Le Conseil national adoucit la révision 6b de l’AI

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Écrit par Doris Bianchi, secrétaire dirigeante de l’USS/fq

L’assainissement de l’AI progresse, des réductions de prestations inutiles

Lors de la dernière session parlementaire d’hiver, le Conseil national a traité la révision 6b de l’AI (2e volet). Il a fait preuve d’un certain discernement et renoncé à des coupes extrêmes de prestations. Car les chiffres de l’AI ont clairement pris la bonne direction.

La première évaluation de la 5e révision de l’AI confirme que cette dernière éponge ses dettes. Le programme d’assainissement avait pour but un changement de culture : à travers la détection précoce et toute une palette de nouvelles mesures d’intégration, il s’agissait de favoriser la réadaptation. La 5e révision de l’AI a concouru de manière déterminante de faire de cette dernière une assurance de réadaptation. Le nombre des nouvelles rentes a reculé de presque 50 % depuis 2003 et celui des rentes courantes diminue constamment depuis 2006. En contrepartie, les offices AI ont annoncé environ 11 500 cas de réadaptation professionnelle réussis, soit à peu près le double qu’en 2007 (5 800). L’évaluation de la 5e révision fait apparaître que le potentiel d’efficacité de celle-ci n’a pas encore été épuisé. Un bon nombre d’office AI pourraient renforcer leurs mesures, en particulier pour les personnes d’un bas niveau de formation.

Mais cette évaluation ne montre qu’un côté de la médaille. Le taux de nouvelles rentes AI ne dépend pas uniquement de la pratique en matière de réadaptation, mais surtout de l’examen des rentes. Avec l’encouragement de la réadaptation, l’AI a durci cet examen. Et les réclamations contre les décisions des services médicaux de l’AI s’accumulent. Ce côté de la médaille ne doit pas être oublié.

Les dépenses de l’AI ont été à ce point réduites que leur montant se rapproche toujours plus de celui des cotisations perçues. Parallèlement, le financement additionnel de l’assurance via la hausse temporaire de 0,4 % de la TVA a sensiblement augmenté les recettes. Au premier semestre 2012, l’AI a ainsi pu enregistrer un excédent de 230 millions de francs. Ces deux évolutions se maintiendront à la fin 2012, voire se renforceront. L’assainissement de l’AI est en bonne voie.

Nouveau bol d’air et marge de manœuvre

Selon les scénarios financiers actuels de la Confédération, l’AI enregistrera à l’avenir des excédents sans qu’il soit besoin de réduire des prestations. Inutile donc de prévoir de telles réductions pour des raisons financières. Socialement, ce serait très dur pour les personnes concernées, car, aujourd’hui déjà, une grande partie des rentiers et rentières AI dépendent des prestations complémentaires. 

Ce contexte a amené le Conseil fédéral à séparer en deux partie la révision 6b de l’AI, une proposition qui, acceptée par le Conseil national lors de la session parlementaire d’hiver, assouplit fortement le projet de révision.

Et une alliance centre-gauche a réussi à s’imposer sur des points essentiels. Premièrement, la majorité a suivi le plan du conseiller fédéral Alain Berset et sorti de la révision les réductions des rentes pour enfant et les frais de voyage. Mais le Parlement pourrait revenir ultérieurement sur ces questions, par exemple si la situation financière de l’AI ne va pas dans la direction prévue.

Système de rentes linéaire, mais rente entière dès un taux d’invalidité de 70 %

La révision 6b de l’AI remplacera l’actuel système, qui prévoit des quarts de rentes, des demi-rentes, des trois quarts de rentes et des rentes entières, par un système de rentes linéaire. Mais, contrairement au Conseil fédéral et au Conseil des États, le Conseil national veut qu’une rente entière soit accordée comme aujourd’hui, soit à partir d’un taux d’invalidité de 70 % et non de 80 % comme proposé. Ce faisant, on adoucirait quelque peu ce qui constituerait sinon un grave démantèlement. La réduction de la rente entière pour les handicapé(e)s dont le taux d’invalidité se situe entre 70 et 79 % aurait des effets marquants sur le revenu de ce groupe de personnes. En effet, celles-ci n’ont absolument aucune perspective d’exploiter leur capacité de travail résiduelle.

Le Conseil national a en revanche décidé, contrairement au Conseil des États, d’appliquer le nouveau système de rentes aussi aux rentes courantes, pour les personnes dont le taux d’invalidité est supérieur à 50 % et qui ont mois de 55 ans. Les rentes courantes sont donc toujours menacées de baisser. Pour l’USS, l’introduction d’un nouveau système de rentes ne doit toucher que les nouvelles rentes. Toute autre façon de procéder viderait par trop de sa substance la sécurité juridique.

Que la réduction des indemnités journalières sans obligation d’entretien n’ait pas trouvé de majorité est réjouissant.

Frein à l’endettement

Le mécanisme d’intervention (frein à l’endettement) proposé par le Conseil fédéral revêt une grande importance pour tout le 1er pilier. Il se serait déclenché automatiquement dès que le niveau du fonds de l’AI aurait été inférieur à 40 % des dépenses annuelles, supprimant l’adaptation des rentes. Le Conseil national a nettement rejeté cet automatisme.

Introduit dans l’AI, ce mécanisme d’intervention jouerait le rôle d’un projet pilote pour l’AVS. Economiesuisse le prône comme condition à tout processus de réforme des assurances sociales. Un jour avant le début des délibérations sur cette révision, les partis de droite ont convoqué les médias pour souligner la nécessité, selon eux, d’un mécanisme d’intervention dans la prévoyance vieillesse. Mais ils sont restés vagues quant à sa conception. Ce flou est aussi apparu lors des débats parlementaires. La droite ne suit de fait pas une seule et même ligne : alors que les libéraux-radicaux et l’UDC ne veulent intervenir que du côté des dépenses de l’AI, les Verts-libéraux et les chrétiens-démocrates sont favorables à une « symétrie des sacrifices », donc à des mesures concernant et les recettes et les dépenses. Cette scission au sein de la droite a entraîné le renoncement à l’automatisme du dispositif. On doit comprendre cela comme indiquant clairement que les adaptations automatiques en matière d’assurances sociales ne sont actuellement pas en mesure de séduire une majorité.

Une révision certes adoucie, mais pas suffisamment

La révision 6b scindée en deux de l’AI va retourner au Conseil des États dans le cadre de la procédure d’élimination des divergences entre les deux Chambres, un Conseil des États qui en débattra sans doute lors de sa session de printemps. Il y a de bonnes chances que cette révision soit fortement adoucie. Mais nous ne devons pas oublier que la protection offerte par l’assurance sera quand même dégradée. Ainsi, la proposition demandant un durcissement de la lutte contre les abus, bien qu’incontestée au Parlement, représente matériellement presque une violation des principes de la procédure dans un État de droit. Et le nouveau système linéaire de rentes créera des injustices principalement s’il est appliqué aux rentes courantes.

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

Première secrétaire adjointe

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