Investir dans les tâches d’assistance et de soins au lieu de baisser les impôts

  • Égalité des sexes
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Écrit par Regula Bühlmann, secrétaire centrale de l’USS/fq

La bonne réponse pour créer des emplois

La réponse néolibérale habituelle aux crises économiques et au chômage, c'est de baisser les impôts. Mais la manière de toute évidence la meilleure pour créer des emplois, ce sont les investissements, dont les effets seraient le plus sensible dans le domaine des tâches d'assistances et de soins (" care ", soit " l'économie des soins "). Une nouvelle étude de la Confédération syndicale internationale (CSI) le prouve.

Les baisses d'impôt se traduisent par une baisse des recettes des pouvoirs publics, auxquelles on réagit en prenant des mesures d'austérité, qui débouchent sur des suppressions d'emplois. Que pareil démantèlement soit compensé parce que les gens ont plus d'argent, puisque leurs impôts ont diminué, est tout sauf certain.

La voie la plus efficace : investir dans l'économie des soins

Selon une récente analyse de la CSI concernant l'Australie, le Danemark, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, la Grande-Bretagne et les États-Unis, il existe des moyens plus efficaces que les baisses d'impôt pour sortir de la crise. En se basant sur des modélisations, les auteur(e)s de cette étude montrent que les investissements dans l'économie des soins, soit l'assistance et la prise en charge d'enfants ou d'adultes dépendant de soins, constituent l'instrument le plus efficace pour créer des emplois. Si 2 % du PIB des sept pays de l'OCDE précités étaient investis dans l'économie des soins, des emplois seraient créés dans ce secteur, mais aussi chez les sous-traitants, ainsi que - vu la hausse entraînée du revenu des ménages - dans d'autres secteurs encore. La croissance de l'emploi induite, de 2,4 à 6,1 %, est même plus élevée que celle que provoqueraient les mêmes investissements dans la construction (de 1,6 à 3,8 %).

Les femmes sont les principales gagnantes, mais elles ne sont pas les seules

Les investissements dans l'économie des soins pourraient en outre encourager l'intégration des femmes dans le monde du travail et, ainsi, réduire l'écart salarial entre les sexes. D'une part, plus de femmes que d'hommes travaillent dans ce secteur et, de l'autre, si les tâches d'assistance et de soins effectuées dans le cadre familial étaient davantage prises en charge collectivement dans le cadre de l'économie de soins, les personnes ainsi déchargées auraient la possibilité d'augmenter leurs horaires de travail ou, pour celles qui ne travaillent professionnellement pas, de se lancer dans une activité lucrative. En fin de compte, tous les travailleurs et travailleuses profiteraient des effets positifs de ces investissements. Et l'on assisterait à des créations d'emplois également dans des domaines majoritairement masculins comme la construction, puisqu'il faudrait construire ou aménager les lieux nécessaires à la dispense de ces soins. Les auteur(e)s de l'étude arrivent à la conclusion qu'avec ces investissements la hausse de l'emploi se situerait entre 3,3 et 8,2 % pour les femmes, entre 1,4 et 4 % pour les hommes.

Plusieurs problèmes résolus d'un seul coup

L'analyse de la CSI donne de très bonnes raisons d'investir dans l'économie des soins au lieu de baisser encore plus les impôts, et donc d'espérer que l'argent revienne d'une manière ou d'une autre dans le circuit économique. Mais ce type d'investissement en vaudrait aussi la peine à d'autres égards. On constate aujourd'hui d'importantes lacunes dans l'assistance des personnes dépendantes de soins et des personnes âgées, une assistance toujours plus souvent confiée à des migrantes mal payées. Il nous incombe de prendre des mesures contre cela, si nous ne voulons pas que les " vieux jours tristes " et les soins donnés dans des conditions de travail précaires deviennent une " marque de fabrique " de nos temps modernes. Parallèlement, nous connaissons une pénurie de personnel qualifié qui est aussi imputable au fait qu'en Suisse, pour la majorité des parents, concilier famille et profession est encore un vrai parcours du combattant. En définitive, l'économie et les familles profiteraient des investissements effectués dans une assistance et des soins, dispensés à des adultes et des enfants, qui seraient de toute première qualité et abordables pour tout le monde. Une offensive dans l'économie des soins serait de ce fait une réponse idoine au chômage, aux lacunes dans la prise en charge des personnes dépendantes de soins, aux problèmes de conciliation entre famille et profession et à la pénurie de main-d'œuvre qualifiée. Ne reste plus qu'à passer à l'action.

Responsable à l'USS

Julia Maisenbacher

Secrétaire centrale

031 377 01 12

julia.maisenbacher(at)sgb.ch
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