« C’est un pas de géant que le Conseil des États vient de faire avec l’AVS »

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Décisions du Conseil des États concernant « Prévoyance vieillesse 2020 », interview de Paul Rechsteiner, président de l’USS

Le Conseil des États veut augmenter les rentes de l’AVS, mais maintient le relèvement de l’âge de la retraite des femmes et la baisse du taux de conversion dans le 2e pilier. La hausse des rentes AVS est-elle suffisante pour que les syndicats avalent ces énormes couleuvres ?

Paul Rechsteiner : Les syndicats sont opposés au relèvement de l’âge de la retraite des femmes ainsi qu’à la baisse du taux de conversion. Malgré mon opposition et celles de quelques autres, le Conseil des États a maintenu ces points. Les syndicats ne dresseront toutefois leur bilan qu’à la fin des délibérations parlementaires pour trancher sur la question d’un référendum. En tant que conseiller aux États qui a fortement influencé ce projet, j’ai déjà dû prendre position. En fin de compte, ce qui a été déterminant pour moi, c’est que nous avons pu empêcher tous les reculs qu’auraient subis les rentiers et rentières actuels et compenser judicieusement ceux qui toucheront les générations futures.

Le compromis est donc acceptable ?

Les propositions du Conseil fédéral auraient affaibli l’AVS. Celui-ci voulait remettre en question la compensation du renchérissement et libérer partiellement la Confédération du financement de l’AVS. Tous ces points négatifs ont été éliminés. Les actuels retraité(e)s se retrouvent comme si nous avions gagné un référendum. Parallèlement, le financement de l’AVS sera garanti jusqu’en 2030. Un autre point positif est que la baisse du taux de conversion sera largement compensée dans le 2e pilier, entièrement pour les personnes actuellement âgés de 47 ans et partiellement pour les plus jeunes. De plus, pour la première fois depuis 20 ans, les rentes de l’AVS seront améliorées. 840 francs de plus par année pour les personnes vivant seules et plus de 2 700 pour les couples. C’est vraiment un bon aboutissement. Négatifs, les signes avant-coureurs du projet sont désormais positifs. C’est pour cela que j’ai soutenu ce résultat.

Le Conseil des États ne veut relever que les rentes des nouveaux retraité(e)s. Les actuels retraité(e)s n’ont-ils pas, eux aussi, besoin d’une hausse de leurs rentes ?

Notre initiative AVSplus demande une hausse des rentes aussi pour les actuels retraité(e)s. Après 20 ans, une amélioration serait en effet à nouveau nécessaire. Mais le Conseil des États ne l’a pas voulu. Toujours est-il que, à part en ce qui concerne l’âge de la retraite des femmes, il a renoncé à tous les autres points négatifs concernant les actuels retraité(e)s. Qui veut que les rentes de tout le monde soient améliorées doit s’engager pour l’initiative populaire. Elle a déjà eu beaucoup plus d’effets que toutes les autres initiatives. Elle a brisé le tabou selon lequel l’AVS ne saurait aucunement être améliorée. Que le Conseil des États table à nouveau sur l’AVS est un pas de géant. Si le projet restait en l’état, ce serait là un premier succès d’AVSplus.

Le PRL et l’UDC veulent toutefois faire échouer la solution du Conseil des États et combattre la hausse des rentes AVS. Selon eux, ces hausses seraient « totalement à côté de la plaque », « inacceptables », voire « paradoxales » à cause de l’évolution démographique. Que réponds-tu à ces critiques ?

Les milieux qui argumentent de la sorte sont restés à l’ère Couchepin : ils veulent détériorer les rentes. Je leur recommande de suivre un cours de base sur le fonctionnement de l’AVS. Ils n’en ont en effet pas compris quelques aspects élémentaires de son financement. Or, l’AVS possède le meilleur mode de financement possible de tous les systèmes de prévoyance vieillesse, un mode de financement qui permet de financer les coûts induits par l’augmentation de l’espérance de vie et du nombre des retraité(e)s. Le principe est simple. Tout le monde doit verser des cotisations sur la totalité de son salaire, mais la rente de la personne qui paie des cotisations sur un revenu d’un million de francs ne sera pas supérieure à celle de la personne qui a un revenu moyen. L’évolution économique et, de ce fait, la hausse des salaires profitent entièrement à l’AVS. C’est cela qui est déterminant pour son financement, pas le nombre de personnes actives par retraité(e), un rapport qui a effectivement diminué depuis la création de l’AVS. Sans ce mode de financement génial, il n’aurait pas été possible de ne jamais relever les cotisations salariales destinées à l’AVS, alors que le nombre des bénéficiaires de l’AVS est passé de 900 000 à 2,1 millions, c’est-à-dire doublait presque depuis 1975. Seul un petit pour-cent de TVA a été ajouté.

Les rentes des jeunes ne sont donc pas menacées, comme ne cessent de nous l’expliquer de soi-disant experts ?

Non. Il est précisément dans l’intérêt des jeunes que l’AVS soit renforcée. En effet, s’il n’y avait pas d’AVS, ils devraient, premièrement, à nouveau s’occuper directement de leurs parents, ce qui créerait des liens de dépendance mutuelle difficiles entre jeunes et moins jeunes. Deuxièmement – et c’est encore plus important –, si l’AVS n’existait pas, les jeunes devraient se constituer leur prévoyance vieillesse au plan privé, ce qui serait beaucoup plus cher. L’AVS est la forme de prévoyance vieillesse la plus avantageuse. Pour les gens à bas et moyens revenus, le rapport prix/prestations est imbattable.

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

Première secrétaire adjointe

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