À qui profiterait vraiment un échec de Prévoyance vieillesse 2020 ?

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Écrit par Anne Rubin

Clairement à l'UDC, à la droite libérale et à l'Union patronale suisse. Mieux vaut couler toute la révision plutôt que renforcer l’AVS, telle est leur devise.

Le renforcement de l'AVS donne des boutons à l'UDC, à la droite libérale et à l'Union patronale suisse. Elles préfèrent tout faire capoter que devoir accepter les 70 francs.

C'est avec exactement le nombre nécessaire de voix, 101, que le Conseil national a adopté la réforme Prévoyance vieillesse 2020. À une voix près, le travail de cinq années aurait été réduit à néant. L'Union patronale et ses soutiens de la droite, qui se sont battus avec acharnement jusqu'à la dernière minute contre ce projet, n'acceptent pas leur défaite. Ils veulent donc couler Prévoyance vieillesse 2020 dans les urnes, le 24 septembre. Ils se frotteraient définitivement les mains, car ce n'est un secret pour personne : pour des raisons profondément idéologiques, ils préféreraient un nouvel échec de la réforme de la prévoyance vieillesse afin de pouvoir imposer leur vision. Quelques années de déficits supplémentaires de l'AVS ouvriraient une voie royale à l'augmentation de l'âge de la retraite à 67 ans pour tous et toutes ainsi qu'à la réduction des prestations dans un premier temps, puis à l'étouffement progressif du premier pilier au profit d'une capitalisation privée.

La retraite version UDC ? Capitalisation !

Lors de son congrès extraordinaire du 4 mars 2000, l'UDC revendiquait déjà la transformation de l'AVS en un système de retraites par capitalisation : exit le système de financement solidaire par répartition. Le parti souhaite depuis longtemps privatiser les assurances sociales et individualiser la prévoyance-vieillesse. De solidarité dans la prévoyance vieillesse, l'UDC n'en veut point, même pas pour ses paysans. Un bonus dans l'AVS est son pire cauchemar, le bâton dans les roues de sa philosophie du moins d'État.

L'UDC bâlois Sebastian Frehner poussait d'ailleurs des cris d'orfraie pendant le débat final au Parlement, estimant que le système des trois piliers serait " déséquilibré ", si on privilégiait le premier pilier. Rarement un projet aura rendu l'UDC aussi agressive. Plus tard, sur les ondes de la Radio romande, le conseiller national UDC Raymond Clottu déclarait qu'il serait carrément " injuste " que des personnes qui n'ont pas ou peu cotisé au 2e pilier - beaucoup de femmes, de paysans, de petits indépendants - reçoivent un bonus AVS. Mieux vaut faire couler toute la révision plutôt que renforcer l'AVS, telle est la devise de l'UDC.

Rien de bien nouveau en soi. Dans les années 1940 déjà, soit dès les débuts de l'AVS, les patrons, le milieu de la finance et la droite faisaient tout pour maintenir les rentes à un niveau aussi bas que possible, car plus les rentes sont basses, plus les affaires que les banques et les assurances réalisent avec la prévoyance vieillesse sont grasses. Hans Sulzer, le président de l'organisation devenue  economiesuisse, déclarait en 1945 que l'AVS était le " premier stade de la dictature " (sic !). Et n'oublions pas que le système de répartition de l'AVS prive les spéculateurs d'argent parce que les jeunes paient directement les rentes des moins jeunes, au lieu de placer les capitaux sur les marchés financiers.

Dans le lit de l'UDC

Depuis les élections de 2015, l'Union patronale suisse (UPS) marche en outre main dans la main avec l'UDC. L'Union patronale veut réduire le rôle de l'État et des institutions sociales au minimum vital. Et favoriser l'épargne individuelle. Et par là-même les banques et les assurances. Le financement solidaire de l'AVS n'a jamais plu à l'organisation patronale. Son vice-président, Jean-Marc Probst, estime qu'"un gonflement des prestations de l'AVS n'est pas concevable". Tout sauf renforcer l'AVS. La solution sortie du chapeau en dernière minute au Parlement par Martin Kaiser (UPS) était aussi de cet ordre-là. Une solution qui aurait démesurément augmenté les cotisations au 2e pilier et aurait coûté beaucoup plus cher. Rien d'étonnant de la part de l'homme qui a clairement déclaré que les patrons feraient échouer la réforme si les 70 francs n'étaient pas abandonnés.

Arrière-garde idéologique

Le bloc bourgeois semble donc oublier toute règle arithmétique quand le spectre d'une AVS forte est brandi. C'est la fameuse "ligne rouge à ne pas franchir" de la PLR Isabelle Moret. Une ligne qui s'appuie sur une solide arrière-garde d'idéologistes. Le think tank Institut libéral prône par exemple la disparition de l'AVS pour des raisons éthiques et économiques ainsi que la libéralisation du 2e pilier. "Comment s'offrir une retraite sans AVS, ni 2e pilier?", titrait au sujet de cette thèse Emanuel Garessus (Le Temps), dont on connaît les penchants libéraux. Le directeur de l'Institut libéral, Pierre Bessard, y qualifie l'AVS "d'impôt" mais "non de facteur de solidarité puisque cette dernière est volontaire et individuelle". De là à ce que l'UDC qualifie les cotisations AVS d'impôt, il n'y a qu'un pas! Quant à Avenir Suisse, l'autre groupe de réflexion libéral, il prône depuis longtemps la retraite à 67 ans comme étant "la seule solution" envisageable. Une rengaine dont Pascal Couchepin se faisait déjà le chantre en 2004. Et qui sera plus facile à imposer si la réforme actuelle ne passe pas.

Le comble de l'hypocrisie

Mais la palme de l'hypocrisie dans ce débat revient à Isabelle Moret qui se fait soudain la défenderesse des femmes avec l'argument fallacieux de la caissière qui payerait la rente de M. Berset. Alors que justement, en renforçant l'AVS pour la première fois depuis des décennies, en lui assurant une stabilité financière, on s'assure aussi que M. Berset et d'autres gros salaires continuent à verser des montants élevés dans l'AVS pour financer la rente améliorée de la caissière. Et c'est bien ça qui fait mal au ventre au bloc bourgeois. Le même bloc bourgeois, UDC en tête, qui freine des quatre fers toute mesure concrète en faveur de l'égalité entre hommes et femmes. Car un refus de la réforme ne fera pas avancer l'égalité salariale.

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

Première secrétaire adjointe

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