Précarité, quand tu nous tiens…

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Écrit par Véronique Polito

La crise de l’emploi des jeunes

La situation devient alarmante : le chômage des jeunes a atteint des records sans précédent dans de nombreux pays développés. Comme un arbre qui nous cache la forêt, le faible taux de chômage des jeunes en Suisse nous donne une fausse impression de confort. Pourtant, les indices ne manquent pas : chez nous également, on assiste peu à peu à une dégradation des conditions d’embauche pour cette catégorie de la population.

 

La crise économique a touché les jeunes plus fortement que la moyenne des personnes actives. Le phénomène est particulièrement frappant dans les économies développées et l’Union européenne (UE) : le chômage des jeunes y a atteint un taux de 18,1 %, un niveau jamais égalé depuis le début des années 1990. Parallèlement au chômage, on assiste aussi chez les jeunes à une forte dégradation des conditions d’entrée sur le marché du travail et une augmentation des emplois précaires. Selon Eurostat, ce n’est pas moins de 42 % des personnes de moins 25 ans qui sont concernés par le travail temporaire en Europe (UE des 27), alors que cette forme d’emploi ne concerne « que » 15 % des personnes actives. Au vue des perspectives globales de croissance, il est à craindre que le marché du travail pour les jeunes ne continue à se détériorer en Europe et dans le monde ces prochaines années.

En comparaison internationale, la Suisse reste pour le moment relativement épargnée. Son faible taux de chômage cache cependant un phénomène qui est aussi en augmentation dans notre pays, à savoir l’accroissement, chez les jeunes, de formes atypiques d’emploi. En Suisse, un tiers des travailleurs et travailleuses temporaires ont moins de 26 ans, alors qu’ils représentent à peine 10 % de la population active. Une étude du SECO parue en 2010 faisait état d’une augmentation des rapports de travail précaires chez les jeunes de 6 % à plus de 9 % entre 2004 et 2008. L’instabilité économique qui règne depuis 2008, les durcissements de la loi sur le chômage — entrée en vigueur en avril 2011 — sont des facteurs qui auront probablement contribué à accentuer cette tendance ces quatre dernières années.

Agir avant la tempête

Dans de nombreux pays, l’absence de perspectives pour la jeunesse est une bombe à retardement. La Suisse se doit d’agir en amont pour offrir les meilleures perspectives d’avenir possibles à ses jeunes. En comparaison internationale, elle dispose d’atouts qu’elle pourrait et doit mieux exploiter.

Pour un système de formation professionnelle capable de se remettre en question

Des études internationales ont montré que les pays dans lesquels le système de formation professionnel dual (formation en école professionnelle et entreprise) est bien implanté dans le tissu économique, connaissent un taux de chômage des jeunes particulièrement bas en comparaison européenne. C’est le cas de la Suisse, de l’Allemagne, du Danemark et de l’Autriche. L’évolution des valeurs amène cependant de plus en plus de jeunes à suivre une formation gymnasiale au détriment de la formation professionnelle. Afin de maintenir l’attractivité de cette dernière pour eux il faut oser envisager l’apprentissage sous un angle différent ; et le fait qu’ils soient tendanciellement moins nombreux dans cette catégorie d’âge le permet d’autant mieux :

Pour les apprenti(e)s, l’école ne s’arrête pas à 15 ans. Au contraire, l’apprentissage mène même de nombreux jeunes à des études supérieures. Pour les syndicats, il n’y a pas l’ombre d’un doute : à long terme, la réduction du temps passé en entreprise en faveur du temps scolaire s’imposera, faute de quoi l’apprentissage ne répondra finalement plus ni aux exigences du marché du travail, ni aux attentes de la jeunesse.

Contrairement aux idées propagées par la Confédération, la formation professionnelle ne doit pas à tout prix être « une activité rentable » pour les entreprises. Aucun(e) apprenti(e) ne se sent stimulé dans une entreprise qui le considère comme un facteur de rentabilité. Pour les syndicats, les bonnes entreprises formatrices investissent sans compter pour la formation de leurs jeunes et proposent des conditions salariales et des horaires décents.

Pour une protection sociale qui sort de l’impasse

L’entrée des jeunes sur le marché du travail représente une phase délicate qui va être déterminante pour la suite de leur parcours professionnel. Plus que jamais, ceux-ci ont besoin de soutien dans cette phase de transition. Le démantèlement des prestations de l’assurance-chômage en 2011, de même que l’abaissement de l’âge de protection des jeunes travailleurs et travailleuses en 2008 allaient à rebours du bon sens. Pour briser la spirale de la précarité, qui touche de plus en plus de jeunes, il faut rétablir des prestations de chômage dignes de ce nom et introduire un salaire minimum légal pour tous.

Pour un partenariat social qui se soucie des jeunes

La précarisation de l’emploi des jeunes favorise l’érosion du marché du travail régulier ; ceci, à la barbe des systèmes traditionnels de régulation. Rares notamment sont les conventions collectives de travail qui intègrent les apprenti(e)s, les stagiaires ou les temporaires dans leur champ de protection. Or, les jeunes sont déterminants pour le système : leur rapport au marché du travail dépendra fortement de leurs premières expériences. C’est pourquoi, il faut tabler à l’avenir sur un partenariat social qui les intègre systématiquement dans les systèmes de protection en les faisant notamment participer au dialogue.

Responsable à l'USS

Nicole Cornu

Secrétaire centrale

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