La majorité bourgeoise du Conseil national s’attaque aux chômeurs et chômeuses

  • Assurance-chômage
Articles
Écrit par Max Chopard

Lors de sa session de décembre, le Conseil national, confondant de manière impression-nante cause et effet, a lancé la chasse aux chômeurs et chômeuses. Sa majorité de droite croit que l’aide fournie à ces derniers leur permet de vivre convenablement et qu’il suffit d’en fermer le robinet pour qu’ils retrouvent immédiatement du travail. Mais sur quelle planète vivent donc ces « Messieurs Dames » de la Coupole ?

La principale cause de l’important chômage actuel et de la situation tendue dans laquelle se trouvent les assurances sociales est la crise économique et financière. Or, alors que les équilibristes de la finance croulent à nouveau sous un flot de bonus, de larges pans de l’économie luttent contre les conséquences de cette crise. Le chômage a explosé. Actuellement, 226 000 demandeurs et demandeuses d’emploi sont enregistrés, quand le nombre d’emplois à repourvoir n’est que de 13 000 environ. Cependant, ignorant les chômeurs et chômeuses d’une manière inimaginable, l’UDC, les radicaux et les démocrates-chrétiens viennent de décider un démantèlement encore inédit en Suisse des prestations de l’assurance-chômage. Une méthode à la hussarde que justifieraient les actuels déficits de cette assurance ; tout cela, sur fond d’une rengaine trop souvent entendue durant ces débats, selon laquelle notre assurance-chômage serait trop attractive, ce qui poserait problème.

Cette polémique menée sur le dos des personnes concernées est injuste et même surréaliste. Le chômage est synonyme de perte de 20 % du revenu en cas d’obligations familiales, de 30 % dans le cas contraire. En quoi est-ce « attractif » ? Vu l’ampleur du chômage, il n’est pas si simple non plus de retrouver rapidement un nouvel emploi. En tant que secrétaire syndical, je suis chaque jour en contact avec des entreprises de l’industrie qui, étant donné la situation économique tendue, décident de geler les embauches, de ne pas remplacer les départs, d’introduire le chômage partiel, voire de licencier. Ce qui rend l’accès du monde au travail nettement plus ardu, spécialement pour les jeunes ayant terminé leur scolarité ou un apprentissage.

Un démantèlement social sans pitié

Mais ces Messieurs Dames du Conseil national n’en ont manifestement cure. S’il n’en allait que selon leurs voeux[1], le démantèlement des prestations de l’assurance-chômage se présenterait sous la forme du multipack suivant :

  1. À l’avenir, une période de cotisation de 12 mois ne donnera plus droit qu’à 260 indemnités journalières au lieu de 400 comme aujourd’hui.
  2. Seules les personnes ayant cotisé durant 18 mois d’affilée auront désormais droit au maximum de 400 indemnités journalières, cette durée étant actuellement de 12 mois ; en outre, ces personnes devront être âgées de plus de 30 ans ou avoir des obligations familiales.
  3. Les personnes âgées de moins de 30 ans et n’ayant pas d’obligations familiales n’auront plus droit qu’à un maximum de 260 indemnités journalières, celles de moins de 25 ans à 130 indemnités seulement.
  4. Les jeunes chômeurs et chômeuses sans obligations familiales âgés de 30 ans ou moins devront accepter tout emploi, quelle que soient leurs aptitudes ou leur expérience professionnelle.
  5. Pour les plus de 55 ans, le droit à 520 indemnités journalières ne naîtra qu’après une période de cotisation de 24 mois, contre 18 à ce jour.
  6. Les chômeurs et chômeuses de longue durée seront également punis : par 93 voix contre 88, le Conseil national s’est prononcé pour une réduction de leurs indemnités. Après une période d’indemnisation de 260 jours, le montant de leurs indemnités baissera de 5 %, une nouvelle baisse de 5 % étant prévue après le versement de 330 indemnités.
  7. Le droit aux indemnités des « personnes libérées de l’obligation de cotiser » sera réduit à 90 jours. Cela concerne par exemple les jeunes qui ne trouvent pas d’emploi une fois leurs études terminées ou les femmes dont la durée de cotisation est insuffisante, suite à une maternité, ou qui doivent chercher un emploi après le décès de leur conjoint ou une séparation.

Le référendum comme frein de secours

Avec ces décisions, le Conseil national biffe des prestations de l’assurance-chômage pour un montant de 700 millions de francs, sans pour autant créer le moindre emploi. Les coupes réalisées dans les indemnités journalières auront au contraire pour effet qu’en Suisse, encore plus de personnes dépendront de l’aide sociale. C’est indigne pour les personnes concernées. Il s’agira là aussi d’un énorme transfert de coûts vers les communes. Cette révision, trop unilatérale, punit les chômeurs et chômeuses alors qu’il n’y peuvent mais. Or aujourd’hui, pendant la plus grande crise depuis des décennies, la Suisse a précisément besoin d’une assurance-chômage qui soit forte et serve des prestations de qualité. Pour les personnes concernées, mais aussi pour stabiliser l’activité économique. Si ce projet de révision reste en l’état, un frein de secours devra inévitablement être actionné sous la forme d’un référendum. Ensuite, le peuple pourra mettre le holà à cet injuste démantèlement social !


[1] Le Conseil national, qui a été la deuxième Chambre à s’occuper de cette révision, a même décidé de durcir encore plus le projet – de fait déjà inacceptable – adopté par le Conseil des États. La procédure d’élimination des divergences entre les deux Chambres devrait avoir lieu lors de la session parlementaire du printemps 2010.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
Top