est une erreur et 48 % jugent que ce n’est raisonnable que pour certaines fonctions. Dans une situation de pénurie manifeste de main-d’œuvre qualifiée, les entreprises tableraient d’abord sur les femmes et la libre circulation des personnes. 15 % seulement – c’est maigre - pensent ici aux personnes âgées. La majorité des employeurs refusent même le relèvement de l’âge ordinaire de la retraite.

Ces chiffres correspondent à la réalité en matière de départ à la retraite. En effet, 40 % des personnes prennent leur retraite avant d’avoir 64/65 ans, alors que 20 % le font à ce moment. Un bon tiers continuent à travailler, mais surtout à temps partiel et dans des fonctions dirigeantes. Le volume de ces activités n’a pas été calculé, ni leur durée. De plus, parmi les hommes de 65 à 70 ans actifs professionnellement, seuls 38 % sont des salariés, les autres étant avant tout des indépendants (avocat(e)s, architectes, médecins, etc.), qui continuent à travailler à l’âge AVS.

Vu d’un œil critique, tous ces chiffres montrent qu’il n’existe pas de marge de manœuvre pour relever l’âge ordinaire de la retraite. Mais comme l’« on » connaît la solution du problème que l’on a construit soi-même déjà en le posant, les personnes qui interprètent cette étude lancent un appel aux employeurs – rappelons qu’uniquement une minorité d’entre eux veut engager des personnes âgées -  pour qu’ils créent des emplois destinés à ces dernières. De plus, des emplois qui permettent de travailler avec plaisir, offrent des conditions de travail attrayantes (assez de temps libre pour pouvoir concilier travail, famille et loisirs) et leur apportent l’estime de leurs employeurs. Si cela ne concernait que les travailleurs et travailleuses jusqu’à 64/65 ans, ce ne serait pas un problème. Mais, ces réflexions concernent des personnes au-delà de cet âge… Les « interprètes » de cette étude savent bien que dans ce cas, ce n’est de loin pas évident. C’est pourquoi elles gonflent les maigres données dont elles disposent. Selon elles, si un tiers des personnes travaillent au-delà de 64/65 ans, si le taux d’activité des plus de 58 ans s’est amélioré (dans une mesure minime), c’est que nous sommes en présence d’une tendance. Travailler plus longtemps, comme suggéré, serait sans doute une évolution naturelle, estiment-elles.

L’étude de l’OFAS montre au contraire que ce n’est le cas qu’exceptionnellement. Lorsque l’on fait semblant d’interpréter une étude, alors que l’on sait dès le départ à quelle conclusion l’on aboutira, cela suppose que l’on recoure à de multiples stratagèmes qui pourraient se retourner quelques années plus tard contre leurs auteurs… sous la forme d’un référendum.


[1] « Altersrücktritt im Kontext der demografischen Entwicklung » (avec un résumé en français).

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

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