Statut de saisonnier : plus jamais ça !

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Écrit par Vasco Pedrina, secrétaire d’Unia/Ewald, Ackermann, service de la communication d

Des discriminations à n’en plus finir

Plusieurs porte-paroles de l’UDC ont revendiqué, avant et après la votation du 9 février dernier, la réintroduction du statut de saisonnier. Mais savent-ils bien de quoi ils parlent ? Ce statut se caractérise par les neuf dispositions discriminatoires suivantes :

Visite sanitaire à la frontière

Lors de leur entrée en Suisse, en début de saison (généralement dès le début mars), les saisonniers, devaient se soumettre à la frontière à une « visite sanitaire » dégradante. Torse nu, en colonne, par tous les temps, ils devaient attendre leur tour pendant des heures. Ceux qui n’étaient pas en bonne santé étaient renvoyés à la maison. Cette « visite sanitaire » n’a été supprimée qu’en 1992 et remplacée par une visite chez les médecins des localités de destination ; cela, suite à une campagne menée sur plusieurs années par la FOBB (actuellement Unia).

Les baraques

Les saisonniers logeaient dans des baraques, à plusieurs dans une même chambre, souvent avec trop peu de toilettes et de douches, dans des conditions insalubres. Ce n’est que dans les années 1980 et 1990 que la FOBB, puis le SIB (nouvelle dénomination) ont obtenu et ensuite pu améliorer un « Règlement des logis pour saisonniers », qui constituait une annexe à la Convention nationale de la maçonnerie. Parmi les améliorations : pas plus de deux personnes par chambres (puis une), suffisamment de douches et de toilettes, des conditions hygiéniques et un bon service de cantine.

Interdiction de changer d’emploi

Les saisonniers étaient engagés par une entreprise et ils devaient y rester. Les autorités n’accordaient pas de changement d’emploi, même si les rapports de travail avaient été résiliés illicitement. Ils devaient rentrer au pays. Cela les mettait dans une condition de dépendance extrême face à l’employeur.    

Pas de regroupement familial

Les saisonniers n’avaient pas droit au regroupement familial. Ce n’est qu’avec l’accord bilatéral Suisse-Italie de 1965 que la possibilité d’avoir droit à un permis annuel et, par conséquent, au regroupement familial a été introduite ; et cela après 45 mois (5 saisons). Dans le courant des années 1970, le nombre de mois a été réduit à 36 (4 saisons). Une marge de tolérance de 14 jours fut aussi introduite. Mais lorsque, par exemple, un saisonnier – lors de sa troisième saison – n’arrivait qu’à 8 mois et une semaine, le calcul des saisons recommençait à zéro l’année suivante. Pour la même raison, on a fini par introduire le critère de 100 mois de séjour pour les saisonniers qui étaient assujettis depuis longtemps à ce statut, mais n’avaient jamais pu réunir les conditions précitées pour la transformation de leur permis. En 1982, le Conseil fédéral a supprimé ce critère des 100 mois.

À relever que nombre d’employeurs abusaient de ces règles pour empêcher le saisonnier de remplir les conditions à une transformation de son statut. C’était une manière de tenir les plus productifs liés à l’entreprise. Car souvent les saisonniers, dès qu’ils avaient obtenu une transformation de leur statut, quittaient non seulement l’entreprise, mais la branche, pour retrouver par exemple un emploi dans le secteur industriel.

Les enfants clandestins        

Avec le temps, de nombreuses femmes ont rejoint leurs conjoints, qui travaillaient dans l’agriculture ou le bâtiment, en tant que saisonnières aussi, mais le plus souvent dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie. Lorsque leurs enfants ne pouvaient pas être pris en garde par les grands-parents, ils étaient « parqués » dans des internats, souvent à la frontière avec la Suisse. D’année en année, le nombre d’enfants vivant clandestinement en Suisse a augmenté. Une enquête effectuée au début des années 1990 par la FOBB est parvenue alors à la conclusion qu’ils étaient plusieurs milliers dans cette situation. Dans les cantons et communes où les autorités étaient tolérantes, ils pouvaient aller à l’école sans être dénoncés ; sinon, ils restaient toute la journée enfermés à la maison.

Rotation des   saisonniers

La FOBB – ayant constaté le jeune âge des travailleurs à leur arrivée - a dénoncé à de multiples reprises au fil du temps la pratique de la rotation des saisonniers appliquée par les employeurs. Les conséquences en étaient les suivantes :

 

  • durant la première saison, leur salaire était le plus bas ; ignorant leurs droits, ils étaient sans défense ;
  • pour les moins de 25 ans d’âge, aucune cotisation ne devait être versée à la caisse de pension ;
  • le nombre d’accidents professionnels, notamment dans la construction, était extrêmement élevé (plus d’un tiers chaque année), ce qui tenait souvent au fait que ces jeunes sans qualifications venaient de l’agriculture.

Pression sur les salaires       

Pour un même travail de manœuvre, les saisonniers étaient en moyenne payés 15 % de moins que leurs collègues suisses. Vu le recours extensif à cette catégorie des saisonniers, le niveau général des salaires dans les branches les plus concernées était sous pression.           

Discrimination dans les assurances sociales           

Les saisonniers subissaient des discriminations en matière d’AI et d’assurance-maladie par rapport à la main-d’œuvre indigène. La plupart d’entre eux n’avaient pas droit à l’assurance-chômage durant l’entre-saison passée dans leur pays. En matière de prévoyance professionnelle, ils étaient souvent confrontés à des abus.

Pas de garantie de l’emploi  

À la fin de la saison, les saisonniers devaient prendre leurs bagages, souvent sans avoir l’assurance de pouvoir revenir la saison suivante, ce qui était une source de grande insécurité.

Cette énumération prouve qu’il n’est pas exagéré de parler du statut de saisonnier comme d’un statut inhumain, contraire à la dignité de la personne et de la famille, un statut similaire au système d’apartheid de l’ancienne Afrique du Sud ou de « Kafala » actuellement en vigueur pour les travailleurs migrants au Qatar.

Un État qui tire les leçons du passé ne peut que dire : plus jamais de statut du saisonnier !

Responsable à l'USS

Julia Maisenbacher

Secrétaire centrale

031 377 01 12

julia.maisenbacher(at)sgb.ch
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