Mauvais arguments pour une baisse des rentes

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Écrit par Paul Rechsteiner

Les rentes du 2e pilier ont pour fonction, avec celles de l’AVS, de permettre aux retraité(e)s de « maintenir de manière appropriée (leur) niveau de vie antérieur ». C’est notre Constitution fédérale qui le demande. Aujourd’hui déjà, cet objectif constitutionnel est menacé pour de nombreuses personnes de bas ou moyen revenu. On ne saurait donc d’autant moins tolérer, concernant des rentes réglementées par la loi, que leur niveau actuel soit baissé.

[UNVOLLSTÄNDIG]

C’est sur cette toile de fond que les Suisses et les Suissesses ont, le 7 mars 2010, rejeté par 72,7 % dans les urnes un projet de baisse du taux de conversion minimal de la prévoyance professionnelle. Avant ce scrutin, le Conseil fédéral et l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) ainsi que les partis bourgeois avaient juré aux citoyen(ne)s que le 2e pilier serait financièrement menacé si les rentes n’étaient pas baissées. Les arguments avancés dans ce sens à grands frais lors d’une des plus onéreuses campagnes de votation de ces dernières années ne convainquirent pas.

Le dernier acte officiel accompli par le conseiller fédéral Didier Burkhalter en tant que chef du Département fédéral de l’intérieur (DFI) chargé de ce dossier a été d’ouvrir l’audition au sujet du rapport sur l’avenir du 2e pilier. Le cœur de ce rapport est à nouveau la baisse, présentée comme incontournable, du taux de conversion minimal. Étant donné l’importance revêtue par ce rapport pour les décisions stratégiques qui seront très prochainement prises en matière de prévoyance vieillesse, l’Union syndicale suisse (USS) a soumis à un examen minutieux les hypothèses de l’OFAS, compétent pour ces ques-tions, et les buts à atteindre fixés par lui. Le résultat de cette analyse montre que ces hy-pothèses et buts sont aussi problématiques que les anciennes prévisions erronées du même office sur l’avenir de l’AVS, des erreurs qui ont été nettement corrigées depuis lors par ce dernier, pour se rapprocher de la réalité.

Quiconque lit attentivement ce rapport volumineux s’étonne tout d’abord de voir que les hypothèses centrales sur l’évolution de l’espérance de vie et les taux d’intérêts ne s’appuient que sur peu de données chiffrées. Pour les taux d’intérêt, on voit des courbes descendantes vertigineuses en ce qui concerne les placements à faible risque et, pour l’espérance de vie, les données sont celles de quelques institutions de prévoyance et con-cernent notamment des employé(e)s de l’État. Ainsi, déjà dans la partie déterminante de ce rapport, on est surpris par la superficialité du travail et la maigreur des données utilisées.

Un examen plus fouillé fait apparaître qu’avant de prendre des décisions qui sont de grande portée pour l’avenir et auront des effets en conséquence pour la sécurité sociale, l’évolution des taux d’intérêt et des rendements doit être considérée et analysée dans un contexte plus vaste. Il suffit de mentionner à cet égard que, survenant dans le cadre d’une inflation aujourd’hui absente, de petites modifications peuvent déjà changer totalement la donne. Et il y aurait aussi lieu de s’étonner du fait que même l’Administration fédérale des finances, réputée pour sa grande retenue, arrive, dans les « Perspectives à long terme des finances publiques en Suisse » qu’elle vient de publier, à des taux d’intérêt de loin supérieurs à ceux de l’OFAS.

Quant à l’évolution de l’espérance de vie, la maigreur des données utilisées saute encore plus aux yeux. On dissimule par exemple purement et simplement le fait que cette minorité d’assuré(e)s à qui s’applique en premier lieu le taux de conversion minimal est composée des classes sociales dont l’espérance de vie est moindre. Et dire que chacun sait que l’« inégalité » face à la mort est importante, c’est-à-dire qu’il y a donc « inégalité » de l’espérance de vie : Celles et ceux qui gagnent peu pour un travail correspondant vivent en effet moins longtemps que celles et ceux qui gagnent plus et dont les activités sont plus qualifiées.

Mais qui aimerait imposer à la population des baisses de rentes est tenu d’analyser ou de faire analyser les réalités fondamentales ici. Et de le faire de manière approfondie, sérieuse et compréhensible. Que la « communauté de croyance » qui va de la branche des groupes d’assurances jusqu’à l’Association suisse des institutions de prévoyance (ASIP) soit unanime à penser, comme avant le 7 mars 2010, que le taux de conversion minimal doit être baissé n’est pas suffisant dans un processus démocratique pour justifier des décisions politiques importantes. Pour cela, il faut des bases qui reposent sur des faits et soient crédibles. Le rapport sur l’avenir du 2e pilier ne satisfait pas à ces exigences.

S’ajoute à cela que l’OFAS lui-même a commandé des études qui établissent que les coûts administratifs et générés par la gestion de la fortune sont fortement surfaits. Qui plus est, les primes de risque représentent des affaires importantes pour les compagnies d’assurance, en cela que les bénéfices y sont presqu’aussi élevées que les dépenses totales de ces compagnies. Mais tant que, du côté de l’OFAS, on ne fait que constater les faits sans en tirer de conclusions politiques, il n’est pas question que les gains des groupes d’assurance continuent à augmenter grâce à des baisses de rentes sur le dos des personnes concernées.

Dans pareil contexte, l’USS continuera son combat contre toute baisse des rentes du 2e pilier. Il reste à espérer que le DFI retravaille dans un proche avenir de manière appro-fondie, comme pour celles de l’AVS, les bases du 2e pilier.

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

Première secrétaire adjointe

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