Simple raisonnable, fixe et plafonné !

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Écrit par José Corpataux

Alors que l’initiative sur les rémunérations abusives était au centre des débats la semaine dernière dans le cadre de la révision du droit des sociétés anonymes, le Conseil des États n’a pas pris le taureau par les cornes. Il est resté extrêmement prudent et passif. Pour l’USS, des mesures sont pourtant nécessaires en matière de rémunération : les bonus en tout genre doivent être abolis et les salaires plafonnés.

Globalement dans la bonne direction…

Rappelons brièvement que plusieurs nouveaux modèles ou systèmes de rémunération sont actuellement proposés et en discussion. Il s’agit en particulier de l’initiative Minder et du projet de la FINMA. Ce dernier ne concerne cependant que les établissements financiers. L’initiative Minder s’intéresse, pour l’essentiel, aux rémunérations et demande l’adoption d’une norme constitutionnelle imposant, en substance : l’élection annuelle du conseil d’administration ; un vote de l’assemblée générale sur la somme globale des rémunérations des organes dirigeants ; l’élection du comité de rémunération par les actionnaires ; l’interdiction des indemnités de départ et la menace de sanctions pénales allant jusqu’à 3 ans de prison en cas d’infractions aux principes précités.

Dans son projet – actuellement en procédure de consultation –, la FINMA, quant à elle, exige que les critères d’attribution des rémunérations variables aux différents secteurs de l'entreprise et collaborateurs ne soient pas tournés vers le court terme. Elle veut éviter ainsi que les collaborateurs gardent l’œil essentiellement sur des indicateurs qui ne soient guère en phase avec le succès économique durable de l’établissement ou qui ne tiennent pas compte des risques courus. À cet effet, les directives prévues par la FINMA sont nombreuses et très détaillées.

Si ces propositions vont globalement dans la bonne direction – puisqu’elles cherchent à réduire les rémunérations excessives, voire abusives et, in fine, les incitations perverses du système actuel –, sont-elles néanmoins vraiment adéquates et suffisantes ? Dans le cadre de l’initiative Minder, la solution se trouve dans le renforcement du pouvoir de contrôle des actionnaires sur les managers. Pour la FINMA, c’est en reliant rémunérations et performances sur le long terme que se résout la question. Indépendamment des difficultés que soulève la question du long terme – l’évaluation des risques à long terme n’est pas chose aisée, l’incertitude y étant particulièrement radicale, au sens de Keynes – comment être sûr, en effet, que la majorité des actionnaires ne souffrent pas soudainement des mêmes vices que les hauts dirigeants et ne répondent pas aux sirènes du court terme ?

… mais ratant l’essentiel !

À aucun moment, par contre, les deux propositions précédemment mentionnées ne semblent vouloir remettre en question le principe même des rémunérations à part variable. Or, et en lieu et place de se noyer dans les directives et les détails, à l’instar de l’initiative Minder et du projet de la FINMA, ne faudrait-il tout simplement pas en finir avec cette politique de rémunération axée sur des options et des bonus qui est devenue un danger pour notre système économique ? À cet égard, et si l’exemple UBS devient un jour - comme arrivera très certainement - un cas d’école, la crise financière récente est une démonstration grandeur nature du caractère inefficace des bonus en tout genre et du fait que cette explosion des hautes rémunérations relève tout simplement d’une captation pure et simple de la richesse par certaines élites dirigeantes.

En bref, l’explosion des salaires des managers n’a jamais été en rapport avec les performances réelles des entreprises mais bien plutôt avec la cupidité de certaines personnes. À notre sens, c’est la logique même d’un système à base de bonus qui ouvre la porte à toutes les tentations, puisqu’elle pousse tout simplement à se servir dans la caisse… La période récente, qui a vu l’explosion des rémunérations, a non seulement été celle des scandales financiers et des crises financières à répétition mais également celle du creusement des inégalités salariales… Inégalités croissantes qui, in fine, n’ont pour seul résultat que de saper la cohésion sociale. Dès lors, nous pensons qu’il est urgent de revenir à un système simple, raisonnable et qui, de surcroît, a déjà fait ses preuves en matière de rémunérations.

C’est pourquoi l’USS se prononce en faveur d’un système de rémunération où les salaires sont fixes et raisonnables, et ceci en lieu et place de bonus sous forme d’options et d’actions. De plus, elle souhaite soit un plafonnement des hauts salaires – aucun salaire ne devrait excéder les 500'000 francs par an, en particulier s’agissant des entreprises publiques –, soit que des mesures fiscales soient prises afin d’éviter toute nouvelle dérive des salaires. Dans cette dernière optique, les parts de revenus supérieures au million de francs devraient être soumises à l’impôt sur les bénéfices.

 

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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