uss-infos : Une nouvelle et importante mesure que devra prévoir le troisième programme conjoncturel demandé par l’USS est l’augmentation de 10 % des indemnités journalières de chômage et leur prolongation à 520 jours. N’est-ce pas trop généreux à une époque où il s’agit de se serrer la ceinture ?
DL : Désormais, l’économie suisse ne dépend plus que de la consommation. Le chômage se développant, le pouvoir d’achat des gens va diminuer, ce qui, à son tour, entraînera une baisse de la consommation. Nous devons briser ce cercle vicieux, d’autant plus que l’État veut, lui aussi, entamer ce pouvoir d’achat à travers la hausse de 5 à 10 % des primes versées aux caisses-maladie, de la taxe sur le CO2, du prix de l’électricité et l’assainissement des caisses de pensions. Ce qui revient à jeter tant et plus de l’huile sur le feu. Des contre-mesures s’imposent donc. Les plus importantes d’entre elles sont : des indemnités journalières de chômage plus élevées et servies plus longtemps et une réduction plus importante des primes des caisses-maladie. Cela aura aussi une incidence sociale positive, empêchant notamment que les familles concernées ne se retrouvent tout à coup à l’aide sociale.
uss-infos : N’y a-t-il aucun risque d’abus ? Si, en tant que chômeur, je touche désormais 90 % de mon salaire et que je peux travailler un peu au noir, j’aurai alors plus d’argent et de temps libre qu’avant, non ?
DL : C’est totalement faux ! Le chômage est une épreuve difficile. Personne ne choisit de la vivre, et surtout pas en pleine crise. En outre, les offices régionaux de placement (ORP) contrôlent minutieusement si les chômeuses et chômeurs cherchent sérieusement un emploi.
uss-infos : L’USS maintient ses anciennes revendications, à savoir : un programme d’investissement d’au moins 5 milliards de francs. Pourquoi ce programme apparaît-il si centré sur la construction ? Cette dernière ne s’est en effet pas encore effondrée, alors que l’industrie d’exportation est frappée de plein fouet par la crise.
DL : À dire vrai, le discours tenu par l’État sur les programmes conjoncturels est purement et simplement de la poudre aux yeux. En 2010, les pouvoirs publics, c’est-à-dire la Confédération, les cantons, les communes et les assurances sociales ne vont pas stabiliser, mais déstabiliser l’économie. Ils vont le faire en augmentant des coûts et en faisant des cadeaux déplacés ; cela, pour un montant de 7 milliards de francs. En effet, les cantons et les communes préparent des programmes d’austérité au lieu d’augmenter leurs dépenses comme c’est nécessaire pour combattre activement la crise. Le conseiller fédéral Hans-Rudolf Merz va prochainement demander des trains de mesures d’économie parce qu’à cause des cadeaux fiscaux et des calculs erronés qui découlent du frein à l’endettement, il annoncera des déficits « structurels ». On économisera alors d’abord dans les investissements, parce que c’est le plus facile à faire. En anticipant des projets de construction prêts à être réalisés, nous ne ferons qu’empêcher le pire. De plus, dès le deuxième semestre 2009, la construction va commencer à se ressentir de la mauvaise conjoncture et cela, tant en ce qui concerne la construction de logements que de bureaux.
uss-infos : Mais cela aidera-t-il l’industrie ?
DL : Pour la construction d’infrastructures, il faut aussi des ingénieurs et des planificateurs ; pour l’assainissement des bâtiments, on mobilise également l’artisanat technique et, donc, en second ressort l’industrie. Enfin, nous demandons aussi que des moyens considérables soient affectés à l’amélioration de la formation dans le domaine de l’accueil extrafamilial des enfants. Au surplus, nous favorisons l’industrie avant tout en combattant la cherté du franc, une politique que la Banque nationale mène d’ailleurs aujourd’hui. Mais pour ce faire, elle doit pouvoir collaborer efficacement avec d’autres pays. Or tous ces derniers soutiennent la conjoncture en leur sein et, de ce fait, aussi la conjoncture mondiale. Ils attendent que la Suisse y contribue aussi. Si nous répondons présents, alors nous pourrons compter sur l’aide des autres banques centrales lorsque nous combattons un franc trop fort.