Intervention du conseiller aux États Paul Rechsteiner sur Projet fiscal 17

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Écrit par Paul Rechsteiner

Ici, le texte intégral de cette intervention

Dans la vie, il y a des choses qui se développent comme prévu. Et d’autres avec lesquelles c’est moins souvent le cas. Évaluer le nouveau contexte est alors un exercice ardu. Mais nous avons été élus aussi pour gérer des constellations imprévues et y répondre.

Il aurait été plus simple de prendre position sur la mouture de Projet fiscal 17 adoptée par le Conseil fédéral. La seule chose claire était que cette réponse du Conseil fédéral au refus par le peuple de la troisième réforme de l’imposition des entreprises n’était pas acceptable. Malgré le soutien sans faille des organisations de l’économie, des partis de droite et des gouvernements cantonaux. Cela avait d’ailleurs été la même chose avec le projet qui a échoué. Le peuple n’avale pas des projets aussi unilatéraux.

Mais maintenant, nous nous trouvons face à un nouveau contexte. La commission a corrigé le projet sur des points importants. C’est pourquoi nous avons aussi besoin d’une nouvelle appréciation.

Les nouvelles décisions sur le financement de l’AVS sont tout à fait positives. Il ne s’agit pas que des deux milliards de francs environ de recettes supplémentaires qui créeront également une dynamique positive pour l’avenir. La combinaison de davantage de fonds de la Confédération avec des pour mille de salaire est un financement social des rentes AVS. Les ressources de la Confédération reposent surtout sur les impôts. Et les pour mille de salaire ne sont pas seulement une bonne chose pour la part des employeurs. Dans l’AVS, la part des salarié(e)s est, jusqu’à un revenu de 150 000 francs, très rentable. Le pourcent le plus élevé des revenus contribue pour presque 10 % aux cotisations AVS. Ou, pour le dire en chiffres : celui qui encaisse cinq millions de salaire et bonus paie aujourd’hui 420 000 francs à l’AVS sur son revenu, cotisations patronales et de l’employé(e)s confondues. À l’avenir, ce sera 435 000 francs. Les revenus élevés et très élevés sont entièrement soumis à cotisation. Cela différencie l’AVS des autres assurances.

Les cotisations salariales versées à l’AVS n’ont plus été adaptées depuis 1975. Donc depuis plus de 40 ans. Et depuis le premier pour-cent de TVA pour la démographie, il y a plus de 20 ans, il n’y a plus eu de nouvelles recettes pour l’AVS. Le nouveau financement additionnel n’a que trop attendu. Il apporte une bouffée d’air frais pour les prochaines années. Aussi pour un projet de réforme social qui n’est plus soumis à une pression au démantèlement. Ou à la menace du relèvement de l’âge de la retraite. Les deux milliards destinés à l’AVS sont un argument décisif pour dire oui au paquet de la commission.

On peut juger positif que ce projet supprime des statuts fiscaux devenus indéfendables en comparaison internationale. C’est un pas important vers l’abolition de pratiques fiscales dommageables, comme l’OCDE les a définies.

La partie fiscale du projet est une bonne chose, mais aussi le niveau fédéral. Les recettes à ce plan sont en effet tout à fait garanties. Contrairement à la troisième réforme de l’imposition des entreprises en son temps, l’assujettissement intégral des entreprises à l’impôt sera maintenu demain au niveau fédéral. S’ajoute qu’à ce niveau, l’imposition des dividendes sera relevée à 70 % et les dérogations fiscales au principe de l’apport de capital partiellement supprimées.

On souhaiterait certes que la correction concernant le principe de l’apport de capital et l’imposition des dividendes aille plus loin. Il n’y a aucune raison d’imposer moins les dividendes que les salaires. Mais la proposition va, pour la première fois depuis des années, dans la bonne direction. On revient partiellement sur la scandaleuse deuxième réforme de l’imposition des entreprises. À l’avenir, les actionnaires devront payer plus d’impôt qu’avec les règles de cette réforme.

Les baisses d’impôt en partie massives pour les entreprises que plusieurs cantons ont prévues sont problématiques et négatives. Cette évolution ne touche cependant pas la Confédération, mais les cantons concernés. Il n’est pas simple d’avoir une vue d’ensemble des mesures planifiées. C’est difficile parce que quelques cantons sont déjà bien avancés avec des baisses importantes des impôts ou en ont mis sur rail. Indépendamment du projet dont nous débattons aujourd’hui.

J’aimerais faire expressément observer qu’il n’y a aujourd’hui aucune raison de réduire de manière générale l’imposition des entreprises seulement parce qu’un nombre limité d’entreprises actuellement privilégiées devra payer à l’avenir les impôts ordinaires. En comparaison internationale et européenne, la fiscalité des entreprises en Suisse est déjà basse, même sans nouvelles baisses des impôts. S’y ajoute que, jusqu’à ce que les entreprises actuellement privilégiées soient soumises à l’imposition ordinaire, il y aura un long délai transitoire. Les entreprises doivent aussi payer des impôts. Elles demandent à bénéficier des prestations publiques, à commencer par les infrastructures, l’éducation et la formation jusqu’à l’État de droit et à la justice, tout comme les personnes physiques. Les entreprises doivent donc aussi payer en conséquence des impôts.

Nous ne connaissons malheureusement pas aujourd’hui d’harmonisation matérielle des impôts cantonaux au plan fédéral. Par exemple avec des taux d’imposition minimaux. La contribution versée aux cantons, à travers une hausse de leur part de l’impôt fédéral direct, reste un point critique du projet.

Il n’est d’ailleurs pas précisé que les cantons doivent utiliser cette contribution supplémentaire provenant de l’impôt fédéral direct pour baisser leurs impôts. L’affectation de ces fonds n’est pas liée. Comme le message du Conseil fédéral le dit (p. 2596), cet argent peut aussi bien servir à des investissements dans les infrastructures. Le financement des institutions destinées à l’accueil des enfants afin de favoriser la conciliation entre profession et famille en fait par exemple partie. Ou, ce qui serait urgent dans certaines régions, un financement plus substantiel des réductions des primes-maladie.

Mais cette bataille contre des baisses erronées des impôts des entreprises et pour des investissements judicieux doit être menée dans les cantons. Probablement d’abord dans le canton de Berne.

Dans mon évaluation globale, j’arrive par conséquent à la conclusion que le projet de la commission mérite d’être soutenu.

Enfin, comme en son temps avec la prévoyance vieillesse, je précise à nouveau, afin d’éviter tout malentendu, que, ce qui va de soi, je prends ici position à titre personnel et dans le cadre de ma fonction de conseiller aux États. L’Union syndicale suisse que je préside adoptera comme toujours sa position définitive démocratiquement, une fois les délibérations terminées.

 

Berne, le 7 juin 2018                     

Paul Rechsteiner, conseiller aux États, Saint-Gall

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

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Daniel Lampart
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