Des voies pour l’avenir praticables

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Écrit par Peter Sigerist

En matière de travaux sur la formation, la Belle au bois dormant est désormais sortie de son sommeil. Plusieurs publications récentes - malheureusement surtout en allemand -, dont des rapports de l’OCDE développent des thèses qui seraient encore à travailler. Le défi le plus difficile à relever est le suivant : comment la formation surmontera-t-elle la crise qui frappe le marché des places d’apprentissage ? Ci-après une vue d’ensemble non exhaustive.

Jusqu’à tout récemment, la formation professionnelle était le parent pauvre de la recher­che dans ce domaine en Suisse. Ce qui reflète le peu de considération que lui accorde l’élite « académique ». Ces dernières années, les choses ont commencé à bouger un peu.

L’OCDE découvre la formation professionnelle duale

Désormais, l’OCDE s’intéresse plus aux systèmes duaux de formation professionnelle. Ce printemps, elle a publié deux rapports à ce sujet sur la Suisse.

L’OCDE donne de bonnes notes à notre système dual de formation professionnelle, tout en en montrant clairement les limites. Son rapport sur la Suisse souligne en particulier les effets négatifs de l’actuelle crise économique sur le marché des places d’apprentissage. L’OCDE recommande à notre pays, en cas d’échec du marché, d’éviter un rationnement de la formation principalement en créant plus d’offres publiques. Toujours selon elle, durant la crise, les entreprises formatrices devraient bénéficier d’incitations financières limitées dans le temps. En particulier, les administrations publiques devraient renforcer leur engagement et la Suisse créer plus d’offres de formation professionnelle à plein temps (écoles des métiers) financées par les pouvoirs publics ; ce, au moins jusqu’à la prochaine reprise.

Ces recommandations se retrouvent dans une étude récente où sont comparés les systè­mes de formation professionnelle hollandais et suisse. Une étude qui souligne les criti­ques faites depuis longtemps par l’Union syndicale suisse (USS) ; ce qui donne plus de poids aux propositions de cette dernière.

Rudolf  Strahm : très intéressant, mais trop idéalisé

Dans « Warum wir so reich sind » (« Pourquoi nous sommes si riches »), Rudolf Strahm explique la répartition inégale des richesses avant tout par la formation professionnelle duale, tout en relativisant cependant immédiatement, voire explicitement, cette explica­tion par une seule cause. En outre, les années 90 ont montré qu’en Suisse aussi, la forma­tion professionnelle duale a dérapé vers un chômage des jeunes deux fois plus élevé que la moyenne, comme à l’étranger. Il s’agit en outre de prendre en compte le fait qu’entre temps, un jeune sur cinq ayant terminé sa scolarité obligatoire se retrouve dans les files d’attente des solutions transitoires, majoritairement financées par des fonds publics ou l’assurance-chômage. De plus, plusieurs milliers de jeunes n’apparaissent dans aucune statistique. L’ouvrage de Rudolf Strahm est utile, engagé et critique. La formation profes­sionnelle suisse en profitera, si elle n’est pas inutilement idéalisée.

Le renforcement des inégalités

La contribution de Thomas Meyer (« Rapport social 2008 ») prouve de manière impres­sionnante à quel point, en matière de formation, la sélection joue un rôle déterminant dans notre pays. Le problème des migrant(e)s renvoie, quant à lui, à la répartition de no­tre société en différentes couches sociales et aux inégalités aggravées par la pénurie mar­quée et persistante de places de formation au niveau secondaire II.

Dans l’« Almanach social 2009 » de Caritas, Ernest Albert met en garde contre les désa­vantages entraînés par une attitude consistant à s’orienter de manière rigide en fonction de la norme selon laquelle les systèmes de formation et de création de relève doivent s’adapter aux besoins des employeurs. Le débat lancé dans « 75 Jahre eidg. Berufsbil­dungsgesetz » montre que le système suisse de formation professionnelle s’est développé historiquement, ce qui explique et ses points faibles et ses atouts. La contribution de Martina Späni aboutit à des conclusions similaires. Enfin, dans leur contribution, Iten et Schulthess constatent qu’aujourd’hui, les jeunes chômeuses et chô­meurs bénéficient de moins de solidarité et de considération que dans les années 30.

Ces prochains mois et ces prochaines années, le système dual de formation profession­nelle sera à nouveau soumis à l’épreuve d’une crise ; cela, après une brève et faible re­prise de l’offre de places d’apprentissage. Aujourd’hui cependant, nous savons mieux ce qu’il convient de faire. Mais que cela se fasse ou non dépend de la volonté politique des principaux acteurs, dont les jeunes eux-mêmes font partie. Il ne serait pas surprenant que, après cette très longue traversée du désert, si l’offre de place d’apprentissage recule à nouveau, une part au moins des jeunes se rappelle qu’elle est capable de se mobiliser en conséquence.

Bibliographie sélective

 

  • Bauder T. et Osterwalder F. (éd.) : « 75 Jahre eidg. Berufsbildungsgesetz », hep, 2008
  • Caritas (éd.) : « Almanach social 2009 »
  • Criblez L. : « Bildungsraum Schweiz » Haupt, 2008
  • Gemperle M. et Streckeisen P. (éd.) : « Ein neues Zeitalter des Wissens », Seismo, 2007
  • Hollenstein H. et Stucki T. : « Determinanten des Angebots an Lehrstellen », KOF/EPFZ Analysen, printemps 2009
  • Iten K. et Schulthess A. : « Le chômage des jeunes hier et aujourd’hui : La méfiance éclipse la solidarité et l’estime » in Panorama 1/09, Berne 2008 (renvoie au travail de diplôme des mêmes sur le chômage durant la crise économique des années trente, HES en travail social de Berne)
  • OCDE, études de cas de différents pays dans le domaine de la formation professionnelle : « Learning for Jobs. OECD Policy Reviews of Vocational Education and Training », avril 2009 (actuellement en anglais sur Internet, le français devant sortir en été ; lien direct sur le site de l’Office fédéral de la for­mation professionnelle et de la technologie : www.bbt.admin.ch / International ; sur la même page, le lien vers la nouvelle étude de l’OCDE (pour l’heure en anglais) sur la force d’innovation de la forma­tion professionnelle « Systemic Innovation in Vocational Educational and Training »)
  • Rauner Felix : « Steuerung der beruflichen Bildung im internationalen Vergleich », Bertelsmann Stif­tung, 2008
  • Strahm Rudolf : « Warum wir so reich sind », hep, 2008
  • Suter et al. (éd.) : « Rapport social 2008 », Seismo, 2009
  • Zulauf Madeleine : « École à plein temps : comparaison entre la Suisse et les Pays-Bas », in Panorama 2/2009

Responsable à l'USS

Nicole Cornu

Secrétaire centrale

031 377 01 23

nicole.cornu(at)sgb.ch
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