La crise relevant du système, c’est ce dernier qu’il faut changer

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Écrit par Daniel Lampart

Les dernières décisions du Tribunal administratif fédéral ont donné une nouvelle dyna-mique à la crise bancaire en Suisse. Au centre de la discussion politique, on trouve une fois de plus l’UBS. Dans ce cas précis, ce n’est pas faux en soi. Mais on n’a absolument pas le droit d’oublier que la crise relève du système. Et qui ne veut rien changer à ce dernier a fortement intérêt à ce que ce problème soit mis sur le dos d’une seule banque, l’UBS, c’est-à-dire sa direction.

Personne ne conteste que l’ancienne direction de l’UBS (MM Ospel, Wuffli et Spuhler) a fait un travail aussi mauvais que son arrogance a été sans limite. Il est également clair qu’aux chapitres arrogance et gestion aventureuse, la nouvelle équipe emmenée par MM Grübel et Villiger, avec ses rêves de rendements absurdes, ses projets de licenciements et ses programmes de bonus, ne se différencie guère de celle qui l’a précédée.

Cependant, si l’on se donne pour but d’avoir, après la crise, une économie plus sûre et plus juste, contraindre l’actuelle direction de l’UBS à livrer des données aux États-Unis et à commettre ainsi un acte punissable n’est pas une priorité. Car ensuite, ce sont des individus qui seraient reconnus coupables et, s’ils étaient traînés devant les tribunaux et sanctionnés, toute cette histoire serait liquidée. « On » pourrait alors recommencer à faire des affaires comme si rien ne s’était passé. Une telle solution est donc dans l’intérêt de ceux qui veulent revenir aux méthodes d’avant la crise, c’est-à-dire au laisser-faire et au secret bancaire. C’est pour cela qu’une solution à ce problème sera nécessairement politique.

Qui se focalise sur la solution au problème du « trop grand pour laisser faire faillite » (« too big too fail »), est peut-être être animé par le même désir. Le but d’une telle solution est en effet qu’à l’avenir, les grandes banques puissent faire faillite sans intervention de l’État. Ce qui est dans l’intérêt des défenseurs du laisser-faire dans le secteur financier.

Or ce dernier est précisément l’une des principales causes de la crise. Les marchés financiers ont été déréglementés, la politique fiscale et de revenu a favorisé les hauts revenus au détriment des bas, sur lesquels elle a fait pression. Conséquence : beaucoup de pays se sont énormément endettés et le secteur financier a été livré à lui-même. En Suisse, la complaisance des autorités à l’égard du secteur financier était, et est encore, très marquée.

Pour que l’absence d’indépendance des autorités par rapport au secteur financier soit analysée et qu’un bilan à ce sujet puisse être tiré, il faut une commission d’enquête parlementaire. Il faut aussi prendre, dans le secteur financier, des mesures de stabilisation qui aillent plus loin que la solution au problème de la taille des grandes banques, des mesures comme une re-régulation des marchés des produits dérivés et une nette hausse des exigences en matière de capitaux propres. Enfin, il faut pratiquer une distribution plus juste du revenu. Un premier pas dans cette direction serait d’imposer tous les bonus élevés et de distribuer le produit de cet impôt aux ménages à bas et moyens revenus. Le pouvoir d’achat intérieur s’en trouverait renforcé et la conjoncture stabilisée. Et ce serait aussi un signal à l’intention de la population qui souffre de la crise et se sent laissée en rade par le gouvernement. Un gouvernement qui a sauvé les grandes banques et laisse livrés à eux-mêmes les gens menacés par le chômage ! 

 

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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