Apprendre des revers et rebondir

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Écrit par Paul Rechsteiner, Präsident SGB

Assemblée des délégué(e)s de l’USS du 23 mai 2014 -
Discours d’ouverture du Président Paul Rechsteiner

 

Les deux dimanches de votation que nous venons de vivre placent le mouvement syndical devant des défis d’envergure.

Manifestement, les deux défaites devant le peuple du 9 février et du 18 mai sont liées. Si le résultat du scrutin du 18 mai était clair, celui du 9 février a en revanche été on ne peut plus serré. Il n’en reste pas moins que la portée de la votation du 9 février l’emporte de beaucoup sur celle du 18 mai. Le verdict du 9 février a en effet profondément modifié la Suisse. Et pas seulement pour le scrutin du 18 mai.

Commençons toutefois par l’initiative sur les salaires minimums. Diverses raisons en expliquent l’échec et nous aurons tout avantage à l’analyser une fois de plus avec attention, en prenant le recul nécessaire. Néanmoins, il est incontestable aujourd’hui déjà que le climat d’incertitude fruit du 9 février et, surtout, la peur de perdre son emploi ont causé un grand tort à l’initiative. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si celle-ci a commencé à chuter dans les sondages au lendemain du scrutin.

En dépit du mauvais résultat, notre initiative pour les salaires minimums n’était pas tout simplement un échec. En effet, le bide de l’initiative devant le peuple ne doit pas faire oublier qu’elle constitue une campagne salariale réussie. Nous avons là un paradoxe : les grands succès dans la lutte contre les bas salaires comparés au fiasco dans les urnes.

Certaines conclusions sont évidentes. Dès le début, nous savions qu’il était téméraire de demander un salaire minimum de 4000 francs dans l’ensemble du pays, du moins si l’on tient compte des caractéristiques habituelles en Suisse. Et même si l’initiative ne devait entrer en vigueur qu’en 2018. Au moment du lancement de l’initiative, même pas dix ans s’étaient écoulés depuis notre première campagne nationale « Pas de salaires à moins de 3000 francs ». Avec le recul, il est clair que 4000 francs par mois ou 22 francs à l’heure était malgré tout la revendication correcte. En effet, ce sont ces chiffres qui ont servi de référence à la lutte contre les salaires trop bas en Suisse. Nous luttons pour des salaires dignes et non pour des salaires qui frisent le minimum vital.

À la réflexion, il aurait été plus intelligent de formuler les principales exceptions dans l’initiative elle-même. Songeons par exemple aux jeunes ou à la possibilité de moduler la limite par région. Dans le débat public, c’étaient des arguments contre lesquels il était presque vain de lutter. 

Toutefois, nous devons surtout réfléchir de façon approfondie au rapport entre une campagne et l’instrument que constitue l’initiative populaire. S’agissant des assurances sociales, le recours aux droits populaires est pratiquement inévitable. Il en va autrement pour les salaires. Il n’en reste pas moins que l’initiative, vue comme une campagne salariale nationale de grande envergure, nous a permis d’obtenir dans de nombreuses branches à bas salaires d’énormes avancées qu’il aurait été presque impossible d’imposer autrement. La force d’un syndicat se mesure en première ligne à sa capacité à obtenir des succès concrets pour les salarié(e)s. C’est précisément sous cet angle que les résultats de la campagne pour des salaires minimums ne craignent pas du tout la critique. Malgré tout, il faut tirer un bilan après le 18 mai : pour une initiative populaire, il n’est pas suffisant de s’en remettre à la puissance d’une revendication légitime.

Ces prochaines années, la politique salariale aura pour premier objectif de développer les conventions collectives de travail. Cette mission pour notre organisation et nos fédérations sera doublée d’un test pour la valeur réelle de l’attachement au partenariat social professé par les opposants à l’initiative populaire. Nous voulons et devons avancer dans ce domaine et les possibilités sont légion.

L’autre priorité de la politique salariale de ces prochaines années est la lutte contre la discrimination salariale dont souffrent les femmes. Cette assemblée des délégué(e)s en posera les premiers jalons.

Si, l’un dans l’autre, nous tenons le bon cap en matière de politique salariale en dépit du mauvais résultat du 18 mai, il en va bien autrement pour les séquelles du 9 février. De nombreux secteurs ont perdu le nord dans la recherche du succès économique et social de la Suisse. Les contingents et les séjours de courte durée privés de droit menacent de nous renvoyer à une époque révolue. Dès lors, il est important que les syndicats définissent rapidement leur point de vue.

Voici les positions que nous proposons à cette Assemblée : nous voulons que les relations entre la Suisse et l’Union européenne soient réglementées. Aussi défendons-nous les Accords bilatéraux. Nous luttons contre la discrimination. Aussi refusons-nous un nouveau statut de saisonnier privant leurs titulaires de tout droit. Et il faut que les salaires soient efficacement protégés, aussi pour garantir l’emploi.

Pour ces raisons, nous nous opposerons avec vigueur à l’initiative Ecopop, dont l’acceptation ne ferait qu’aggraver considérablement la situation après le 9 février. Son rejet préparerait en revanche la voie à une nouvelle décision sur les Bilatérales. Ce que nous avons vécu le 9 février ne peut pas se reproduire. Et, avant cette échéance, nous n’avons pas non plus fait tout ce qui aurait été possible. Ni à l’extérieur, ni non plus à l’intérieur. Contre Ecopop, les syndicats doivent mener une campagne bien plus agressive, qui montrera les graves conséquences pour tous de la dégradation des conditions salariales et d’embauche des salarié(e)s sans passeport suisse.

Nous devons mener simultanément plusieurs luttes importantes, pour les rentes, pour les salaires et contre la discrimination. Cette assemblée des délégué(e)s est la dernière avant le congrès d’octobre. C’est précisément dans les époques difficiles et troublées qu’il faut faire les bons choix et poser sur le tapis les thèmes qui intéressent les syndicats. Le congrès de l’USS du mois d’octobre tombe donc à point nommé.

Finalement, n’oublions pas que l’histoire des progrès sociaux et politiques est parsemée de défaites. Sur la durée, ce ne sont pas les défaites qui sont déterminantes, mais la capacité d’apprendre des revers et de rebondir. En faveur des grands objectifs sociaux de notre mouvement.

Documents
  • <media 2813>Résolution de la CGAS à l’adresse de l’Assemblée des délégués de l’USS: Bilan de la campagne SML à 4'000 francs et suites à envisager</media>

Responsable à l'USS

Daniel Lampart

Premier secrétaire et économiste en chef

031 377 01 16

daniel.lampart(at)sgb.ch
Daniel Lampart
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