Les remèdes efficaces contre les inégalités croissantes : des correctifs politiques et des syndicats forts !

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Écrit par Paul Rechsteiner

Rapport sur la situation financière des travailleurs et travailleuses en Suisse

L’étude publiée par l’Union syndicale suisse à l’occasion du 1er mai 2013 (« Pressions sur les salaires et répartition injuste ») résume de manière précise les principales données concernant la situation économique et sociale de la Suisse. Dans le secteur des hauts et des très hauts revenus, le nombre de millionnaires (et de demi-millionnaires) ne cesse d’augmenter. Ceux-ci réclament pour eux-mêmes une part toujours croissante de la masse salariale. Dans le même temps, ils s’affranchissent toujours plus de leur responsabilité sociale. Exemple : les privilèges fiscaux en hausse accordés aux hauts et très hauts revenus et patrimoines. Ces privilégiés vivent dans leur bulle à l’écart du monde, auquel ils entendent de surcroît imposer de nouvelles règles antisociales, en démantelant par exemple l’Etat social.

Par ailleurs, les salaires réels de la grande majorité de la population, qui dispose de faibles et moyens revenus, n’ont que peu augmenté ces dix ou quinze dernières années. Le tableau est encore plus sombre si l’on tient compte de l’évolution des principaux postes de dépenses. La hausse des dépenses de logement et de santé contraste fortement avec la modeste augmentation des revenus. Le bilan est encore plus catastrophique si l’on prend en compte le fait que le stress a pris une ampleur qui menace directement la santé de plus d’un tiers des personnes sous contrat de travail. Accroissement de la charge de travail et du surmenage – imputable en particulier à l’extension continuelle de la journée de travail –, loyers et primes des caisses-maladie en augmentation d’un côté, revenus qui piétinent de l’autre : pour le plus grand nombre, le bilan est négatif.

En Suisse, un problème majeur n’est toujours pas résolu: les trop bas salaires versés à près de 440'000 salarié-e-s. Une personne sur cinq se retrouve face à des difficultés matérielles quand elle doit payer une facture inattendue de 2000 francs envoyé par le dentiste ou le carrossier. Voilà qui devrait donner à réfléchir.

Et parmi les personnes qui exercent une activité professionnelle à plein temps sans parvenir à joindre les deux bouts, les salarié-e-s ayant suivi un apprentissage sont toujours plus nombreux. C’est un puissant signal d’alarme pour une économie dont les performances reposent en bonne partie sur des employé-e-s bien formé-e-s en possession d’un certificat de fin d’apprentissage. La Suisse est fière – à juste titre – de la qualité de son système d’apprentissage. L’apprentissage devrait donc aussi être payant, faute quoi il subit une dévalorisation systématique.

La discrimination salariale est particulièrement flagrante chez les femmes travaillant dans des branches à bas salaires comme le commerce de détail. Quand des vendeuses qualifiées, jouissant d’une expérience professionnelle, sont employées dans des grandes enseignes de vêtements ou de chaussures et gagnent trop peu pour mener une vie décente, alors que les propriétaires de ces mêmes groupes sont tous sans exception milliardaires et refusent de conclure des conventions collectives de travail, voilà qui illustre à merveille toute l’étendue des inégalités salariales en Suisse. Si ces vendeuses qualifiées sont payées au lance-pierre, cela ne tient pas au manque d’argent mais bien à des conditions injustes.

Or il est possible de changer cette situation. Ce sont des mécanismes et des choix voulus par les responsables politiques qui ont fait que les inégalités se sont également accrues dans notre pays, que les revenus et les fortunes ont été répartis de manière toujours plus inégalitaire et que les acquis sociaux sont soumis à des pressions de plus en plus fortes. Cette évolution politique négative vers un accroissement des inégalités peut cependant être inversée. Comment ? Par des décisions plus raisonnables, propices à une meilleure répartition et à une meilleure cohésion sociale.

La nouvelle dynamique de l’initiative sur les salaires minimums est un pas important dans cette direction. L’initiative populaire 1 :12 va dans le même sens et constitue une mesure efficace contre les excès salariaux. Comme les inégalités sociales augmentent encore avec l’âge, il importe de renforcer l’AVS, socle de la prévoyance vieillesse pour tous. C’est ce que demande l’initiative populaire AVSplus. Parmi les démarches politiques visant à rétablir un équilibre raisonnable, il y a toutes les propositions de politique fiscale qui prévoient de faire participer de nouveau équitablement les hauts revenus et les hauts patrimoines aux charges publiques, comme par exemple l’impôt fédéral sur les successions. Et il y a le rejet de tous les projets qui affaiblissent la solidarité au sein de la société. Enfin, il est important de disposer de bonnes infrastructures publiques, accessibles à tous à des prix abordables, et d’un bon système de formation et de santé accessible sans obstacles financiers.

Finalement, un point déterminant pour parvenir à faire progresser les salaires ce sont des syndicats forts et de bonnes conventions collectives de travail. Les salaires et les conditions de travail sont meilleurs dans les secteurs où les syndicats sont forts et les conventions collectives de bonne qualité que dans ceux où il n’existe pas de conventions collectives. La Suisse a la chance de pouvoir réaliser de sérieuses avancées dans ces secteurs ces prochaines années, grâce aux salaires minimums et à la consolidation des conventions collectives. Les pressions croissantes sur les salaires et les conditions de travail ne sont pas une fatalité. Réussirons-nous à entamer un développement durable en faveur de la majorité de la population disposant de bas et moyens salaires, ou la tendance négative de ces 10 ou 15 dernières années va-t-elle perdurer ? La décision se prend maintenant. L’enjeu est d’une grande importance.

Ainsi donc

 

  • Il faut des conventions collectives de travail avec des salaires minimums dans toutes les branches, et surtout des salaires minimums spécifiques aux diverses professions. Personne ne doit gagner moins de 22 francs l’heure ou moins de 4000 francs par mois. A cet effet, il faut introduire un salaire minimum légal, en dessous duquel il ne sera pas permis de descendre, y compris dans les branches sans convention collective.
  • La protection offerte par les conventions collectives est insuffisamment développée en Suisse. C’est la conséquence d’une législation obsolète prévoyant des obstacles élevés pour étendre le champ d’application de ces conventions collectives. La protection des travailleurs doit être modernisée dans les secteurs à très bas salaires en y promouvant les conventions collectives.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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