1er Mai 2009 : Après l’échec du néolibéralisme, réorientons la politique salariale et fiscale, ainsi que la sécurité sociale

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Écrit par Paul Rechsteiner

La grande crise économique mondiale a commencé à frapper de plein fouet l’économie suisse. Certes, les effets n’en sont pas encore visibles dans toute leur ampleur, car le marché intérieur fonctionne encore bien et de nombreuses entreprises ont, à juste titre, d’abord choisi d’appliquer le chômage technique pour faire face à la baisse de leurs commandes. Toutes les prévisions montrent cependant que la Suisse devra faire bientôt face à un chômage d’un niveau encore jamais atteint à ce jour. Si rien n’est fait rapide-ment et avec détermination, si aucun effort significatif n’est déployé pour redresser la barre, les conséquences sociales et économiques qui en résulteront seront catastrophiques

Malheureusement, le Conseil fédéral, emmené par un président qui conçoit son rôle d’abord comme celui d’un larbin des dirigeants de l’UBS, n’a toujours pas compris quel est l’enjeu de cette crise pour l’économie et les emplois suisses. Si, au mépris de toutes les règles démocratiques, il a été décidé de consacrer 68 milliards de francs pour sauver l’UBS – soit 10 000 francs par habitant(e), nourrissons et nobles vieillards compris -, la lutte contre le chômage nécessite aujourd’hui que l’on procède  à des investissements substantiels. La constitution fédérale oblige expressément les autori­tés à combattre le chômage. Pour la politique économique de la Confédération, le troisième pro­gramme conjoncturel sera le défi décisif de ces prochains mois. D’une part, il devra avoir pour effet de renforcer le pouvoir d’achat dès le début 2010. Les augmentations des primes des caisses-mala­die sont un des principaux problèmes à résoudre ; elles devront être compensées au moyen d’un train de mesures sociales. D’autre part, un important programme d’investissement s’impose. Sinon, et cela est déjà prévisible aujourd’hui, les cantons et les communes vont couper dans leurs budgets, car leurs recettes seront en recul à cause de la crise ; ce qui aura des effets funestes pour la crise, l’aggravant encore plus. C’est maintenant que l’on doit donner une nouvelle orientation pour mettre en place une politique offensive dirigée contre la crise.

La sécurité sociale aussi devra se donner de nouvelles orientations importantes. À la différence fon­damentale de la crise années 30, nous disposons aujourd’hui d’assurances sociales performantes. En période de crise, c’est l’assurance-chômage qui est appelée à relever les plus grands défis. Au lieu de limiter, voire de diminuer les droits à ses prestations, il faut, en raison de la gravité de la si­tuation actuelle, prolonger la durée de perception des indemnités journalières à 520 jours et en re­lever le montant de 10 pour cent. Cela améliorera la couverture sociale et renforcera le pouvoir d’achat de celles et ceux qui en ont un besoin urgent. La crise n’a en effet pas été causée par les personnes concernées ou menacées par le chômage et leurs familles. Les coupables, ce sont au contraire ces managers irresponsables du secteur financier et leurs idéologues néolibéraux dont l’incapacité force maintenant l’État à intervenir. Le principe d’une certaine justice demande aussi que les hauts revenus participent plus aux frais de l’assurance-chômage. Nous exigeons que les parts de revenus supérieures à 126 000 francs paient 2 pour cent de cotisation à cette dernière, ce qui représentera une contribution substantielle à ses coûts.

La défense des rentes est aussi le mot d’ordre du moment. L’enjeu du référendum contre la baisse du taux de conversion LPP, ce sont les rentes de la part obligatoire du 2e pilier, des rentes indispen­sables au maintien du niveau de niveau de vie. Une autre conclusion importante à tirer de la crise des marchés financiers est le renforcement nécessaire de l’AVS ; l’AVS est en effet économiquement beaucoup plus performante que les autres formes de prévoyance et, de plus, financée selon le prin­cipe de la répartition. Les syndicats combattront par la voie référendaire le projet de démantèlement social que représente la nouvelle mouture de 11e révision de l’AVS s’il devait définitivement passer la rampe des Chambres. En lieu et place d’un démantèlement de l’AVS, il faut à nouveau s’atteler à améliorer en termes réels les rentes de cette dernière. C’est précisément parce que le 2e pilier est en crise, qu’il y a lieu de développer, et non pas démanteler, le 1er.

La sécurité sociale n’est cependant pas le seul élément déterminant de ces nouvelles réorientations nécessaires auxquelles doit mener la lutte pour une meilleure répartition des revenus, plus de justice sociale et la disparition des excès des plus riches. La politique salariale et la politique fiscale ont aussi à jouer un rôle de premier plan. En politique salariale, il faut, d’une part, atteindre dans les faits les objectifs fixés en matière de salaires minimaux, à savoir : 3500 francs par mois pour les personnes sans formation et 4500 pour celles qui sont formées. D’autre part, il faut fixer pour les entreprises aux mains des pouvoirs publics, y compris pour la Poste et Swisscom, un nouveau pla­fond salarial de 500 000 francs à l’intention des cadres. On ne peut justifier à aucun titre que les dirigeants des entreprises publiques gagnent nettement plus que les membres du Conseil fédéral. Si les pouvoirs publics plafonnaient les salaires des cadres à 500 000 francs, ce serait un signal fort pour la politique salariale des entreprises privées. Une autre mesure contre les excès salariaux - me­sure dont la réalisation n’a que trop attendue - est de soumettre à l’impôt sur les bénéfices les parts de revenus supérieures à un million de francs.

Somme toute, la politique fiscale doit faire en sorte que les hauts revenus et les grandes fortunes supportent à nouveau leur part de charge fiscale. Pour ce faire, il convient d’abord mettre le holà aux projets de notre ministre des Finances, des projets qui ont tous pour seul et unique but d’alléger la charge fiscale de ceux « d’en haut » en alourdissant celle de ceux « d’en bas ». Les projets simi­laires développés dans certains cantons doivent aussi être stoppés. Au lieu d’affaiblir la progressivité de l’impôt, il faut la renforcer à tous les niveaux. L’introduction d’un impôt fédéral sur les succes­sions - avec franchise - y contribuera.

Finalement, il faut mettre un terme à la politique erronée de libéralisation et privatisation des servi­ces publics. Ces projets n’apportent que des désavantages à la population et aux salarié(e)s. Les ré­centes décisions du Conseil fédéral concernant la Poste montrent que, dans sa composition actuelle, celui-ci n’a pas encore commencé, après le fiasco de l’idéologie néolibérale, à voir les choses dif­féremment, comme il aurait dû le faire depuis longtemps. Un gouvernement qui, au lieu de désigner les causes de la crise économique et financière brutale que nous vivons, continue à diffuser et appli­quer les recettes inefficaces du néolibéralisme est lui-même un élément du problème et non de sa solution.

Le 1er Mai est le seul jour fêté dans le monde entier depuis plus d’un siècle. Né il y a 120 ans grâce à un mouvement de jeunes hommes et femmes, il rappelle l’importance de la dignité des travailleu­ses et des travailleurs, ainsi que les revendications en faveur de la justice sociale. À une époque où certains s’enrichissent de manière éhontée, alors que d’autres se trouvent plongés dans la détresse sociale, ces revendications n’ont pas perdu de leur importance. L’Histoire nous montre que la force des syndicats est déterminante si l’on veut que la situation économique et sociale soit équitable. Cela implique, d’une part, des conventions collectives de travail de qualité et des assurances sociales performantes et, de l’autre, que la Suisse se dote d’une protection contre les licenciements antisyndi­caux efficace et enfin conforme aux normes internationales appliquées en matière de droits hu­mains. Après l’échec du néolibéralisme, nous avons désormais besoin de nouvelles orientations qui nous conduisent à plus de justice sociale.

Responsable à l'USS

Gabriela Medici

Première secrétaire adjointe

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