Finissons-en avec les inégalités croissantes en matière de revenus et de fortune !

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Écrit par Paul Rechsteiner

Avant le 1er mai de l’an dernier, l’Union syndicale suisse (USS) présentait pour la pre-mière fois en Suisse un rapport sur la répartition des revenus et de la fortune dans notre pays. Ce rapport scientifique montrait dans quelle mesure dramatique les inégalités de revenus et de fortune s’étaient accrues ces dernières dix à quinze années en Suisse aussi. Ce grave constat n’a pas pu être réfuté, même par ceux à qu’il il ne plaisait pas, comme l’organisation faîtière de l’économie : economiesuisse.

Actualisé et remanié, le nouveau rapport poursuit l’analyse commencée. Il confirme, sur la base des données les plus récentes – qui concernent désormais aussi l’an 2010 – que le revenu disponible des petits et moyens revenus n’a guère augmenté, voire même qu’il a baissé pour des ménages à une personne, alors qu’il augmentait de façon démesurée pour les hauts et très hauts revenus. L’évolution des salaires, qui a favorisé les hauts et très hauts salaires, n’en est pas seule responsable. La politique fiscale l’est aussi, qui se caractérisait et se caractérise encore par des allégements fiscaux pour les revenus les plus élevés et les fortunes les plus grandes, pendant que les primes de caisse-maladie et les loyers alourdissent de manière excessive la charge supportée par les salarié(e)s ordinaires.

Mais cette évolution négative n’est pas une loi de la nature. Comme le montre le rapport 2012 de l’USS, qui présente aussi les résultats des nouvelles recherches effectuées à l’étranger, ce sont finalement des décisions politiques qui entraînent plus d’inégalités ou plus d’égalité et de justice en matière de revenus et de fortune.

Ces décisions politiques déterminantes pour l’évolution des revenus et de la fortune ont été, tout compte fait, très négatives ces dernières années précisément pour les bas et moyens revenus. Il ne suffit cependant pas de se plaindre de cette dérive concernant les hauts revenus, comme l’a tout récemment fait le Conseil fédéral dans son message sur l’initiative populaire « 1:12 – Pour des salaires équitables ». Des mesures concrètes et des progrès politiques sont nécessaires.

En matière de politique fiscale, la spirale des baisses sans fin d’impôts en faveur des hauts revenus et des grandes fortunes doit être stoppée. L’exemple le plus flagrant est, au plan fédéral, la deuxième réforme de l’imposition des entreprises, qui se traduira par des milliards de francs de pertes pour la Confédération et au profit des riches actionnaires, donc de ceux qui ont le moins besoin d’allégements. Pour la seule année 2012, cette réforme a entraîné 400 millions de pertes fiscales pour les impôts sur le revenu et 350 millions pour l’impôt anticipé. Comme le Tribunal fédéral l’a aussi confirmé entretemps, les citoyen(ne)s ont été dupés avant le vote par les autorités fédérales compétentes, c’est-à-dire qu’on leur a menti. Non seulement eu égard aux graves conséquences de cette réforme, mais aussi d’un point de vue démocratique, ce serait un échec capital du Conseil fédéral et du Parlement s’ils n’étaient pas en mesure de faire en sorte, dans des délais raisonnables, que ces conséquences ne se reproduisent plus.

Somme toute, la politique fiscale doit revenir aux principes élémentaires inscrits dans la Constitution fédérale, à savoir : une imposition en fonction de la capacité économique. En lieu et place de nouvelles baisses d’impôts en faveur des entreprises, il faut corriger certaines choses comme le propose, par exemple, l’initiative pour un impôt fédéral sur les successions soutenue par les syndicats. Un impôt sur les bonus, ainsi qu’il en est actuellement question en rapport avec l’initiative « contre les rémunérations abusives », serait un signal allant dans la bonne direction.

Pour les bas et moyens revenus, il est d’autre part déterminant qu’à nouveau quelque chose d’utile se passe enfin en ce qui concerne les primes des caisses-maladie, qui se transforment toujours plus en un impôt indirect antisocial. Les premiers pas à effectuer en matière de réductions des primes n’ont que trop attendu.

Enfin, du point de vue de la politique salariale, il faut introduire des salaires minimums en fonction des professions et des qualifications et un seuil inférieur de 22 francs de l’heure, ainsi que le demande l’initiative des syndicats pour des salaires minimums. C’est nécessaire pour que l’évolution des bas et des moyens salaires puissent redevenir durablement positive. Le rapport sur la répartition des revenus et de la fortune montre que les systèmes salariaux qui prévoient des salaires minimums et des hausses générales rendent la situation plus juste. Telles sont les conclusions les plus urgentes à tirer de ce rapport 2012.

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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