Une bouée pour la formation supérieure menacée de naufrage

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Écrit par Véronique Polito

Contre-projet à l’initiative sur les bourses



Le Parlement discutera prochainement d’un projet de loi visant à renforcer les aides à la formation au niveau tertiaire. Si les diverses améliorations proposées passent le cap, cette loi pourrait donner un coup de pouce bienvenu à un domaine mis sérieusement à mal par le vote « contre l’immigration de masse ». Ceci tout en ouvrant de nouvelles perspectives pour la formation professionnelle.

Depuis la votation « sur l’immigration de masse », les mauvaises nouvelles n’ont cessé de s’accumuler. Tout particulièrement dans le domaine de la formation supérieure. L’annonce par l’Union européenne de la suspension des négociations pour les programmes d’échanges Erasmus+ et de recherche Horizon 2020 a fait l’effet d’un électrochoc. Peu de citoyens ont réalisé qu’un OUI à l’initiative isolationniste allait avoir des conséquences bien au-delà des questions de migration.

Un véritable auto-goal

Et pourtant : cette votation aura des conséquences incalculables dans des domaines vitaux pour la Suisse, y compris celui de la formation. En effet, pour faire face à l’essor exceptionnel de l’emploi ces derniers dix ans (+13% d’emplois plein temps), la Suisse a fait appel à de nombreux travailleurs très qualifiés en provenance des pays voisins, la plupart titulaires de diplômes du degré tertiaire. La Suisse a donc profité d’un formidable effet de « brain drain » au dépend de ses voisins européens. Grâce à lui, elle a pu freiner considérablement ses investissements dans la formation initiale et l’enseignement supérieur… tout en profitant largement des programmes de l’Union Européenne pour développer son secteur de la recherche et de l’innovation !

Il est clair que pour les travailleurs qualifiés européens, la Suisse va perdre en attractivité. Les chicanes administratives pour obtenir le regroupement familial risque de décourager plus d’un chercheur et plus d’un médecin. Pour ces personnes, les perspectives au sein de la communauté européenne ne manqueront pas. La Suisse va donc se trouver le dos au mur avec principalement deux options : d’une part, investir elle-même massivement dans la formation et l’éducation, d’autre part, élargir progressivement son bassin de recrutement aux pays extra-européens.

Un malaise grandissant chez les professionnels

Paradoxalement, bien qu’elle ne parvienne pas à former les spécialistes dont elle a besoin, la Suisse se targue d’avoir un des meilleurs systèmes au monde, notamment grâce à sa formation professionnelle. Or, celle-ci a énormément perdu en attractivité. Pour une raison bien simple : les jeunes sont de plus en plus conscients qu’un apprentissage ne garantit plus aujourd’hui un salaire décent et la perspective de fonder une famille dans la dignité.

C’est pourquoi, aujourd’hui beaucoup de jeunes professionnels essaient de poursuivre leur formation après l’apprentissage. Il se trouve que ces personnes, qui proviennent souvent de milieux plutôt modestes, obtiennent rarement un soutien financier pour accéder à la formation professionnelle supérieure. Malgré des taxes généralement très élevées, seulement 3 % bénéficient d’une aide à la formation (bourse ou prêt), contre 8% en moyenne. Or, la poursuite d’une telle formation s’accompagne de sacrifices personnels et financiers très importants. D’autant plus que les personnes concernées sont souvent dans une phase de leur vie où ils assument déjà des responsabilités familiales.

Le contre-projet sur les bourses : une chance de rattrapage

Ce manque général de reconnaissance et ce sentiment d’injustice ressenti par nos professionnels est une des causes du malaise qui a conduit au vote-sanction du 9 février. Durant le mois de mars, le Parlement aura une première chance de se rattraper : on lui soumettra, un projet de révision de la loi sur les aides à la formation en guise de contre-projet à l’initiative sur les bourses de l’Unes. À cette occasion, le Parlement aura la possibilité de :

·         lier le soutien de la Confédération au respect par les cantons des montants d’aide minimaux fixés dans le concordat intercantonal ;

·         augmenter significativement les contributions fédérales afin de renforcer l’effet incitatif sur les cantons, en favorisant particulièrement ceux qui sont généreux en matière d’aide à la formation ;

·         prévoir des aides fédérales directes pour répondre par exemple aux besoins spécifiques de la formation professionnelle supérieure ou aux besoins urgents de personnel qualifié dans certaines branches (santé notamment).

Si ces trois volets devaient passer la rampe du Parlement, la nouvelle loi sur les aides à la formation pourrait être considérée comme un contre-projet sérieux à l’initiative sur les bourses de l’Unes. En offrant de nouvelles perspectives de développement, notamment en faveur de la formation professionnelle, elle pourrait contribuer à réduire les inégalités entre les voies de formation et ainsi à mieux répondre aux divers besoins de personnel qualifié.

Responsable à l'USS

Nicole Cornu

Secrétaire centrale

031 377 01 23

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